Election d’un nouveau pape en pleine crise de civilisation, comment certains « murs » vont tomber
Alors que l’Eglise catholique était définie comme en grande perte d’influence, que le bulldozer de la déchristianisation semblait invincible, le passage de relais inattendu entre deux papes parait avoir totalement bouleversé l’ordre des choses. Le visage tendre et avenant du Pape François, ayant la politesse de commencer par saluer la foule venue l’acclamer par un simple « Bonsoir » n’aura hélas pas su faire taire le mur de la haine, laquelle est à distinguer absolument de l’athéisme méritant un respect équivalent à toute forme de croyance. Les heures qui suivirent l’accession au trône de Saint Pierre du dénommé François ne manquèrent pas de voir circuler les rumeurs les plus basses. Une photo montrant un ex dictateur (le funeste Colonel Videla) recevant l’eucharistie à une date à laquelle il cessa de payer sa dette à la société par des années justifiées de prison, cette photo ne manqua de voir le nouveau pape immédiatement frappé de collaboration fasciste. N’insistons pas sur la fameuse photo montrant un prélat de côté n’ayant comme point commun avec le nouveau « François 1er » que le port de lunettes. Au royaume des aveugles les opticiens de l’âme ne seront jamais au chômage. Gardons que « quelque chose » se passa à l’instant même de l’apparition de cet homme humble et modeste devenu pape, sur le balcon du Vatican. Quelque chose ? Loin de sombrer dans la pensée magique, gardons que bien "des murs" vont tomber. Si le pape Jean Paul 2 fît s’écrouler le rideau de fer de l’ex URSS, le pape François pourrait bien abattre quelques murs du Vatican, qu’autres plus étendus encore de l’occident, et qui sait, quelques murs plus intérieurs de l’Homme « moderne ». S’il n’y a jamais eu de « fin de l’Histoire » annoncée par les prophètes de malheur et porteurs de ragots anticléricaux primaires s’agissant de tout pape, ce mois de Mars 2013 marquera assurément un tournant pour la civilisation. L’occident dominé par le « nouveau monde », celui des Amériques dont est issu le pape François, ne devrait pas échapper à une remise en question de son système de valeurs, outre l’aspect économique et social.
Abattre quelques « murs » recouvrirait donc la mission de ce pape, le « mur de l’Ouest » premièrement, et bien au-delà, aussi quelques murs de l’Eglise elle-même. Le pape François serait bien préparé pour ces divers plans.
Avec plus de 528 millions de fidèles, l’Amérique latine constitue la région la plus catholique au monde. Même si elle voit l’influence du catholicisme altérée par d’autres religions ou sectes, elle garde une place prépondérante. Notons que les noms de différents cardinaux latino-américains furent déjà avancés pour prendre la succession de Jean-Paul II, un élément supplémentaire qui fonde la filiation papale que chacun établit. Chacun sait désormais que le pape François put être élu préalablement en lieu et place de Benoît 16. La provenance du pape François constitue sa première arme, pacifique bien sûr, elle pourrait être d’autant plus efficace. Pour incarner la zone la moins outrageusement libérale et financièrement impériale des Amériques, l’Argentine restant néanmoins un pays potentiellement riche, ce pape va donc pouvoir d’autant mieux interroger les maîtres du monde occidental, les Etats-Unis. Même si chaque président américain persiste à jurer régulièrement sur la Bible, le modèle de société qui s’y trouve le plus répandu demeure inscrit dans la concurrence la plus inégalitaire, le culte du plus « fort », autant dire, l’argent roi s’assimilant au faux « dieu » nommé Bibliquement « Mammon ». Le pape François portera t’il atteinte au mur de l’indifférence des Etats-Unis vis-à-vis du reste du monde considéré souvent comme une simple extension possible du Marché ? Chacun sait que le malheur du monde provient du mur sans cesse plue élevé entre les pays ou citoyens les plus riches, et les autres. Abattre le mur de la « crise » ?
Qu’il s’agisse de décroissance, de commerce équitable, de la sauvegarde ou protection de la planète elle-même, il n’est pas exclu que ce pape réintroduisant le respect pour la pauvreté n’induise pas à terme une part de la réponse à apporter à la crise, bien plus qu'économique et sociale. Pourra-t-on inviter les peuples les plus consommateurs à restreindre leur voracité autrement qu’en faisant premièrement appel à leur conscience, au respect d’eux-mêmes, ne se considérant plus seulement comme de simples machines « humaines » toujours plus gloutonnes, au respect de l’environnement au sens large, qu’il soit humain ou géographique, culturel ? La solution durable à la crise n’est-elle pas premièrement « morale » ? Assurément, le pape François dispose de quelques atouts pour faire tomber « le mur de l’Ouest », celui du libéralisme le plus dévoyé.
Abattre aussi les murs que tentent de dresser peu à peu certaines sectes pseudo « évangéliques » au sein même de l’Amérique Latine, à des fins souvent mercantiles ?
Souvenons nous, la décision de Jean-Paul II de faire sa première visite à l’étranger à Saint-Domingue et au Mexique en janvier 1979 attestait déjà de l’importance que représentait alors l’Amérique latine pour le défunt pape, conscient des prémices sectaires confirmés depuis. Mais Jean Paul 2 voyait surtout dans toute l’Amérique Latine le creuset d’une « terre de l’espérance », là même ou se trouvait peut être en gestation des remèdes de « civilisation » possiblement plus extensibles. La « pauvreté » tant évoquée par le pape François serait aussi une source nourricière au niveau, Humain. Le Mexique, deuxième pays catholique au monde, fondait notamment cet espoir, le pape Jean-Paul II s’y rendît cinq fois durant son pontificat, canonisant lors de son dernier voyage en juillet 2002 un paysan indien mondialement renommé, Juan Diego. Ce dernier fut témoin direct d’apparitions de la Vierge de Guadalupe au XVIe siècle. Pour avoir dédié toute sa vie à la Vierge Marie, ce symbole resta fort pour Karol Wojtyla. Le pape François marque par la même dévotion Mariale, même si son lieu de prédilection relatif à la Vierge se situerait étonnamment en Allemagne. Les papes restent en général très attaché à tous les lieux de nature Mariale. Cette « filiation » serait plus encore profonde entre Jean Paul 2 et le pape François, au niveau du rôle majeur attribué à l’Amérique Latine, aussi.
Sur les 104 déplacements qu’il a réalisés hors d’Italie, Jean Paul 2 se rendit ainsi 18 fois en Amérique latine, région qui abrite plus de la moitié de la population catholique mondiale. Inutile d’insister sur la force symbolique que va recouvrir la première visite du pape François en Argentine. Ce pays qui ne s’aime pas lui-même trouvera-t-il alors la réconciliation intérieure attendue ? Les dictatures laissent toujours des traces dans la mémoire ou l’inconscient collectif. En 1998, le même Jean Paul 2 obtenait enfin le droit de se rendre à Cuba. Reçu par Fidel Castro, il s’engageait en faveur de la levée des sanctions économiques qui visaient l’île et invita les catholiques cubains à « ne plus avoir peur ». Là était sa maxime de prédilection. Cela devait raisonner comme un appel à renverser l’un des derniers enfers communistes du monde. De Jean Paul 2 au Pape François, l’Amérique Latine reste ainsi une terre de mission première. Ne doutons pas que le nouveau Pontife, renforcé par sa nouvelle « fonction », ne tardera pas à s’attaquer plus encore à toute forme de Cartel de la Dogue et autres organisations mafieuses qui ne sont pas sans garder l’Occident comme territoire premier d’écoulement illégal. Abattre le « mur des Amériques » ?Cela pourrait être un très gros champ d’investissement personnel pour le pape François, luttant contre la pauvreté croissante, plus Spirituelle en Amérique du Nord, plus matérielle au Sud. Ce rééquilibrage changerait la face du monde.
Abattre certains murs symboliques ou réels du Vatican ?
Les propos premiers du pape François n’ont pas été sans nous replonger dans la fameuse « Théologie de la libération » qui fît autrefois tant de bruit, avec ses éventuelles bonnes facettes plus généreuses et solidaires, mais aussi les excès inhérents à toute forme de révolution. La « libération » indispensable serait-elle devenue plus générale et planétaire ? Le théologien péruvien Gustavo Gutierrez était un des leaders de la « Théologie de la libération » défendant « l’option préférentielle pour les plus pauvres » afin de tendre vers une société plus juste et plus fraternelle. Cette mouvance était largement inspirée par le marxisme. Pour le Théologien Brésilien toujours cité en la circonstance, Leonardo Boff, le pape Jean Paul 2 « s’est convaincu qu’en Amérique latine, le danger était le marxisme, alors que le véritable danger a toujours été le capitalisme sauvage et colonialiste, avec des élites anti-populaires et rétrogrades ». Il n’est pas exclu que le pape François ait pu tirer les leçons de l’Histoire, convenant que le Capitalisme le plus débridé soit en effet devenu le principal danger pour la civilisation, toute entière. L’Argentine atteste d’un clivage très fort au sein de la population, selon les niveaux de vie. Le pape François a puisé dans cet état de fait un attachement profond au dialogue, au dépassement de la loi des élites, à une primauté des plus pauvres et des plus fragiles. Et si la résolution de la crise actuelle, mondiale, reposait sur le « développement durable » des pays les plus pauvres ? A n’en pas douter, le pape François garde les leçons de l’Argentine.
Si les mouvements inspirés par la Théologie de la Libération appartiennent largement au passé, des sectes évangélistes semblent aujourd’hui en assurer un étonnant prolongement « spiritualisé » après avoir été « dé-Marxisé ». Pour Mgr Cipriano Calderon, un temps secrétaire de la commission pontificale pour l’Amérique Latine, il s’agit d’un « phénomène très grave nécessitant une réponse urgente et responsable ». Face à l’accroissement de Télévangélistes milliardaires envahissant actuellement certains médias des Etats-Unis, le combat entre le mercantilisme manipulatoire des consciences et le Spirituel serait largement engagé à travers l’Amérique, dans son ensemble. Les scandales récents au sein même du Vatican tournant autour de la JP Morgan Bank, des enjeux sonnant et trébuchant pesant sur les 80000 tonnes d’Or restant dans les coffres de la maison pontificale, les avoirs de la communauté Juive remontant à la seconde guerre mondiale, dans tous ces domaines, le pape François aura à clarifier les choses face au faux "dieu" de l'Argent.
Abattre certains murs de la cité Romaine ?
La faible influence des représentants latino-américains au sein de l’Eglise catholique n’aura donc pas empêchée l’accession de l’Argentin Jorge Mario Bergoglio au Trône tant convoité de Saint Pierre. Ayant derrière lui les 528 millions de catholiques latino-américains sur 1,2 milliard dans le monde, gardons que l’Amérique latine ne comptait officiellement que 21 cardinaux au sein du dernier conclave, un chiffre très faible, notamment en comparaison avec les 58 cardinaux européens. Le double et très influent « lobby » Italien et Américain au sein de la Curie Romaine était connu de tous. Le nom du Brésilien Claudio Hummes, archevêque de Sao Paulo, était cité. Il fut un des artisans de la Théologie de la libération avant d’évoluer vers des thèses plus « académiques ». Le cardinal hondurien Oscar Rodriguez Maradiaga, archevêque de Tegucigalpa, le Mexicain Norberto Rivera Carrera, le Chilien Francisco Javier Errazuriz, ou le Cubain Jaime Ortega y Alamino, archevêque de La Havane, tous restaient unis au sein du Conclave. L’apport des cardinaux Nord-américains aura été indispensable à Jorge Mario Bergoglio. Sa mission précédemment définie s’étendant à l’Occident tout entier, en premier lieu aux Etats-Unis, semble inscrite dans l’Histoire. Ce pape pourrait révolutionner le monde, sans oublier de rénover les pratiques de la maison mère Vaticane. Il n’est pas exclu que les politiques « d’austérité » ne prennent un nouveau sens, tant les dettes (morales aussi) et l’inconscience sont grandes dans les pays les plus développés, pour peu que l’on prenne en compte la misère de tant d’autres. Que la « démocratie » représente enfin les plus nombreux ? Le rêve serait parfois l’anticipation du progrès, le vrai.
A contrario des mots et attitudes du pape François empreints d’une grande humilité et sobriété, dans cette primauté de la lutte contre tous les visages de la pauvreté, le défilé de limousines (la Mercedes Benz y dominait largement) observable durant tout le Conclave n’aura pas été sans heurter durant ce dernier mois si révélateur. Quelques vieillards aux cheveux parfaitement teints et laqués faisaient penser à la Cour d’un Roi, à croire que se prénommer « François 1er » ne relèverait pas non plus du hasard. La renaissance ne serait enfin que pour la Foi ? Qui ignore encore la fréquentation quotidienne des meilleurs restaurants et couturiers de la place Saint Pierre par une certaine frange « assez » large de la Curie ? Qui ignore que certains ne seraient pas sans être accompagnés parfois par de bien jolies femmes ? Sans exclure d’autres formes d’accompagnement, chacun est libre de ses moeurs. Savoir que le pape François aurait eu quelques histoires d’amour à l’âge de 12 ans et 18 ans, annonçant alors à ces demoiselles que « ce serait elles ou la prêtrise », voilà qui pourrait faire évoluer le statut des hommes d’église ? Du retrait de Benoît 16 pour cause avancé d’épuisement au pape François se revendiquant « pêcheur », le pontife redevient pour le moins un homme. Il était temps. La divinité pourra-t-elle être resituée là ou elle se trouve ? Asseoir si longtemps un pouvoir d'abord politique sur la transcendance ne fut vraiment pas bien inspiré. Les murs des aveugles et sourds volontaires résisteraient fort bien aux années.
Gardons que le « rappel à l’ordre » de l’humilité et de la sobriété relevait d’une urgence. Cet oubli du « vœu de pauvreté » n’aura pas été sans éloigner beaucoup de monde de l’Eglise dans la nausée légitimement ressentie face à un double langage si répandu au sein de la Curie. Le prêtre « de base » vit souvent avec bien peu de ressources, autres que spirituelles. Faire tomber le mur de l’hypocrisie ? A moins qu’il faille ouvrir bien des portes. Ouvrir à nouveau la Maison de Saint Pierre au peuple, aux plus « pauvres », sources mêmes de la mission dont la Curie se réclame. Pour la Pâques 2012, celui qui est aujourd’hui le pape invitait ainsi à « aller dans la rue », exigence toute Jésuite que celle de partir en mission sur le terrain. Cette démarche missionnaire ne connaît pas de frontière. Comme pour Saint François d’Assise, elle peut en effet aller jusqu’en Chine. Le pape François pourrait bien suivre l’exemple à cette échelle. Dans un beau retournement de l’Histoire, les Jésuites européens ayant au 16eme et 19ème siècles beaucoup évangélisés l’Argentine, ce pape ne serait pas non plus sans rappeler bientôt à l’Europe ses propres enseignements passés.
Alors « combien de bataillons » ?
Contrairement à bien des idées reçues, le nombre de chrétiens dans le monde croit encore de manière assez constante. Ils étaient environ 2,2 milliards en 2011, dont la moitié de catholiques, 37% de protestants et 12% d’orthodoxes. C’est une passionnante étude américaine (Institut Pew Research Center) qui le révèle : le nombre de chrétiens représenterait un tiers de la population mondiale. En 100 ans, leur nombre a quadruplé, passant de 600 millions en 1910 à plus de 2 milliards en 2010. Toutefois, cette augmentation est comparable à celle de la population mondiale. Ayant rassemblé pas loin de 6000 journalistes, des chaînes d’info en continu restant rivées quelques heures sur la petite fenêtre du Vatican, les réseaux sociaux débordant de photos des deux papes, etc, difficile de nier que l’événement fut Historique. Cette religion reste la seule à pouvoir rassembler autant d'êtres humains. Tout cela ne retire pas le respect du aux non croyants, ainsi qu'au autres religions.
Et si ce « siècle qui sera Spirituel ou ne sera pas » venait vraiment de commencer ?
Loin de se réfugier dans ses murs dorés comme cela fut longtemps le cas, avant que Jean Paul 2 n’osa ouvrir en grand les fenêtres de son Eglise, le bon pape François parait quandt à lui bien décidé à ouvrir toutes les portes, notamment aux plus « pauvres ». Outre l’aspect matériel de cette qualification, la « misère » Spirituelle toujours plus développée au royaume occidental de la consommation de tout et de tous, n’aura peut être pas été sans appeler un tel représentant de la première religion mondiale.
Une journaliste de la première chaîne d’info en continu qualifia « d’évènement interplanétaire » l’élection du pape François alors qu’il apparaissait à peine au balcon du Vatican. Il n’est pas certain qu’elle ait eu raison de se reprendre pour relativiser ses propos. Celui qu’il aura fallu aller chercher « au bout du monde », selon ses premières paroles, ne devrait pas contredire cette qualification. La Curie pourrait rapidement réaliser ou découvrir pleinement l’ampleur de son choix.
On ne peut faire tomber bien des murs qu’en venant de l’intérieur.
Guillaume Boucard
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