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Accueil du site > Tribune Libre > Faites de la musique ! mais pas devant chez moi SVP…

Faites de la musique ! mais pas devant chez moi SVP…

Le 10 mai 1981, François Mitterrand est élu Président de la République française. On se prend alors à croire au père Noël. Avant de déchanter sévèrement et de reculer devant la triste réalité du monde qui n’est régi que par une seule Loi, celle des « gros cons », de l’argent et du profit, le premier gouvernement Mauroy, dans l’euphorie générale, grisé par le parfum suave de la victoire et les scènes de liesse populaire, décide contre toute attente d’appliquer réellement ses promesses de campagne.

Celles-ci étant par définition extravagantes, démagogiques et insensées : augmentation de 10 % du SMIC, de 25 % des allocations familiales et logement, abolition de la peine de mort, abrogation du délit d’homosexualité (instauré par le régime de Vichy), le budget du ministère de la Culture est doublé, ouverture de la bande FM aux radios locales privées, etc. Bon, l’atterrissage sera violent et comme à l’accoutumée, au final ce seront ceux, censés bénéficier de cette manne céleste qui paieront chèrement l’addition. Mais en attendant, c’est la fête au village !!!

Tiens ! En parlant de fête, il en est une particulièrement sympathique, du moins dans son concept originel, dont nous allons parler « ic et nunc » (pour celles et ceux qui pensent que bien travailler à l’école est une tare, que Cauet et un grand intellectuel, Nagui un des rois mages et BHL un grand philosophe de l’époque médiévale, « Ic et nunc » est une locution latine qui signifie : ici et maintenant), nous parlerons donc aujourd’hui si vous le voulez bien, de la fête de la musique.

Imaginée d’abord en 1976 par le musicien américain Joel Cohen qui travaillait alors pour Radio France et France musique, elle est reprise plus tard et adaptée par Maurice Fleuret puis mise en place en France par le ô combien charismatique Jack Lang, alors ministre du Show-buziness et de la Culture. Sa première édition a lieu le 21 juin 1982, mais elle est officiellement instaurée le 21 juin 1983. Grand succès populaire, elle s’internationalisera et perdurera, en perdant malheureusement sa substantifique moelle, jusqu’à aujourd’hui. Mais laissons parler maintenant le site officiel :

« La Fête de la Musique a été créée en 1982 par le ministère de la Culture.
Quand Maurice Fleuret devient Directeur de la Musique et de la Danse en octobre 1981, à la demande de Jack Lang, il applique ses réflexions sur la pratique musicale et son évolution : « la musique partout et le concert nulle part ». Découvrant en 1982, à l’occasion d’une étude sur les pratiques culturelles des Français, que cinq millions de personnes dont un jeune sur deux, jouent d’un instrument de musique, il se prend à rêver de faire descendre les gens dans la rue.

Et c’est ainsi, en quelques semaines, que Jack Lang, ministre de la Culture, décide de lancer la première Fête de la Musique, le 21 juin 1982, jour du solstice d’été, nuit païenne se référant à l’ancienne tradition des fêtes de la Saint-Jean.

« Faites de la musique, Fête de la Musique », la formule devenue mot d’ordre n’avait rien du slogan. Cette mobilisation des musiciens professionnels et amateurs, cette attention nouvelle portée à tous les genres musicaux, devenaient ainsi, à travers la réussite immédiate d’une manifestation populaire et largement spontanée, la traduction d’une politique qui entendait accorder leur place aux pratiques amateur ainsi qu’au rock, au jazz, à la chanson et aux musiques traditionnelles, aux côtés des musiques dites sérieuses ou savantes.

La gratuité des concerts, le soutien de la SACEM, le relais des médias, l’appui des collectivités territoriales et l’adhésion de plus en plus large de la population, allaient en faire, en quelques années, une des grandes manifestations culturelles françaises.

Elle commence à « s’exporter » en 1985, à l’occasion de l’Année européenne de la Musique. En moins de quinze ans, la Fête de la Musique sera reprise dans plus de cent pays, sur les cinq continents. »

Râââ… C’est beau… C’est loin mais c’est beau… À la base donc, tout le monde était invité à participer – gratuitement – à cette joyeuse et bruyante manifestation populaire… Bon, je prends de l’âge et donc, je deviens moi-même un peu – ou « très » selon les échelles de mesure – con et nostalgique du temps jadis, mais il me semble que les choses ont quand même objectivement salement évolué.

Je me souviens de ces fêtes de la musique qui commençaient dès le matin du 21 juin. On croisait au détour des rues, des musiciens, amateurs, semi pros, pros, excellents, bons, médiocres, affreusement mauvais, qui, sans prétention montaient leur matos au hasard des rues et jouaient toute la journée « gratis pro deo » – pour ceux dont j’ai déjà parlé plus haut, ça veut dire « gratuitement pour l’amour de Dieu ». Des « boeufs » spontanés s’organisaient au hasard des rencontres. Une vieille guitare désaccordée, un djembé à la peau crevée et une connaissance sommaire du solfège et des règles de l’harmonie suffisaient à lancer des improvisations endiablées et tonitruantes. Certes, on n’atteignait pas toujours des sommets en terme de qualité musicale, surtout quand le taux d’alcoolémie des participants franchissait un certain seuil, mais c’était marrant, cool et bon enfant. Parfois, un voisin, descendait devant la porte de la maison, avec un violon, un tuba, un bugle ou un violon et faisait profiter tout le quartier de son « talent ». On comprenait alors d’où provenaient ces mugissements, ces couinements et grincements insupportables qui avaient empoisonnés nos siestes digestives du dimanche après-midi. Tout le monde pouvait participer à cette fête qui avait au moins le mérite de faire se rencontrer les gens, et on s’amusait à faire « ensemble » de la musique.

Aujourd’hui, les choses ont bien changé… Ça n’est plus vraiment la fête de la musique mais plutôt « la fête de la musique et/ou de la merguez ». C’est étonnant le nombre de vendeurs de sandwichs à la merguez que notre ville compte. Il faudrait faire des statistiques là-dessus. Je pense qu’au niveau européen, que dis-je… au niveau mondial, Marseille, assurément, figure dans le peloton de tête, et peut-être même à la première place. Par conséquent et si je puis me permettre un petit conseil aux autorités de notre ville, plutôt que d’enliser la ville et ses habitants dans l’humiliant bourbier prévisible qui s’annonce pour 2013, nous ferions beaucoup mieux de postuler non pas au titre de capitale européenne de la culture mais à celui de capitale européenne de la merguez. Là, sûrs de nous et de notre capacité à briller et à assumer fièrement notre statut de leader, nous ferions fermer définitivement leur clapet à toutes celles et ceux qui déjà rient sous cape et nous moque insidieusement (comprenne qui voudra…).

Aujourd’hui, la fête de la musique a été réduite à sa portion congrue. Elle commence désormais aux environs de 19h et se termine entre 22h30 et 23h. Après elle se transforme invariablement en « fête de la canette qui vole », « tabassage de passant » ou en « fête du voisin exaspéré par le bruit qui appelle les flics parce qu’il travaille demain ».

D’autre part, la fête de la musique est devenue la chasse gardée des musiciens patentés et officiels, qui, en étroite collaboration avec les patrons de débits de boissons ont pour objectif de tirer le maximum de profit de l’occasion. Les uns, essaient de négocier un cachet « enfin » digne de ce nom, les autres tentent d’année en année de battre leur record d’écoulement de fûts de bière, de bouteilles de pastaga et… du kilomètre grillé de merguez bien sûr ! Les musiciens du dimanche, ceux à qui la fête est à l’origine consacrée, sont vus d’un très mauvais oeil, et sont déclarés persona non grata – pour nos amis déjà sus-visés ça veut dire « personne qui n’est pas la bienvenue » – dans le périmètre des bars qui emploient des groupes. J’ai assisté personnellement à des scènes navrantes et surréalistes lors desquelles des musiciens « payés » viraient manu militari – ça veut dire à coups de pied au cul – des musiciens occasionnels et bénévoles qui faisaient « mu-muse » trop près des scènes officielles. Comme dans le film Highlander, il ne pouvait en rester qu’un… À la décharge des musiciens « pros », c’est-à-dire qui vivent du fruit de leur art. Il faut savoir qu’à Marseille, en dehors de la fête de la musique, les lieux qui accueillent des groupes sont rares, que les lieux où les musiciens sont payés sont très rares, que les lieux où ils sont payés correctement sont rarissimes et que ceux où ils sont payés correctement avec un cachet déclaré qui peut compter pour leur statut d’intermittent du spectacle sont quasi-inexistants et entrent dans le domaine de la légende urbaine. D’ailleurs lorsqu’un musicien déclare crânement à ses collègues : « Hé les gars, hier soir j’ai joué et j’ai eu un cachet déclaré au tarif du minimum syndical ( entre 50 et 70 euros nets ) !!! », tout le monde rigole, se fout de sa gueule et se tire immédiatement en pensant que c’est un mythomane ou un drogué qui ne sait plus ce qu’il raconte.

Le 21 juin, fini les « boeufs » improvisés dans la rue avec des percus, une flûte traversière et une basse, terminé le « grateux » avec son ampli à piles qui nous refait le répertoire de Cabrel ou selon l’âge de l’artiste, qui nous joue les grands standards « autour du feu de camp » pop-rock des seventies… D’ailleurs, il n’y a pratiquement plus de musiciens avec des instruments de musique. Le temps est désormais aux DJs et à leurs platines rutilantes. Leur point fort réside dans le fait qu’ils sont seuls, ce qui intéresse fortement les patrons de bar qui n’auront à payer qu’un seul larron au lieu de quatre ou cinq pour un groupe de musique. Et puis une platine, ça n’est jamais fatigué, ça ne boit pas des litres de bière et ça ne fout pas de pains dans la gueule quand à la fin de la soirée on balance nonchalamment sur le comptoir 35 euros « au black » à la place des 90 déclarés prévus. Je n’ai rien contre les patrons de bar, mais je n’aime pas leur façon de considérer les artistes qui animent leur lieu comme des parasites qui ont l’outrecuidance de vouloir être payés décemment pour travailler.

Bref ! Le 21 juin prochain, je sais déjà que lorsque les DJs commenceront à faire tourner leurs platines et pousseront leurs amplis à la puissance démesurée, chassant ainsi les derniers musiciens des ruelles, dès que la fête de la musique aura pris une allure de « bal du 14 juillet » et qu’il y aura plus de quatre vendeurs de merguez au mètre carré, moi je serai loin et au calme, peut-être à grattouiller ma guitare en compagnie d’ un joueur de bongo rencontré un quart d’heure avant près de chez moi avec mademoiselle Méditerranée vêtue de ses dentelles d’écume pour faire les chœurs et madame la lune et son œil jaune et rond pour tout public.

Gilles Azzopardi - Marseille


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5 réactions à cet article    


  • MayBeReal MayBeReal 1er juillet 2011 13:19

    Article intéressant. Dommage qu’on soit de temps de temps confronté à l’arrogance de l’auteur...


    • Lisbeth Ker Carradec Lisbeth Ker Carradec 1er juillet 2011 13:23

      (pour celles et ceux qui pensent que bien travailler à l’école est une tare, que Cauet et un grand intellectuel, Nagui un des rois mages et BHL un grand philosophe de l’époque médiévale, « Ic et nunc » est une locution latine qui signifie : ici et maintenant),

      ...jugement outrecuidant fait à l’emporte pièce qui m’a à peine donné l’envie de survoler la suite....tiens, d’ailleurs, charité bien ordonnée commençant généralement par soi-même, commencez par combler vos propres lacunes, du type de celle-ci :

      le 21 juin 1982, jour du solstice d’été, nuit païenne se référant à l’ancienne tradition des fêtes de la Saint-Jean

      Effectivement, la nuit du 21 juin est une nuit païenne, la nuit du solstice d’été, la nuit la plus longue de l’année....mais elle n’est pas païenne par référence aux célébrations de la Saint Jean....en règle générale, quand y’a Saint qui apparait, c’est que l’Eglise est passée par là et a repris le bousin à son compte...donc Saint Jean, c’est deja plus païen.
      La nuit du solstice est une fête païenne portant le nom de Litha....on y célèbre la renaissance de la nature, par opposition au solstice d’hiver (Yule) qui célèbre la mort de la nature. L’Eglise chretienne a d’ailleurs repris cette notion de naissance en substituant la fete de la Saint Jean à la fete de Litha, puisqu’en ce jour, elle célèbre la naissance du saint, quand tous les autres sont fêtés le jour de leur mort.


      • crawfish crawfish 1er juillet 2011 16:19

        A propos de lacune...

        On écrit : « hic et nunc ».

        Quant à la Saint-Jean, c’est, me semble-t-il, le 24 juin.


      • pingveno 1er juillet 2011 17:22

        être musicien amateur va sans doute bientôt devenir un délit, suffit d’attendre HADOPI 3
        aujourd’hui la musique, SACEM ou ça se quitte

        A moins bien sûr d’avoir un nouveau gouvernement, capable de comprendre que la culture, c’est pour faire pousser les bonnes herbes et non pour permettre aux mauvaises de nous envahir.


        • Croa Croa 1er juillet 2011 22:16

          Cette fête à pas cher plaît aux jeunes cons. Bravo le PS : Partit Sorcier, celui qui nous embobine smiley

          - à la prochaine révolution il faudra instaurer une fête de l’été pour faire suite à celle de la Musique.

          Une vraie fête, chômée et payée, tous les 22 juin.

          Afin que tout le monde, jeunes et vieux, puissent apprécier la fête de la musique smiley

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