Démocratie… la meilleure façon de dorer la pilule ?
Pour beaucoup, la démocratie est en crise. C’est encore l’idéal des peuples qui se révoltent pour le pain, les peuples vivent d’abord de pain mais aussi pour la liberté, l’égalité, la démocratie. Ils pensent qu’elles leur apporteront aussi le pain.
Les démocraties réellement existantes regardent ailleurs, achètent du pétrole, vendent des armes qui, à l’occasion, serviront contre ceux qui se soulèvent pour la démocratie et le pain. C’est peut-être préférable quand on voit les résultats de leurs interventions pour exporter la démocratie.
En 1992, Francis Fukuyama croyait pouvoir proclamer, après la chute du communisme, la fin de l’histoire et l’avènement de la démocratie partout et pour toujours. Qui n’était réellement implantée que dans quelques pays, la plus grande partie de la population mondiale vivant dans des États autoritaires, hybrides ou des démocraties défaillantes ou imparfaites. Pour l’Index of Democraty établi par The economist, en 2021, seuls 21 pays sur 165 peuvent être qualifiés de démocratie complète, sous la forme représentative. Essentiellement des pays nordiques et quelques autres.
La France estclassée dans les démocraties défaillantes.
La critique la plus fréquente porte sur la représentativité car la démocratie repose sur sa pointe. Les élus sont, le plus souvent, des hommes mûrs, blancs, appartenant aux couches dominantes, économiques, sociales, culturelles. Au dépens de toutes les autres catégories de population.
La proportion des femmes, certes en progrès, diminue au fur et à mesure qu’on monte dans la hiérarchie du fait d’une loi sur la parité, en France, très partiellement appliquée. La diversité sociale et ethnique des élus est aussi invisible sur les photographies que dans les données chiffrées...
Quant à la diversité d’opinionsque le suffrage universel devrait garantir, elle est très relative. Le mode d’organisation du système permet la domination, sans partage, continue, d’une oligarchie qui se reproduit de façon endogame.
Ce phénomène n’est pas que français. Il se retrouve suivant des modalités différents et à des degrés divers dans toutes les autres démocraties.
Les principaux États européens, après avoir engagé leurs peuples dans des aventures extérieures masquant leur mauvaise volonté à fonder une véritable démocratie, ont entrepris de se recentrer sur la construction d’une unité européenne, généreuse pour des lendemains qui s’éloignent toujours. Confondant lutte contre les inégalités avec lutte contre la diversité, unité européenne contre union des européens, concurrence libre et non faussée contre solidarité.
La démocratie, appréciable même dans leur forme relative, repose surle suffrage dit universel, libre, qui s’est imposé progressivement (1). Il a un rôle fondamental : légitimer la désignation des élus, du pouvoir, législatif et exécutif, par un scrutin exprimant la volonté générale. Il a été établi et peu à peu élargi, conquête/concession, avec toujours la même double illusion : pour les uns, calamité à circonscrire autant que possible ; pour les autres, espoir d’un avenir plus juste déçu très rapidement. Le pouvoir réel a toujours su le domestiquer. S’en servir. Le contrecarrer si nécessaire.
Le suffrage universel reste largement formel si les citoyens, lors des élections, locales ou nationales, ou des référendums, ne sont pas instruits et largement informés. Encore faut-il que les résultats en soient respectés.
Pour l’instruction, les progrès ont été notables notamment avec la démocratisation, qui laisse encore à désirer au niveau de l’enseignement supérieur.
Pour la formation politique et l’information… C’est la grande lacune ou le trop plein quand tous les canaux écrits ou audiovisuels sont regroupés en quelques pôles qui diffusent la - même - vérité des grands groupes financiers dominants qui n’hésitent pas à jouer de leur puissance (2) et amusent la population en discutant à longueur de temps de sondages au lieu de traiter en profondeur des questions essentielles qui intéressent directement les électeurs.
Lors de l’élection présidentielle de 2017, il y aurait eu 600 sondages…
Désormais, les commentateurs sont tenus à prendre quelques précautions : ils annoncent que ces sondages ne sont pas prédictifs, demi-aveu pour dire qu’ils ont une autre fonction, marketing et manipulation. Les candidats peuvent essayer d’adapter leur campagne…
Progrès, les sondages fournissent l’intervalle de confiance de leurs résultats. Puis, les commentateurs s’empressent de comparer les différences entre les candidats, les progressions d’un demi-point ou d’un point… sans tenir compte de leurs réserves émises quelques lignes plus haut.
Rares sont les organes de presse qui ont renoncé à ce petit jeu, captivant comme sur un champ de courses et tout aussi lucratif : Mediapart, Ouest France ???
Que faire quand un candidat ne tient pas ses promesses ? L’un d’entre eux a répondu clairement : les promesses n’engagent que ceux qui y croient !
Un tel mépris n’est il pas un facteur de crise de a démocratie ?
Quand Juncker dit : Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens.
N’y a-t-il pas de quoi mettre la démocratie en crise ?
Quand le président de la République, faisant peuple, affirme : Eh bien, là, les non-vaccinés, j'ai très envie de les emmerder. Et donc on va continuer de le faire, jusqu'au bout. C'est ça la stratégie. Quand un président parle ainsi, parle-t-il en bateleur de foire ou en responsable ? Est-il encore citoyen ?
Pour améliorer la démocratie, il est souvent question de participation.
Les référendums pourraient en être une modalité. Malheureusement, en France, ils ont été souvent dénaturés et transformés en plébiscite par l’usage qu’en a fait le président De Gaulle. De telle sorte que les citoyens n’approuvent pas ou ne désapprouvent pas le texte mais celui qui a soumis le texte au référendum. Cela n’améliore pas la démocratie.
En 2005, le référendum a échappé à cette modalité. A la suite d’un large débat national, le peuple a voté non au projet de constitution européenne contre l’avis presque unanime du personnel politique et de la presse écrite ou parlée. Le résultat était clair : le texte était rejeté et non le gouvernement qui l’avait soumis au référendum. Ou, alors, étaient rejetés non seulement le gouvernement mais aussi toute la classe politico-médiatique qui s’était unie pour le soutenir. Et qui s’est empressée de l’adopter dans la forteresse des institutions coupées du peuple.
Comment ne pas mettre la démocratie en crise par un tel comportement ?
Le président de la République a voulu un grand débat national. Pour cela, il a écarté la Commission nationale du débat public (CNDP), institution préposée à ce type d’action et organisé soigneusementson tour de France de propagande présidentielle !
Convaincu de son succès lors de cette tournée, Emmanuel Macron a créé la Convention citoyenne pour le climat pour faire émerger des propositions concrètes sur l'environnement et la transition écologique. Tout imbu de lui-même et généreux en promesses, il a annoncé que les propositions de cette convention seraient reprises sans filtre et soumises, soit au vote du parlement, soit à un référendum, soit adoptées par mesures réglementaires. Promesse non tenue évidemment, les propositions ne convenant pas au président de la République...
Cette convention était composée de 150 personnes, tirées au sort, qui ont siégé plusieurs mois, aidés dans leurs discussions et leur réflexion par l’audition de personnes compétentes. L’échantillon de 150 personnes tirées au sort pour représenter le peuple français peut être discuté...
Mais, 150 personnes ne se connaissant pas, ayant auditionné des personnalités compétentes, se sont mises d’accord sur un certain nombre de mesures.
Le président, maître de lui comme de…, pensant que les propositions répondraient à son souhait, avait promis de les reprendre sous une forme ou une autre. Il a été fortement déçu. Il aurait pu faire le tri, reprendre celles qui lui convenaient et soumettre d’autres, importantes qui n’étaient pas consensuelles au niveau politique à un référendum. Une occasion perdue d’utiliser un référendum à questions multiples pour lesquelles les réponses auraient pu être différentes enlevant ainsi à ce référendum le caractère plébiscitaire.
En démocratie, vous êtes libres de répondre comme le demandent les gouvernants !
Comment un citoyen de bonne foi peut-il avoir confiance en la démocratie ? Le plus étonnant n’est pas la montée des abstentions. Mais la persistance des citoyens à vouloir s’exprimer ! Quand ils voient que la démocratie existante n’est que le moyen de faire accepter, directement ou non, par la population des décisions qui sont déjà prises par d’autres en fonction de ce qui les arrange.
Winston Churchill avait bien raison quand il affirmait que la démocratie était le pire de tous les régimes, à l’exception de tous les autres. Reste à inventer un régime démocratique qui soit moins pire ! Macron n’a pas pris ce chemin...
1 - En France, le droit de vote a été reconnu aux nationaux, mâles, de plus de 21 ans en 1848, aux Françaises en 1945, aux 18-21 ans des deux sexes en 1972 (dans certains pays le droit de vote est attribué à 16 ans), en oubliant, jusqu’à ce qu’elles se rebellent, les populations sous domination coloniale.
Depuis le traité de Maastricht de 1992, les citoyens de l’Union européenne qui n’ont pas la nationalité française peuvent participer aux seules élections municipales et européennes. Sont encore exclus les résidents qui n’ont pas la nationalité d’un des pays de l’Union européenne.
2 – Voir sur les écrans, actuellement, Media Crash – Qui a tué le débat public ? Réalisé par Luc Hermann et Valentine Oberti, documentaire coproduit par Mediapart et Premières lignes.
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