« Fake news » à propos du cancer anal ? Promotion Gardasil pour les garçons ? Eléments de réponse à la tribune du Monde
Tout récemment le journal Le Monde a publié une tribune trompeuse [1] utilisant la peur « la douleur et le malheur » pour promouvoir la vaccination anti HPV (papillomavirus) chez les garçons. Nous savons que le projet d’étendre aux garçons la recommandation du vaccin Gardasil, très insistante chez les jeunes filles, et éventuellement son obligation, comme les 11 vaccins chez les petits, est dans les tuyaux du ministère et des lobbies bigpharma. Cet article du Monde n’est pas un hasard, ne vise pas seulement à éviter 60 décès annuels par cancer de l’anus, mais probablement de préparer la population à une nouvelle obligation qui serait évidemment pour le bien de tous…
« Fake news » à propos du cancer anal ? Promotion pour le Gardasil pour les garçons ?
Eléments de réponse à la tribune du Monde (16 mai 2018)
Par le Docteur Gérard Delépine, chirurgien cancérologue et statisticien.
Il peut paraitre étrange de discuter de la fréquence du cancer anal dans une tribune comme Agoravox. Nous réservions autrefois ces discussions aux revues médicales et congrès spécialisés. Mais, à partir du moment où les médias grand public distillent à longueur d’émissions quotidiennes des « informations » pour le grand public, ainsi que les journaux comme le Monde, il nous parait légitime d’y répondre précisément, afin de dissiper des flous et trop souvent grandes annonces lancées sur ces supports.
Tout récemment le journal Le Monde a publié une tribune trompeuse [1] utilisant la peur « la douleur et le malheur » pour promouvoir la vaccination anti HPV (papillomavirus) chez les garçons. Nous savons que le projet d’étendre aux garçons la recommandation du vaccin Gardasil, très insistante chez les jeunes filles, et éventuellement son obligation, comme les 11 vaccins chez les petits, est dans les tuyaux du ministère et des lobbies bigpharma. Cet article du Monde n’est pas un hasard, ne vise pas seulement à éviter 60 décès annuels par cancer de l’anus, mais bien à préparer la population à une nouvelle obligation qui serait évidemment pour le bien de tous …
Notre réponse permettra aux lecteurs de bénéficier d’un exposé respectueux des données acquises de la science et d’une vision moins dramatique de ce cancer. La foi en un vaccin ne justifie pas la manipulation des chiffres. Rappelons les faits scientifiques établis en citant nos sources afin que chacun puisse les vérifier [2]..
Fréquence internationale réelle du cancer anal
Contrairement à ce que prétendent les signataires de la tribune du Monde, d’après les différents registres internationaux du cancer, l’incidence du cancer anal n’a pas été multipliée « par au moins trois en trente ans ».
Durant ce laps de temps, l’incidence[3] standardisée[4] du cancer anal a augmenté dans certains pays en moyenne de 80% (donc toujours multiplié par moins de 2 !)
40% en Norvège (de 0.8 en 1985 à 1.1 en 2015[5]), 50% aux USA ( de 1.2 en 1985 à 1.9 en 2015)[6] , 63% en Grande Bretagne (de 1.4 en 1995 à 2.4 en 2015)[7], 100% au Danemark (de 0.68 à 1.48 chez les femmes et de 0.45 à 0.80 chez les hommes entre 1978 et 2008) [8], 90% en Australie (de 0.8 en 1982 à 1.5 en 2016)[9] , 84% aux Pays Bas (0.45 en 1989 versus 0.83 en 2010)[10], 100% en France (de 0.2 à 0.5 chez les hommes et de à 1.3 chez les femmes de 1982 à 2012 )[11], 60% en Italie entre 1983 et 2007 (de 1 à 2 chez les hommes et de 1.8 à 2.5 chez les femmes)[12].
A l’opposé, aucune augmentation d’incidence significative n’a été observée en Espagne, en Israël, aux Indes, ni en Asie (Japon, Singapour).
Dans les pays où une augmentation de l’incidence a été constatée, elle est due à deux sous-groupes à haut risque : les immunodéprimés et les personnes pratiquant le sexe anal passif.
Les malades prenant des traitements immunodépresseurs souffrent d’une incidence du cancer anal 5 fois plus élevée que la population globale [13], taux proche de celui des hétérosexuels infectés par le virus du sida (5.9)[14] [15].
La pratique du sexe anal passif constitue le facteur causal le plus important[16] [17] [18] [19] et explique en partie le surrisque constant des femmes par rapport aux hommes hétérosexuels (risque multiplié par 1,5 à 3), et le risque 60 à 90 fois plus élevé des homosexuels masculins passifs (incidence du cancer anal de 95/1000002, culminant même à 130/100000 chez ceux qui sont porteurs du virus HIV )[20].
En dehors de ces deux groupes à risque, le cancer du canal anal ne constitue pas un problème de santé publique. En France il représente moins de un millième des cancers, avec environ 280 cas répertoriés et moins de 60 morts en 2015[21] à comparer aux fardeaux du cancer du sein chez la femme (58 968 nouveaux cas de cancer du sein en France métropolitaine et 11 883 décès en 2017) et du cancer de la prostate chez les hommes (48 427 nouveaux cas de cancer en 2013 et 8207 décès )[22].
Cause ou association avec le virus papilloma ? aucune certitude !
Pour promouvoir la vaccination, les auteurs de la tribune du Monde ont focalisé l’attention sur le possible lien de causalité entre infection à papillomavirus et cancer anal arguant de l’association statistique réelle entre cette infection et le cancer.
Mais association, concomitance ne signifient pas nécessairement lien de causalité.
Outre la séropositivité HIV, les traitements immuno- suppresseurs et les rapports passifs anaux déjà mentionnés précédemment, d’autres facteurs statistiquement liés à ce cancer sont également susceptibles de favoriser sa survenue : infections sexuellement transmissibles (gonorrhée, chlamydia), l’herpès, le tabagisme[23][24] [25] [26] [27], le nombre des partenaires et l’âge des premiers rapports sexuels…
Compte tenu de l’extrême fréquence des infections HPV chez les personnes sexuellement actives et leur guérison spontanée habituelle chez les sujets non immuno- déprimés, elles pourraient tout aussi bien ne représenter qu’un marqueur d’activité sexuelle importante, susceptible comme les microtraumatismes répétés et les autres infections sexuellement transmissibles de maintenir une inflammation locale chronique dont le rôle cancérigène est connu depuis longtemps.
Le rappel de ces facteurs de risque est nécessaire pour fonder les bases d’une prévention qui ne peut pas se limiter à promouvoir des vaccins qui n’ont toujours pas apporté la preuve de leur efficacité dans la prévention des cancers invasifs.
D’autant que des articles récents alertent sur la constatation d’une augmentation de l’incidence des cancers du col de l’utérus en Suède depuis la vaccination[28] et aussi dans d’autre pays [29] rappelant les multiples incertitudes qui grèvent les études initiales bâclées et une autorisation de mise sur le marché précipitée.
Dans l’étude pivot qui a permis d’obtenir l’AMM (autorisation de mise sur le marché) , la vaccination s‘est révélée susceptible d’augmenter le risque de cancers chez les femmes préalablement infectées par le virus HPV ou d’en précipiter l’évolution[30]. Ce mécanisme explique peut-être, qu’actuellement, dans les pays à forte couverture vaccinale, l’incidence du cancer du col soit supérieure à celle de la France peu vaccinée !
Prévention classique et efficace
Il est par ailleurs incompréhensible que les auteurs de la tribune du Monde qui plaidaient officiellement pour la prévention primaire du cancer anal n’en aient pas rappelé les bases consensuelles :
Utilisation du préservatif pour tous rapports qu’ils soient vaginal, buccal ou anal.
Ne pas fumer et éviter de s’exposer à la fumée de tabac.
Et si l’on se drogue utiliser toujours des seringues à usage unique.
En évitant la contamination par le HIV et les autres maladies sexuellement transmissibles, on diminue à coup sur son risque de développer un cancer anal.
Vacciner tous les français en espérant ainsi protéger certaines minorités sexuelles représente actuellement un pari trop risqué et trop coûteux. Même si le vaccin était réellement efficace, combien pourrait-il sauver des 60 morts annuels de ce cancer ? Avec quels effets secondaires sur des millions de français ? A un coût prohibitif (200 millions) pour une société n’a plus les moyens d’assurer un accueil décent aux urgences, ni dans les EPAHD pour lesquels la ministre, n’ayant pas d’argent magique, n’a promis que 60 millions d’€ ?
Et pour un bénéfice médical très incertain et possiblement négatif ! Le Gardasil pour les garçons ? Non merci !
[1] Collectif En moins de trente ans, l’incidence du cancer anal a été multipliée par au moins trois dans la plupart des pays occidentaux. Tribune Le monde https://www.lemonde.fr/sciences/article/2018/05/16/en-moins-de-trente-ans-l-incidence-du-cancer-anal-a-ete-multipliee-par-au-moins-trois-dans-la-plupart-des-pays-occidentaux_5299575_1650684.html
[2] Cet article ne contient pas de liens hypertextes ; pour consulter l’article cité il suffit de copier la référence et de la coller sur la barre de votre navigateur internet habituel.
[3] L'incidence du cancer est le nombre de nouveaux cas qui sont observés sur 1 an, souvent présentée pour 100.000 personnes par an (« taux brut » en anglais : [Crude Rate])
[4] Étant donné que le cancer est plus fréquent chez les personnes âgées, le taux brut d'incidence sera généralement plus élevé dans une région ou les personnes âgées sont plus nombreuses. Pour éviter ce biais il est d'usage de normaliser le taux d'incidence par la structure par âge. Si la population standard européenne ou mondiale est utilisée on obtient le taux standardisé européen (en anglais European Standardized Rate ou ESR) ou le Taux Standardisé sur la structure d’âge de la population Mondiale (TSM).
[5] B T Hansen, S Campbell, M Nygård Long-term incidence trends of HPVrelated cancers, and cases preventable by HPV vaccination : a registry-based study in Norway BMJ Open 2018 ;8:e019005. doi:10.1136/ bmjopen-2017-019005,
[6] Surveillance Epidemiology and End Results (SEER)13 Cancer Statistics Review, 1975-2015
[7] Incidence of anal cancer Cancer Research UK 2017
[8] Nielsen, Munk C, Kjaer SK Trends in incidence of anal cancer and high-grade anal intraepithelial neoplasia in Denmark, 1978-2008. Int J Cancer. 2012 Mar1 ;130(5):1168-73. doi : 10.1002/ijc.26115. Epub 2011 May 30,
[9] Cancer in Australia 2017,page 81 can be downloaded for free from the AIHW website <http://www.aihw.gov.au/cancer-publications
[10] IARC Handbooks of Cancer Prevention Vol. 10 : Cervix Cancer Screening. IARC Press. Lyon
[11] Bouvier AM1, Belot A, Manfredi S, Jooste V, Uhry Z, Faivre J, Duport N, Grabar S ; French network of cancer registries FRANCIM. Trends of incidence and survival in squamous-cell carcinoma of the anal canal in France : a population-based study. Eur J Cancer Prev. 2016 May ;25(3):182-7. doi : 10.1097/CEJ.0000000000000163.
[12] Ferlay J, Bray F, Steliarova-Foucher E and Forman D. Cancer Incidence in Five Continents, CI5plus : IARC CancerBase No. 9 [Internet]. Lyon, France : International Agency for Research on Cancer ; 2014. Available from : http://ci5.iarc.fr
[13] Grulich AE, van Leeuwen MT, Falster MO, et al. Incidence of cancers in people with HIV/AIDS compared with immunosuppressed transplant recipients : a meta-analysis. Lancet 2007 ;370(9581):59-67.
[14] A. Nyitray MS Anal cancer and human papillomaviruses in heterosexual men CURRENT ONCOLOGY—VOLUME 15, NUMBER 5 3 UPDATES AND DEVELOPMENTS IN ONCOLOGY 2008 Multimed
[15] 31. Grabar S, Le Moing V, Goujard C, et al. Clinical outcome of patients with HIV-1 infection according to immunologic and virologic response after 6 months of highly active antiretroviral therapy. Ann Intern Med 2000 ;133:401-10.
[16] Daling JR,Weiss NS, Hislop TG, Maden C, Coates RJ, Sherman KJ, et al. Sexual practices, sexually transmitted diseases, and the incidence of anal cancer. N Engl J Med 1987 ; 317(16) : 973–7.doi:10.1056/NEJM198710153171601
[17] Holly EA, Whittemore AS, Aston DA, Ahn DK, Nickoloff BJ, Kristiansen JJ. Anal cancer incidence : genital warts, anal fissure or fistula, hemorrhoids, and smoking. J Natl Cancer Inst 1989 ; 81(22) : 1726–31. doi:10.1093/jnci/81.22.1726
[18] Frisch M, Glimelius B, van den Brule AJ, Wohlfahrt J, Meijer CJ, Walboomers JM, et al. Sexually transmitted infection as a cause of anal cancer. N Engl J Med 1997 ; 337(19) : 1350–8. doi:10.1056/ NEJM199711063371904
[19] Tseng HF, Morgenstern H, Mack TM, Peters RK. Risk factors for anal cancer : results of a population-based case–control study. Cancer Causes Control 2003 ; 14(9) : 837–46. doi:10.1023/B:CACO. 0000003837.10664.7
[20] Silverberg MJ, Lau B, Justice AC, Engels E, Gill MJ, Goedert JJ, et al. Risk of anal cancer in HIV-infected and HIV-uninfected individuals in North America. Clin Infect Dis 2012 ; 54(7) : 1026–34. doi:10.1093 cid/cir1012
[21] Haut conseil de la santé publique Avis relatif aux recommandations vaccinales contre les infections à papillomavirus humains chez les hommes 19 février 2016
[22] Jéhannin-Ligier K, Dantony E, Bossard N, Molinié F, Defossez G, Daubisse-Marliac L, Delafosse P, Remontet L, Uhry Z. Projection de l’incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine en 2017. Rapport technique. Saint-Maurice : Santé publique France, 2017. 80 p. Disponible à partir des URL : www.santepubliquefrance.fr et http://www.e-cancer.fr/
[23] Daling JR, Sherman KJ, Hislop TG, Maden C, Mandelson MT, Beckmann AM, Weiss NS.
Cigarette smoking and the risk of anogenital cancer. Am J Epidemiol. 1992 Jan 15 ;135(2):180-9.
[24] Nordenvall C, Nilsson PJ, Ye W, Nyrén O. Smoking, snus use and risk of right- and left-sided colon, rectal and anal cancer : a 37-year follow-up study. Int J Cancer. 2011 Jan 1 ;128(1):157-65. doi : 10.1002/ijc.25305.
[25] Coffey K, Beral V, Green j, Reeves G, Barnes I ; Million Women Study Collaborators. Lifestyle and reproductive risk factors associated with anal cancer in women aged over 50 years Br J Cancer. 2015 Apr 28 ;112(9):1568-74. doi : 10.1038/bjc.2015.89. Epub 2015 Mar 12.
[26] Daling JR, Madeleine MM, Johnson LG, et al Human papillomavirus, smoking, and sexual practices in the etiology of anal cancer. Cancer. 2004 Jul 15 ;101(2):270-80.
[27]Holly EA, Whittemore AS, Aston DA, et al Anal cancer incidence : genital warts, anal fissure or fistula, hemorrhoids, and smoking. J Natl Cancer Inst. 1989 Nov 15 ;81(22):1726-31
[28] LARS ANDERSSON Increased incidence of cervical cancer in Sweden : Possible link with HPV vaccination Indian Journal of Medical Ethics Online First Published April 30, 2018
[29] Delepine Vaccin Gardasil : augmente-t-il le risque de cancer invasif du col de l’utérus chez les femmes déjà contaminées par HPV ?. Agoravox 14 5 2018
[30] VRBPAC Background Document Gardasil™ HPV Quadrivalent Vaccine May 18, 2006 VRBPAC Meeting page 25
Documents joints à cet article
28 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON