Fake-News : démonétisations arbitraires, et fin du libéralisme politique
Il est de bon ton de railler les contestataires qui dénoncent la « dictature » sanitaire, journalistique, ou autre. « Allez voir en Corée-du-Nord ! » disent leurs détracteurs. Mais ce type d’argumentation est très faible. Qu’en est-il de notre libéralisme politique, si notre seul point de comparaison rassurant est la Corée-du-Nord ? Il existe de nombreux régimes tyranniques ou même illibéraux, qui n’en sont pas pour autant la Corée-du-Nord. Ce type d’invective est la démonstration même de la gêne de ceux qui les profèrent. En fait, ils n’ont pas vraiment d’arguments de fond.
Le dernier exemple en date est la démonétisation par Google du site de France-Soir, accusé par des dénonciateurs auto-proclamés de propager des « Fake-news ». Parmi ces zélés dénonciateurs auto-proclamés, et redresseurs de la morale publique, les journalistes de « Complément d’Enquête » diffusé par France-Télévision. Suite à cela, Google a décidé de priver France-Soir, pourtant dûment répertorié comme organe de presse, de ses revenus publicitaires par son canal (ce qui constitue de fait la plupart de ses revenus).
On sort là clairement du libéralisme politique, pour entrer dans les premiers degrés de l’arbitraire tyrannique.
Il s’agit concrètement d’un « déni de vente » de la part d’une société privée, Google, vis-à-vis d’une autre société privée, France-Soir. Le délit, c’est donc Google qui le commet, au terme du droit commercial élémentaire. En l’absence de décision de justice constatant, à l’issue d’une procédure contradictoire et d’un procès équitable, un délit entraînant au regard de la loi la suspension du contrat de vente publicitaire entre deux acteurs privés, Google n’a pas le droit -si l’on est en régime libéral- de retirer à France-Soir ses revenus publicitaires.
On arguera éventuellement que Google est soumis au droit californien, dont il faudrait vérifier qu’il autorise les sociétés privées, sans procès légal, à suspendre ainsi un contrat de vente commercial. En tout état de cause, Google opérant de fait ici en France et via un réseau local situé matériellement en France, on peut se demander pourquoi ce n’est pas la loi française qui s’appliquerait. Enfin, il faudrait regarder au terme des conventions internationales de l’OMC si un contrat commercial peut-être suspendu de la sorte par un des contractants.
On arguera peut-être que le « contenu » de France-Soir justifierait cette entorse aux principes libéraux. D’une part, les principes libéraux ne se négocient pas selon les circonstances, ou alors on ne parle plus de principes ni de libéralisme. A fortiori, et c’est le comble, c’est en raison de la diffusion de contenus de presse déplaisant au pouvoir en place que l’entreprise de presse France-Soir serait privée de ses droits commerciaux ! On appelle cela tout bonnement de l’inquisition politique arbitraire ! De quel libéralisme politique parle-t-on si les entreprises de presse sont sanctionnées extra-judiciairement en fonction du contenu qu’elles diffusent ? A ce niveau, la situation, si elle n’était à pleurer, prêterait à rire. On n’est pas loin de la caricature d’une république bananière !
On peut aussi s’interroger sur la probité et le crédit des journalistes de "Complément d’Enquête", diffusée par France Télévision. Et de Google, entreprise liée au grand capital et aux services d'état américains. Il fut un temps pas si ancien où le fait pour un média d’être soumis à une puissance étatique, ou à un grand trust financier, n’était pas une preuve de crédibilité mais plutôt de suspicion. D’ailleurs, Youtube continue d’afficher sous chaque média lié à un gouvernement (chinois, russe, français, européen, etc.) le lien de subordination, afin, précisément, d’en avertir l’auditeur. De même, des liens de subordination d’un titre de presse vis-à-vis d’un grand acteur capitaliste. C’est le béaba de la rigueur intellectuelle ! On en vient donc à voir des « journalistes d’état » jouer les censeurs de leurs collègues indépendants... là encore, cela prêterait à rire si ce n’était à pleurer.
La démarche de dénonciation -extra-judiciaire a fortiori- a aussi quelque chose de particulièrement illibéral. Ca fleure bon le poujadisme des « voisins vigilants » ou du contrôle social dans les villages d’autrefois ou les cités d’aujourd’hui. On n’invoquera pas ici les délations sous l’Occupation ou l’Inquisition, dont les conséquences pouvaient être autrement plus fâcheuses pour les victimes. Mais, il faut cependant constater qu’on est bien dans la famille de la délation odieuse des sycophantes des mauvaises périodes. Tout cela n’évoque en rien le libéralisme politique, le débat d’idées, le pluralisme et la dignité.
On dira peut-être que les idées défendus par France-Soir sont « intolérables » et « ne méritent même pas d’être contre-argumentées », et « qu’il ne s’agit pas de journalisme ». On est très loin des bases du libéralisme de Voltaire : « je ne partage pas vos idées, mais je me battrais pour que vous puissiez les exprimer ». Le libéralisme occidental, depuis l’Antiquité, se base justement sur le fait qu’il faut argumenter contradictoirement et non pas recourir à des arguments d’autorité totalement irrecevables. Qui décrète ce qui est tolérable et ce qui ne l’est pas ? Qui décrète ce que c’est que du journalisme et ce qui ne l’est pas ? Il existait en URSS un journal officiel et quotidien qui portait un inénarrable titre : la Pravda, qui signifie en russe « La Vérité »... Bref, on évolue quelque part ente le ministère de la vérité d’Orwell et les tribunaux religieux de sinistre mémoire. On est en tous cas très loin du libéralisme.
Sombre constat et raisons d'espérer.
L’Occident bascule actuellement dans une période sombre et illibérale. Et ce ne sont pas les incantations à « la démocratie » et à « nos valeurs » qui vont inverser la tendance. Bien au contraire ! Quand on en vient à l’incantation, aux litanies, c’est qu’on a déjà quitté en pratique le libéralisme. Toutes proportions gardées, « la démocratie » dans la bouche de nos autorités morales auto-proclamées, et de nos autorités publiques, a de plus en plus d’échos soviétiques de triste mémoire. C’est toute une bureaucratie publique ET privée qui se crispe autour de ses positions acquises (dans les administrations comme dans les grandes entreprises), soldant l’héritage libéral sur l’autel de son petit pouvoir. Le basculement de l’Occident dans une expansion monétaire irréaliste après 2008, a précisément constitué notre sortie du libéralisme. Le libéralisme authentique aurait voulu qu’on sacrifiât précisément les banques ruinées, les grands groupes en perte de vitesse, et les milliardaires défaillants. On n’a nullement « sauvé l’économie », mais sauvé « leur économie ». Au contraire, libérée de ces parasites cacochymes, l’économie réelle eût déjà redémarré sur des bases plus saines. C’est le parasitisme que l’on a sauvé après 2008, et nullement l’économie réelle. De nouvelles banques se seraient crées, de nouveaux hommes d’affaires auraient émergé, de nouvelles industries seraient apparues. L'économie réelle redémarre très vite après les pires catastrophes, pourvu justement qu'on la libère. Tout au contraire, le système actuel fait perdurer artificiellement des potentats (économiques, politiques, intellectuels) qui avaient tout raté au regard du capitalisme libéral lui-même. Par la destruction créatrice, ils auraient dû être purgés du marché. On le voit, nous visons sous une sorte de « capitalisme socialiste » d'arrière-saison. Et sans surprise, avec le socialisme économique nous avons le socialisme politique et intellectuel : à savoir le recul inéluctable des libertés.
Plus que jamais l’Occident doit revenir à ses bases intellectuelles, qui ont fait son succès. Et bannir ce « socialisme oligarchique » actuel, qui l’enfonce dans une sénilité et une stérilisation généralisée. Au-delà des nuages noirs qui s’accumulent, il convient de garder une lueur d’espoir réaliste : sous certains aspects, rien n’est perdu, et tout pourrait repartir. Certes, ce sera une nouvelle période, et tout ne sera pas « comme avant ». Mais néanmoins, nous retrouverions, sous une forme nouvelle, nos bonnes vieilles valeurs. Ce qui est quand même essentiel.
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