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Des décisions qui fâchent

Sous le premier septennat de François Mitterrand, les Français ont découvert l’existence du Cons’cons’. et des Zinzins. Le Cons’cons’, c’est le Conseil Constitutionnel. Les Zinzins, ce sont les investisseurs institutionnels.

Sous le premier quinquennat de François Hollande, on ne parle plus trop des Zinzins, mais le Conseil Constitutionnel continue de donner des conseils, des décisions et parfois des gifles.

Je reviendrai ici sur trois décisions qui ont réjouit les uns et fâché les autres.

Il convient de s’arrêter d’abord sur la composition du Conseil Constitutionnel. Neuf membres sont nommés comme suit : trois par le président de la République, trois par le président du Sénat et trois par le président de l’Assemblée Nationale. Ils sont nommés pour neuf ans et renouvelés par tiers tous les trois ans. Toujours la magie du chiffre trois et du principe ternaire (ou de l’idéologie trinitaire) dans l’aire indo-européenne.[1]

A ces membres nommés viennent s’ajouter « de droit » les anciens présidents de la République. Je reviendrai plus tard sur cette disposition qui est remise en cause.

Les trois décisions sont, dans l’ordre chronologique :

  • celle du 28 décembre 2012 sur la loi de finance pour 2013 qui compte 24 pages ;
  • celle du 17 mai 2012 sur la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe qui compte 16 pages :
  • celle du 4 juillet sur un recours de M. Nicolas Sarkozy qui compte 7 pages.

Remarquons d’abord que ces trois décisions, si elles sont d’inégale longueur, ont été prises au nom de l’égalité.

On dit que la première a fâché le gouvernement de gauche. Il est certain qu’elle a ravi (c’est le mot qui convient) l’opposition de droite. Mais de mauvais plaisants ont affirmé que la traduction législative d’une promesse de campagne avait été volontairement « mal ficelée » par les experts de Bercy afin qu’elle soit « retoquée » par les experts du Conseil Constitutionnel.

La deuxième a soulagé le gouvernement de gauche, mais elle a fâché la partie de droite. La droite, en effet, s’est divisée sur cette promesse de campagne, une réforme sociétale qui n’aurait peut-être pas été nécessaire si la majorité sortante avait élargi les droits du Pacte Civil de Solidarité.

La troisième a manifestement réjoui la gauche, et pas seulement le gouvernement. Mais a-t-elle pour autant navré toutes les composantes de la droite ?

A propos de cette dernière décision, le président Hollande a déclaré : « Le Conseil constitutionnel doit être respecté, pleinement respecté, entièrement respecté et personne ne peut suspecter, mettre en cause cette institution, sans alors mettre en cause l'ensemble des institutions ».

Certes. Mais un regard sur les noms et les qualités des sages est révélateur.

La première décision (sur les fameux 75%) a été prise par 9 personnalités nommées par la droite, dont un transfuge de la gauche, Michel Charasse.[2]

En février, le Conseil a été partiellement renouvelé par la nouvelle majorité, mais le président de l’Assemblée Nationale a reconduit Madame Claire Bazy-Malaurie, nommée par la majorité de droite.

La deuxième décision été prise par 10 personnalités, l’ancien président Giscard d’Estaing s’étant déplacé pour l’occasion. On ne sait pas quel a été son choix, mais la loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a été validée par une majorité de droite.[3]

La troisième décision a été prise par les mêmes personnes à l’exception de l’ancien président Giscard d’Estaing qui ne s’est pas déplacé cette fois. Mais il convient de remarquer que cette décision sur le recours de M. Nicolas Sarkozy a été prise par une majorité de droite.[4]

En janvier dernier, le journal Les Echos titrait sobrement « le Conseil Constitutionnel a infligé une gifle au gouvernement en annulant notamment la très controversée taxation à 75% pour les riches contribuables, prévue dans le budget 2013. » Écrirait-il aujourd’hui qu’il a mis une « claque » à l’ancien président ? Peut-être pas. Brice Hortefeux n’hésite pas à dire qu’on veut asphyxier son grand homme :

« "C'est une décision totalement injuste, qui démontre une nouvelle fois la volonté d'asphyxier par tous les moyens une personnalité qui gêne »[5].

Pourquoi tant de haine ?


[1] Selon Wikipedia, le président du Conseil constitutionnel percevrait une rémunération brute mensuelle de 6 950,08 € ; les membres, une 6 338,88 € seulement. On remarquera que, si après la virgule, c’est le chiffre 8 qui triomphe, la plupart des chiffres avant la virgule sont des multiples de 3.

[2] Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 28 décembre 2012, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mme Claire BAZY MALAURIE, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Mme Jacqueline de GUILLENCHMIDT, MM. Hubert HAENEL et Pierre STEINMETZ

[3] Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 17 mai 2013, où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Valéry GISCARD d'ESTAING, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

[4] Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 4 juillet 2013 où siégeaient : M. Jean-Louis DEBRÉ, Président, M. Jacques BARROT, Mmes Claire BAZY MALAURIE, Nicole BELLOUBET, MM. Guy CANIVET, Michel CHARASSE, Renaud DENOIX de SAINT MARC, Hubert HAENEL et Mme Nicole MAESTRACCI.

 


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3 réactions à cet article    


  • Nuccia Nuccia 10 juillet 2013 18:58

    « a-t-elle pour autant navré toutes les composantes de la droite ? » ....cette décision si fâcheuse pour les finances de l’UMP et dont l’ancien président s’empare pour tenter une « communication » ( on disait propagande dans mon jeune temps ) bien prématurée eu égard aux échéances qu’il vise ?

    Cette mise en lumière des irrégularités de financement met en effet l’accent sur les luttes à venir -qui s’amplifieront à l’approche des alliances électorales- entre la droite dite « décomplexée » incarnée par le fauteur de troubles et la droite des « principes » .
    Cette division peut devenir fracture et l’imposture sarkoziste ne peut que l’aggraver . 

    • claude bonhomme claude bonhomme 11 juillet 2013 08:37

      @ Nuccia

      Merci pour votre visite, madame.

      On peut supposer en effet que l’ancien président, s’il ne parvient pas à concourrir en 2017, préfère, veut d’abord nuire à ceux qui dans son camp prétendent le remplacer : Fillon et Juppé.

      Un second tour avec Madame Le Pen est donc envisageable. D’ailleurs, cet argument est déjà utilisé par les partisans de l’ancien président pour affirmer que son retour est nécessaire.


      • pergolese 11 juillet 2013 09:34

        Pendant longtemps, le Conseil Constitutionnel était surtout formé de juristes, (notamment des professeurs de Droit) peu connus du grand public (François Luchaire, Georges Vedel par exemple) fussent-ils nommés par des « politiques ».

        Maintenant, les « politiques » placent des « politiques » au Conseil Constitutionnel (Charasse ou barrot par exemple). Il y a encore des magistrats (canivet) ou des membres du Conseil D’etat mais la tendance est claire me semble-t-il.

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