Il faut détruire l’extrême-droite !
J'avais suscité une raillerie générale dans le comité rédactionnel de ce journal lorsque j'avais osé soumettre un article sur les liens entre certains Gilets Jaunes et des idéologies mortifères telles que l'antisémitisme. Deux mois après, la réalité vient donner une glaçante validation à mes craintes : cimetières profanés, académicien agressé, montée générale de l'extrême-droite dans les sondages, libération et décomplexion des idées les plus abjectes parfois au-delà des limites légales. Autant dire que
Le haro général sur le mouvement jauniste est néanmoins un peu schématique. La montée des périls nationalistes est bien antérieure à cette jacquerie qui a certainement accéléré la résistible ascension de la noirceur au pays des Lumières. Gauche et droite semblent sortir de leur habituelle léthargie et réaliser le danger que constituent ces nuages qui s'amoncèlent inexorablement sur le ciel européen. Les voici donc à rivaliser de vœux pieux et de discours grandiloquents pour tenter d'endiguer la progression du nationalisme : marches blanches, arbres pour la paix, régulation d'internet, autant de "mesures" qui existent déjà depuis de nombreuses années et qui ont fait la preuve de leur inefficacité. Christophe Castaner, premier flic de France, a ainsi renchéri, au lendemain de la profanation d'arbres plantés en mémoire du jeune Ilan Halimi, torturé et tué en raison de ses origines juives : "Nous planteront des arbres encore plus grands". Waouh ! Il plaisante plus le Chrichri, il est en mode berserker, tous aux abris ! tremblez, antisémites et fascistes ! On a eu Superman, Spiderman, voici Tree-Man, le super-héros sudiste qui combat la haine avec des tilleuls et des peupliers.
On se souvient de la remarque lapidaire d'un Vladimir Poutine au lendemain des attentats qui, en 1999, avaient ensanglanté
"Le racisme n'est pas une opinion mais un délit", "Il faut combattre les idées d'extrême-droite", "Pas de fachos dans nos quartiers, pas de quartier pour les fachos". Voilà les slogans de soixante-huitards attardés que l'on entend pour seule réponse face au bruit des bottes qui se fait de plus en plus pesant. Communistes, socialistes, démocrates, humanistes de tous bords, êtes-vous devenus complètement stupides ? L'esprit antifasciste cher au PCF, à
J'en viens, moi, de l'extrême-droite où j'ai traîné mes guêtres durant quelques années avant d'en claquer la porte, ne supportant justement plus cette haine et cette beaufferie caractéristiques. Je peux vous garantir que cette mauvaise herbe là ne se déracine pas à coups de belles paroles, de marches blanches ou de lâchers de ballon. Que faire, dès lors ? Certains audacieux disent : "combattre l'extrême-droite". Combattre l'extrême-droite, voilà un serment solennel que j'entends depuis des années dans la bouche des politiques, des journalistes, de tous les humanistes du dimanche. Mais il ne s'agit hélas que d'un vœu pieux que chacun récite tel un Nôtre-Père matinal vite oublié dans la journée, telles les résolutions du Jour de l'An que l'on néglige déjà le lendemain. Qui, dans les faits, combat l'extrême-droite ? Et puis, surtout, qu'entendons-nous par "combattre" l'extrême-droite ?
La seule solution pour combattre les idées propagées par l'extrême-droite est tout simplement la destruction politique, économique et intellectuelle de cette idéologie. Tout le reste n'est qu'effet de manche. La question se pose donc : comment détruire l'extrême-droite ? Disons-le tout de suite : pas avec la répression. Interdisez les contenus haineux sur Facebook et YouTube, ils iront cracher leur venin sur VKontakt et Rutube. Dissolvez les partis nationalistes, ils les reformeront sous d'autres noms. Prohibez l'expression publique du racisme, ils l'exprimeront à mots couverts. Brûlez les opuscules de Ryssen et de Soral, ils les réimprimeront et les feront circuler sous le manteau. Bref, le volet répressif ne fait que renforcer la peste noire du fascisme, tel le géant Antée qui se relevait deux fois plus puissant après chaque chute. A ces mauvais sauvages des temps modernes, qui méprisent le droit et ne se laissent pas plus fléchir par le knout, il faut opposer un savant mélange de ruse vulpine et de force foudroyante.
Ignorer, réprimer, s'indigner. On a tout essayé et tout a échoué. La seule chose que l'on n'a pas tenté, c'est le volet libéral : donner la parole publique à ces individus au lieu de les bannir et de les conforter dans leur paranoïa victimaire. Aurions-nous quelque chose à craindre ? Rassurons-nous, les Français ne sont pas débiles et ne se laisseront pas abuser. Il suffit de mettre un complotiste anti-vaccins comme Joyeux face à un vrai médecin ; un scribouillard pamphlétaire comme Romain Guérin face à un vrai homme de lettres ; un braillard comme Kroc Blanc ou Amalek face à un authentique artiste lyrique ; une propagandiste antirépublicaine comme Marion Sigaut face à un vrai historien etc. Cinq minutes de débat télévisé suffiront à démonter pour toujours leur propagande et à leur ôter une fois pour toutes cette aura de pauvre-victime-persécutée-par-les-méchants-médis, ouin ouin. De fait, ridiculiser l'extrême-droite est bien plus productif que de la réprimer. C'est à propos que l'on rappellera cette magnifique phrase issue de l'Encyclopédie : "On ne sait quel parti prendre avec les fanatiques. Opprimez-les et ils se soulèvent ; ménagez-les et ils vous foulent aux pieds. Il n'y a que le mépris qui vaille".
La destruction de l'extrême-droite passe aussi par des moyens plus politiques, certes éthiquement discutables mais nécessaires à la sauvegarde de
L'argent étant, selon la formule consacrée, le nerf de la guerre, le volet économique demeure également primordial. Prendre ces gens à la gorge économiquement et leur couper les vivres serait un moyen fort efficace de les faire taire, bien plus efficace que les volets de lois complexes charriés tous les ans par les gouvernements successifs. Par exemple, fermer les plateformes participatives où les blogueurs d'extrême-droite engrangent chaque mois des milliers d'euros de dons (échappant au fisc !) qui leur permettent de vivre sans travail en faisant prospérer un véritable business autour de leur activisme. Demander à YouTube de démonétiser leurs vidéos serait aussi un bon moyen de les étouffer économiquement. Faire enfin en sorte que les dons versés à l'extrême-droite ne soient plus déductibles d'impôts. On peut aussi se demander s'il ne serait pas légitime de couper les allocations aux parents ouvertement racistes, et si des étudiants racistes ne devraient pas se voir couper toute bourse. Car, là où le fanatique emprisonné se sent parfois pousser des ailes de martyr, l'homme affamé a, quant à lui, une propension à revenir vite dans le rang, la queue basse, mangeant servilement dans la gamelle du Système jadis honni. Ce n'est pas au cœur mais à l'estomac qu'il faut frapper le fascisme. Le châtiment de Tantale est bien plus dissuasif que celui infligé à Prométhée. Puisqu'il est question d'argent, je peux témoigner de la vénalité qui règne dans ce milieu putride où chacun songe à son profit personnel. Dès lors, l'Etat devrait mettre à profit cette faille humaine en créant un programme pour les repentis, sur le même principe que le programme créé à l'attention des mafieux états-uniens : par exemple, si une personne accepte de renier son idéologie nationaliste et de livrer les informations nécessaires au combat contre l'extrême-droite, lui donner une somme d'argent et lui permettre de se réinsérer dans la société, y compris avec un changement éventuel de nom et un programme de protection de témoins. Pour un chèque, un 2 pièces et un CDI, n'importe quel identitaire, maurrassien ou lepéniste de base oubliera vite son zèle d'antan et scandera "Vive Macron !". Là encore, on m'objectera des arguments moraux. Je ne prétends pas faire oeuvre d'eschatologie ou d'éthique. Le but des présentes propositions n'est pas de déterminer ce qui est ou non conforme à la moralité (concept fluctuant, s'il en est) mais ce qui serait efficace pour détruire l'extrême-droite.
"Détruire", voilà un verbe qui fait bien peur, à l'aune des expériences cataclysmiques du siècle précédent qui a vu se déchaîner le pouvoir destructeur de l'être humain. On lui préfère désormais des formules plus gentillettes : "s'indigner contre", "dire non" ou, summum de la martialité, "combattre". Or, personne ne prend la peine de préciser en quoi consiste ce combat salutaire ni à quoi il doit aboutir. Nos ennemis, eux, n'ont pas peur d'employer le mot "destruction".
Nicolas Kirkitadze
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