Eric Verhaeghe : Jusqu’ici, tout va bien ! « Enarque, membre du Medef, président de l’Apec, je jette l’éponge ! »
Peu après la sortie de ce livre, Verhaeghe s’expliquait sur l’un des blogs du Figaro : « si nous nous fions à la pensée unique, nous en prenons pour 40 ans de remboursement de la dette, c’est-à-dire 40 ans de sacrifices et d’austérité, dont personne ne nous garantit qu’ils serviront à quelque chose. D’autres solutions existent et je réclame simplement le droit d’en discuter publiquement. ». Comme ces mots peuvent être agréables à lire en ces temps d’incertitudes et de médias matraqueurs du discours des quelques nantis qui gouvernent à nos destinés.
Qui donc peut tenir un tel discours aujourd'hui ? un dangereux agitateur trotskiste ? un anarcho-nationaliste ? un SDF ? un penseur déconnecté des réalités ? un fou qui ignorerait tout de la realpolitik et de la bienveillante main invisible du marché ? Non, vous n'y étes pas du tout, l'inconscient qui ose dire tout haut qu'il existe d'autres voies que celles auxquelles nous condamnent les pouvoirs en place, en a fait partie, lui aussi, des dits pouvoirs. Jugez en plutot : Énarque, membre du Medef, président de l'APEC, ce sont des théses en totale contradiction avec ses précédents fonctions que l'homme développe dans cet ouvrage. Alors on se demandera forcément d'où peut bien venir un revirement si soudain, quelle en est la cause, quelle en est la sincérité ? A en croire l'auteur tout viendrait d'une prise de conscience morale intervenue au début de la crise actuelle dont nous ne sommes pas près de sortir. Inutile de faire de faux procès d'intention, pour quelles raisons Eric Verhaeghe tire-t-il aujourd'hui tant à boulets rouges contre son ancien propre camp ? finalement on s'en moque un peu, l'important, plus que les causes, ce sont les conséquences, et donc, concrétement le livre que nous avons aujourd'hui en main.
Qu'un homme du sérail ose à ce point briser l'omerta de la nomenklatura en place sur des sujets comme le dogme de la baisse du coût du travail comme seul recours, le danger de l'endettement sans fin de la France, l'absence de débat au sein du monde central, l'égocentrisme des grands patrons et bien d'autres, voilà bien ce qui est important, et surtout, comme le rappelle son auteur dans certaines interviews : "comment est-on parvenu à créer du consentement à un système qui n'a aucun fondement économique ? Comment on arrive à convaincre les gens de la nécessité de baisser le coût du travail ?". Voilà de bien insolentes questions dans la bouche d'un cadre (fut-il ex) du Medef, voilà de biens salutaires interrogations pour le commun des mortels.
Osons réver que ce geste courageux en entrainera d'autres du même acabit et que, peu à peu, se fissurera la pensée économique unique qui nous a mené à la catastrophe que nous connaissons aujourd'hui et dont nous sommes sans doute encore loin d'avoir mesuré toutes les conséquences dramatiques. En attendant, on ne peut que saluer une si courageuse prise de position, nullement politique qui plus est, ce qui est suffisament rare pour être noté. Eric Verhaeghe n'a que des ennuis à en attendre de la part de ses anciens petits camarades, mais gageons que le vulgum pecum saura le remercier d'avoir brisé la loi du silence.
CREW.KOOS
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