Ève ou la folle tentation, linteau sculpté d’Autun, chef-d’oeuvre de l’art roman ? Lettre aux Autunois
Habitants d'Autun ! Cela fait des années que nous vous alertons, moi et mes soutiens d'Agoravox... que l'empereur Auguste n'a rien à voir avec la fondation de votre ville. Cela fait des années que nous vous expliquons qu'il ne faut pas situer Bibracte au mont Beuvray mais à Mont-Saint-Vincent. Vos archéologues vous trompent. Au Ier siècle, votre ville n'était qu'une modeste colonie de cette Bibracte située à Mont-Saint-Vincent. Elle n'est devenue architecturale que par la volonté des empereurs romains du début du IVème siècle qui ont décidé d'en faire une ville à l'image de Rome. Tout cela est écrit dans les discours du rhéteur Eumène.
Et voilà maintenant que vous agitez ciel et terre pour promouvoir un linteau, magnifiquement sculpté certes, mais dans lequel vous voyez une Ève à la folle tentation cueillant la pomme avant de la donner à Adam, oeuvre du Moyen Àge selon vous. Hélas non ! Cette sculpture remonte à l'Antiquité tardive et il ne s'agit pas d'Ève mais d'une d'une représentation allégorique de l'Arroux, la rivière qui passe près de votre ville. Le journal de Saône-et-Loire vous aurait-il caché mon article du 10 août ? Position bien inconfortable pour une Vénus couchée ! Ne voyez-vous donc pas que cette femme plus ou moins endormie s'inscrit dans le courant d'un fleuve ? Sa chevelure flotte et son corps ne fait qu'effleurer le fond du cours d'eau en s'y appuyant d'un coude et d'un genou. Ces pommiers au milieu desquels cette femme serait couchée ne ressemblent en rien à des pommiers. Il s'agit de rhizomes qui prennent racine dans le fond des cours d'eau paisibles et dont les tiges s'agitent mystérieusement comme des lianes, sous la surface de l'eau. Ces feuilles sont des feuilles de nénuphars ; ces bourgeons sur le point d'éclore sont des bourgeons de nénuphars. Ce bourgeon un peu rond, que la femme saisit, c'est celui d'une fleur de lotus, étonnant symbole qui remonte à l'époque des pharaons d'Égypte.
Et j'ajoute : que là où vous avez cru voir, hier, la tête du serpent maléfique, là où vous pensez voir aujourd'hui, après nettoyage, la griffe du diable, permettez-moi de vous dire, qu'en ce qui me concerne, je n'y vois que la pince d'une écrevisse. D'ailleurs, je ne vois pas ce qu'on pourrait imaginer d'autre, puisque nous sommes dans une rivière. Voici, d'après FR3 Bourgogne/Franche-Comté, ce qu’Annamaria Ducci, historienne de l'art, dit de la sculpture dans une conférence faite au Louvre : Ève y est figurée d’une façon complexe, comme l’indiquent sa posture inusuelle et la gestuelle de ses mains : probablement tournée vers un Adam perdu, elle cueille, derrière elle, le fruit défendu à l’arbre où le serpent est encore enlacé, alors que sa main droite se replie sur sa joue. Ce fragment isolé est devenu une icône dotée d’une extraordinaire force suggestive, qui suscite encore aujourd’hui une « sympathie » immédiate chez le spectateur. Au travers d’importantes innovations formelles et iconographiques, le sculpteur a su créer une image unique, à l’interprétation complexe ; en témoignent les lectures très variées que cette sculpture a inspirées pendant presque deux siècles – stylistique, allégorico-religieuse, historico-sociale. L’Ève d’Autun témoigne en effet de la problématique propre à l’exégèse de l’imagerie médiévale, dont le sens est par définition multiple : physique, allégorique, moral, spirituel... dramatique malentendu !!!
Comment se fait-il que vous n'ayez pas fait le rapprochement avec la déesse des sources de la Seine ? Son symbolisme y est pourtant, là aussi, d'une clarté aveuglante. Le bras gauche divinement posé sur la cruche d'où sort l'eau nourricière et bienfaisante, le corps languissamment allongé dans son lit, à l'image d'un cours d'eau qui s'écoule lentement dans un paysage, la motte de rhizomes posée sur le genou droit, la déesse en a brisé la tige pour appliquer sur son sexe la touffe purificatrice de nénuphars, des plus gros bourgeons aux plus jeunes. Invisible aux yeux des hommes dans la profondeur du fleuve, seules quelques feuilles d'eau permettent de deviner sa présence en s'étalant largement sur sa tête.
Comment se fait-il que les archéologues de la DRAC se refusent à voir les déesses fluviales de l'antique et très illustre cité chalonnaise, la Thalie, l'Orbize et la Saône, qu'un merveilleux artiste a sculptées dans le marbre d'un merveilleux médaillon ? Trois cours d'eau qui, dans l'évocation d'une apocalypse, s'étalent au pied de la cité très antique, symbolisée par les trois tours de son oppidum ; trois tours dont il ne reste aujourd'hui, sur la butte de Taisey, que la tour principale. Comment se fait-il, quand je demande, officiellement, de procéder à des fouilles archéologiques dans les anciens fossés de défense de cet oppidum, que l'on ne me réponde pas ? Quel scandale veut-on cacher ?
E. Mourey, 14 août 2017.
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