Hadopi : un projet de loi déjà obsolète (tribune de trois députés UMP)
Trois députés UMP, Alain Suguenot, Lionel Tardy et Christian Vanneste, estiment qu’il est préférable d’ajourner l’examen du projet de loi Création et internet qu’ils estiment déjà obsolète.
Le 9 avril, l’Assemblée Nationale a repoussé le projet de loi Création et internet, dit Hadopi. Ce rejet ne se résume pas à une manœuvre de l’opposition, ni à un défaut de vigilance des responsables de la majorité. Il fait suite à un débat au cours duquel trop d’arguments solides opposés au texte sont restés sans réponse. Des amendements votés par une majorité de députés notamment issus de la droite, et instaurant l’amnistie des téléchargeurs poursuivis au nom de la loi Dadvsi, ou s’opposant à la double peine de la suspension avec paiement de l’abonnement, ont été annulés par la Commission mixte paritaire. L’échec a donc résulté d’une absence de motivation de la majorité et d’une mobilisation de l’opposition lors d’un vote que l’on souhaitait transformer en passage en force dans la discrétion d’un jeudi midi. Cette mésaventure ne devrait pas conduire le Gouvernement à vouloir refaire voter la loi dans la précipitation. Selon l’adage « à quelque chose, malheur est bon », ce devrait être l’occasion de reposer le problème sérieusement et de lui trouver des solutions réalistes.
Les raisons de refuser ce texte sont nombreuses et peuvent se regrouper en quatre rubriques.
- En premier lieu, figure l’incapacité pour une loi coulée dans le marbre de bloquer l’évolution des technologies de l’immatériel et des pratiques qu’elles engendrent. Le streaming ou le podcast contournent le téléchargement. Le peer-to-peer par BitTorrent disperse les sources et les coupables éventuels. Le piratage d’un wifi ou le masque d’une VPN (réseau privé virtuel) posé sur une adresse IP risquent de les rendre insaisissables ou mieux d’en créer de fausses. Un site comme Deezer offre déjà une alternative intéressante au téléchargement.
- Inutile et injuste, cette loi reposera sur une inquisition coûteuse. Elle privilégie une action administrative au détriment de la justice des juges, celle de l’équité. Alors que le projet Dadvsi transcrivait une directive européenne, Hadopi va à l’encontre du vote des députés européens. Ceux-ci estiment que le fait de suspendre l’accès à internet d’un internaute est une violation d’un droit fondamental. Avec les 6,5 millions d’euros et les 7 salariés prévus, elle n’aura pas les moyens de fonctionner de manière efficace (10 000 courriels, 3000 lettres recommandées et 1000 suspensions d’abonnement par jour !) tandis qu’elle entraînera 70 millions d’euros de dépenses improductives chez les fournisseurs d’accès.
- En troisième lieu, HADOPI porte atteinte à l’évidence à la liberté dans la sphère privée, celle de la famille notamment. Les réticences de l’ARCEP et de la CNIL, le recul de plusieurs pays comme le Royaume Uni ou les États-Unis, l’avis du Ministre allemand de la Justice sur le caractère inacceptable de la coupure de l’accès à internet, soulignent à quel point il paraît contraire au droit de priver toute une famille de l’usage d’internet, et de celui du Triple play dans une zone non dégroupée, parce qu’un de ses membre sera supposé avoir téléchargé.
- Enfin, le changement des supports de communication a toujours entraîné des bouleversements profonds sur les contenus et leurs auteurs. La conception de l’œuvre et de son auteur, si justement chère à la tradition française depuis Beaumarchais pouvait être conservée à condition de faire des DRM la clef de voûte du système. Cette option est aujourd’hui dépassée de l’aveu même des auteurs de la loi. De même que l’invention scientifique est de plus en plus collective, la création artistique et littéraire le sera sans cesse davantage. N’est ce pas déjà le cas des œuvres cinématographiques ? Wikipedia l’a emporté sur ses concurrents parce que c’est une création collective et continue. La musique revient au live, et les salles de cinéma sont toujours remplies tandis que les supports matériels sont condamnés à disparaître. Des groupes proposent déjà leur création sous une licence alternative au traditionnel Copyright qui autorise le partage de la musique, la Licence creative commons.
Il est urgent d’en tirer les conséquences, urgent d’ajourner une loi déjà obsolète avant d’être votée, et de réfléchir collectivement aux moyens qu’offre le marché afin de mieux rémunérer la création et de ne plus opposer créateurs et internautes.
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