Histoire du quatrième reich
Une brève histoire du hiérarchisme
L’homme, ou plus exactement "l’homo sapiens sapiens", la dernière espèce d’hominidés non éteinte, est un animal social, un animal qui vit en société, comme les lions, les fourmis, les sardines, et les moutons, contrairement aux tigres, aux fourmiliers, et aux requins, qui vivent essentiellement en solitaires.
Le fait de vivre en société confère un avantage évolutif énorme à une espèce animale, et explique notre survie lorsque notre espèce de "singes" chétifs était entourés d’animaux plus forts, plus rapides, et malheureusement pour nous ... carnivores, pour certains. Il a sans aucun doute fallu pendant des millions d’années se serrer les un-e-s contre les autres dans les nuits noires peuplées des cris des prédateurs affamés et de ceux, déchirants, de leur dîner ...
Ce processus d’hominisation a duré des millions d’années, jusqu’à devenir pour notre espèce son avantage évolutif principal. En développant des relations sociales plus complexes que la plupart des animaux, notre espèce a commencé à intervenir sur sa propre évolution, par exemple en transmettant des cultures entre générations.
Progressivement, notre évolution sociale a ainsi pris le pas sur notre évolution biologique, jusqu’à nous permettre de tripler notre durée de vie, de voler dans les airs, et de faire choir une bombe atomique sur Nagazaki et une autre sur Hiroshima.
Mais les causes de ce "bug" évolutif susceptible de détruire la vie sur cette planète remontent sans doute à quelques milliers d’années : la paléo-anthropologie légale montre que l’on trouve plus de squelettes portant des traces de morts violentes après les premières sédentarisations de notre espèce, et surtout après l’établissement des premières cités antiques, il y a 1000, 2000, ou 10000 ans. C’est de cette époque que l’on peut dater l’avènement du "hiérarchisme", défini comme l’ensemble des dogmes, idéologies, et pratiques des formes d’organisations sociales pyramidales.
Dans son ouvrage "la violence et le sacré", le philosophe René Girard montre combien les dogmes hiérarchistes sont consubstantiels de l’établissement, violent, de sociétés hiérarchisées. Dans leur livre, "la violence de la monnaie", les économistes Michel Aglietta et André Orléans montrent comment cette création artificielle de "sacré" sert à "naturaliser", à sacraliser les injustices nouvelles et inédites crées par ces premiers hiérarchismes de l’histoire, les premières féodalités. La monnaie ne réduit pas la violence des rapports sociaux : elle les dilue dans l’ensemble du corps social à l’aide de mythes fondateurs négationnistes de cette violence fondatrice.
Notre société actuelle est donc le fruit à la fois de millions d’années d’évolution basés sur la coopération la plus développée du monde animal, et de quelques milliers d’années, tout au plus, de déshominisation sur la base de dogmes hiérarchistes : autrefois, ceux du féodalisme, et désormais ceux du capitalisme.
Faillites
Au temps féodaux, il y a eu des serfs, et des seigneurs qui les asservirent, et il y a désormais, à la suite de quelques révolutions, des salariés, et des patrons. Au-delà des différences, l’essentiel de ces deux système est identique et tient au dogme hiérarchiste.
Or, les dogmes hiérarchistes reposent sur un mensonge énorme : leur prétendue "efficacité". En vérité, celle-ci a toujours été battue en brèche par l’efficacité incroyablement supérieure des organisations en réseaux, en "peer to peer", à "zéro hiérarchie". Seule la violence a permis et permet encore aux systèmes hiérarchistes de perdurer en dépit de leur inefficacité congénitale : dans un système pyramidal, l’information circule mal. Plus un système est pyramidal et moins l’information peut y circuler : l’information est excessivement "compressée" de "bas" en "haut" et diluée du "haut" vers le "bas" d’une pyramide hiérarchique. Et de plus, une hiérarchie est une relation d’ordre, qui définit des relations sociales propres à chaque "niveau" hiérarchique, des relations d’équivalence. Ces dernières définissent des classes d’équivalence, les classes sociales.
Institutionnalisées, des relations d’ordres, souvent maquillées en castes, "races", ou genres. sont les mythes fondateurs et la loi des classes régnantes. Avec successivement une appropriation originelle violente, suivie quelques siècles plus tard de l’expropriation des communaux et de la suppression des biens publics, les paysans sont devenus des prolétaires totalement dépendants du pouvoir. Nous survivons pour la plupart entassés dans les jungles urbaines de la "World Company", soumis au régime du "marche ou crève" de leur guerre économique. Un milliard d’humains souffrent de la faim et au moins 37 millions en crèvent chaque année, sur une planète capable de nourrir au moins 9 à 12 milliards de nos semblables avec du "bio" ! Ne cherchez pas l’horreur : elle gouverne.
Le "libéralisme économique" n’existe pas, car le libéralisme philosophique n’a pas encore franchi la porte des entreprises capitalistes. Cette tension permanente entre un mythe fondateur qui se prétend faussement "libéral" et la réalité barbare des crimes économiques capitalistes écartèle les tyrans qui gouvernent, tiraillés entre leur hiérarchisme auto-justificateur et leur cupidité auto-sabordée par l’inefficacité intrinsèque des organisations hiérarchiques.
Dans Le Capital", Marx en avait conclu que l’un des mythes fondateurs du capitalisme, celui de la "concurrence libre et non faussée" ne peut exister sans conduire à une baisse tendancielle des taux de profit conduisant à l’autodestruction du capitalisme lui-même. C’est ce qui s’est produit en 2007 : le capitalisme mondial a fait faillite. En 2007, le colonialisme, l’impérialisme, la globalisation du rapport marchand, et l’existence de mafias contrôlant au moins entre un tiers et la moitié des échanges économiques n’ont plus suffit à assurer aux quelques milliers de personnes qui gouvernent la planète les taux de croissance exponentiels de leur accaparement des richesses mondiales qu’elles continuent d’exiger. Selon ses propres normes comptables, celles imposées par la force sur toute la planète, le capitalisme mondial a fait faillite.
En quelques mois, en quelques semaines, des dogmes assénés par des décennies de pédagogies de la résignation ont volés en éclat : comme d’habitude et sans états d’âme, les capitalistes ont privatisés les profits et nationalisés les pertes, et il leur a bien fallu adapter leur ramage à défaut de changer de plumage. Un plan de "sauvetage des banques" représentant un tiers du PIB mondial nous a été imposé : il s’agit en fait d’un plan de transfert massif des fruits du travail vers les "propriétaires" du capital dilapidé. De chèques en blanc tirés par "nos" gouvernements sur les taxes et les impôts futurs. De la création d’une rente indue et inique au profit des responsables de la faillite de leur système délétère et meurtrier.
Quatrième reich
Hélas, échaudés par quelques révolutions, les avatars contemporains des hiérarchismes de naguère avaient quelque peu anticipés la faillite du capitalisme. Dans les faits, cette "faillite" est toute relative, la faillite du capitalisme est seulement idéologique, morale, écologique, économique, et financière : les hiérarchies responsables de ces faillites sont toujours en place, et c’est de toute façon la seule chose qui compte à leurs yeux.
L’empire romain et le grand reich, le grand empire dont rêvait Hitler perdurent dans les discours impérialistes d’aujourd’hui, tels ceux de ces "think-tanks" ultra-réactionnaires qui proclament et organisent la "vocation impériale" de leurs dogmes et de leurs armées.
Mais aujourd’hui, l’empereur est nu : chacun voit que seule la montée outrancière de la répression maintient désormais artificiellement en place une caste archaïque de criminels contre l’humanité. Et pourtant, même en jetant en prison tou-te-s les rebelles, il y aura toujours un-e citoyen-ne libre pour crier aux poulets et aux cocottes du pouvoir : "Sarkozy : je te vois !".
Le rapport de force est simple : nous sommes des milliards, et ils ne sont que quelques milliers tout au plus avec l’argent et les armes achetées avec. Mais les armes actuelles sont si puissantes, le contrôle social si perfectionné, et l’accaparement de l’argent si concentré qu’ils permettent désormais à une minorité infime de régner sur six milliards d’humains, d’en affamer au moins un milliard, et d’en massacrer des dizaines de millions chaque année. C’est à ce prix que le hiérarchisme se perpétue : le prix du sang, et des larmes.
D’autres crimes se préparent, "et la mer est profonde, que face aux révolté-e-s montent les fusiliers" [1].
Minga, 2009
Voir aussi :
Démocratie directe ? Démocratie, direct !
La démocratie comme stratégie
Dialogue sur les rapports entre la ’science des réseaux’ et la pratique des réseaux militants
Le fascisme qui vient, l’insurrection qui se retient
Notes
[1] Ce vers appartient à la chanson de Jean Ferrat : "Potemkine".
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