Ils veulent quoi, les Gilets Jaunes ?
Ils veulent quoi, les Gilets Jaunes ?
Ils veulent quoi, les Gilets Jaunes ? Comme si on ne le savait pas … ! On sait très bien ce qu’ils veulent : ils veulent des sous. Les Français veulent des sous. Ils veulent qu’on cesse de se moquer d’eux. https://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/d-abord-passez-le-fric-156448
Il faudrait qu’on les prenne au sérieux. Qu’on comprenne que les Gilets Jaunes ne sont pas un incident de parcours, mais le signe que l’évolution inexorable de la production vers le secteur tertiaire a atteint le point où elle exige qu’on en tire les conséquences.
La conséquence, entre autres, d’accepter que c’est le TRAVAIL, (le capital humain, la COMPÉTENCE...) qui est devenu (redevenu serait plus exact) la ressource rare de la production et qu’une nouvelle répartition de la richesse de la société est donc indispensable. Urgente, même, car dans une société qui a fait de la richesse le grand critère du succès, ce serait une recette infaillible pour une révolution violente de permettre que la distribution de la richesse tarde trop à refléter le pouvoir réel de ceux qui se la partagent.
Un appel à redistribuer la richesse ; c'est ainsi qu'il faudrait comprendre le message des Gilets Jaunes. Ils sont venus nous dire de redistribuer vite la richesse en France, avant que le clivage entre les gagnants et les perdants de la sociétté ne devienne irréversible et que ne s’y installe,- à partir de données souvent erronées ! - une désunion permanente qui soit l'exact inverse de cette "union sacrée" qui viendrait parfois sauver la nation... Une désunion qui serait le nouveau visage de cette « lutte des classes », de marxiste mémoire à laquelle la tertiarisation du marché du travail a mis fin...
Finie la lutte des classes ? Finies les « classes », évidemment, puisque dans une société de services chaque fournisseur est à devenir différent. Les similitudes s’estompant, les classes disparaissent car chaque travailleur devient en quelque sorte une classe à lui seul. Les classes disparaissent, mais attention, la LUTTE, elle, se poursuit...
Elle continue même plus âpre que jamais, car quand chaque travailleur devient unique et constitue en quelque sorte SA propre classe, car alors il n’a plus d’intérêts communs permanents avec son frère travailleur. Ils ne sont plus interchangeables... mais DOIVENT être complémentaires.
Chaque travailleur entre en rivalité - et donc potentiellement en guerre - contre tous et chacun des autres pour affirmer la primauté de sa fonction qui définit son statut. Il n’y a plus une SOLIDARITÉ de classe ; seulement des solidarités de circonstances opportunistes et éphémères, des alliances qui se font et se défont au gré des intérêts du moment.
Les Gilets Jaunes sont une de ces alliances d’opportunité, et elle correspond bien au zeitgeist actuel. On a appliqué dans la sphère sociopolitique le principe corporatif de la « responsabilité limitée ». On a permis ainsi une contestation "à la carte", prenant au menu les seules revendidations qui nous plaisent sans avoir à partager des principes, un idéal ni des valeurs pour ramer ensemble une galère en péril : il suffit de seulement de voir l’intérêt immédiat à le faire
Ces alliances précaires sont cyniques, mais elles sont puissantes. D’autant plus efficaces qu’elles n’exigent pas d’autre loyauté que celle envers l’objectif qui a présidé à leur formation. Si on s’en lasse, on n’a même plus à trahir ; on limite simplemnet sa mise à ce qu'on choisit d'investir de soi-même et on en garde pour d'autres implications, dissociées, voire contradictoires. On est loin de LA CAUSE à laquelle on veut sacrifier sa vie... Mais la précarité de l’engagement n’est plus perçue comme défaut, mais comme une force.
Dans une société tertiaire, la désintégration est inévitable de toute solidarité à laquelle on veut donner pour ciment une spécificité professionnelle étroite. On cherche même en vain à opposer les ouvriers qui touchent un salaire aux bourgeois qui touchent un profit, à distinguer entre ceux qui décident et ceux qui exécutent, à voir au travail intellectuel une nature profonde distincte de celle du travail manuel et on croit d'emblée - la comparaison est millénaire ! – que les membres et l’estomac ont à collaborer…
Où la solidarité s'est elle nichée ? Elle s'est élargie, n'excluant dsormais de la communauté des producteurs que ceux qui, désignés pour entreprendre et en porter les risques, sont devenus des bourdons dans la ruche maintenant que c’est un État de copinage qui assume presque tous les risques.
Allons donc au cœur de la crise, au-dela des prétextes racoleurs, et on voit que la révolte des Gilets Jaunes est celle d’une majorité (celle de tous ceux qui PRODUISENT et sont donc utiles aux autres) contre la dominance scabreuse des profiteurs qui vivent et s’enrichissent exclusivement des intérêts sur leur CAPITAL sans qu’il en découle aucun bien pour la collectivité. Ces profiteurs n’ont plus de raison d’être, et le but ultime de l’action des Gilets Jaune est qu’il soit mis fin à celle de ces parasites.
Il ne doit exister d’autres rentiers dans une société que ceux pour qui la maladie, un accident, un handicap grave ou le grand âge justifient qu’ils accèdent à ce statut.
"Vaste programme" aurait dit le Grand Charles... et dont la réalistion pose un défi. Pour gérer le défi que posent les Gilets Jaunes, il faut donc bien comprendre que nous ne discutons pas d’une crise ponctuelle à régler et qu’il ne s’agit vraiment pas du prix du carburant. Il s’agit d’un nouveau rapport de force à établir entre gouvernés et gouvernants : une nouvelle façon de négocier née de l’extrême facilité de diffuser de l’information qu’offrent les réseaux sociaux et qui est là pour rester.
Une oeuvre pie, mais qui a des aspects pervers dont le plus troublant est que l’une des parties n’a rien à perdre. On ne peut cibler des responsables qui n’existent pas, ni fusiller les meneurs… Ceux qui contestent l’autorité dans le cadre d’une alliance d’opportunité peuvent adapter indéfiniment leurs moyens, sans renoncer jamais à leur objectif.
C’est une situation à la Oscar Wilde, où l’on pourrait penser, que « la meilleure façon de triompher de la tentation est d’y céder » … Quelques sous pour du mazout valent-ils une telle bagarre qui ne finira jamais ? Ça se discute, mais il ne faut pas se cacher que chaque victoire d’une alliance d’opportunité comme les Gilets Jaunesne peut que favoriser l’émergence d’autres alliances semblables et que, nourries de leurs succès, celles qui suivront deviendront sans doutes de plus en plus intraitables, de plus en plus irrésistibles.
Reculer d’un pas devant les Gilets Jaunes, c’est s’engager dans la voie qui mènera peu à peu à une démocratie directe, sans qu’on sache vraiment au départ par quel chemin on s’y rendra. Il faut en être conscient. Est-ce bien ce qu’on veut ? Si oui, à la bonne heure. Mais sinon, au lieu de se préparer à ce supplice chinois de la mort par mille coupures de la démocratie représentative, ne serait-il pas plus sage, de trancher le nœud gordien et de consentir à ce que nous savons être la véritable réclamation implicite de tous les Français : une nouvelle répartition de la richesse qui réduira l’écart actuel scandaleux entre pauvres et riches ? Et si c'est voie quoi choisissait, comment le ferait-on ?
On le ferait enaugmentant spectaculairement la part du Travail sous toutes ses formes dans le revenu national et en réduisant d’autant celle du Capital. C’est une opération qui apparaît raisonnable quand on voit comment évolue la relation entre ses deux composantes.
Le Capital, en effet, c’est l’apport de ce qui existe déjà quand débute un processus de production de biens et services ; le Travail est l’apport de l’ajout qu’on veut introduire. Or, le Capital n’a évidemment plus aujourd’hui, dans un système où les changements s’accélèrent, l’importance relative qu’il avait naguère quand la dynamique était plus lente. L’investisseur a aussi perdu de son importance relative, maintenant que la richesse est devenue plus symbolique, plus virtuelle, et que sa création découle si ostentatoirement des décisions du pouvoir. Une redistribution de la richesse – désormais essentiellement monétaire - n’est donc pas à écarter du revers de la main.
Il faudra, sans doute y venir tôt ou tard. Ne faudrait-il pas se pencher sérieusement sur les mécanismes qui permettraient de le faire avec un minimum de bouleversements. Comme celui-ci, par exemple ?
https://nouvellesociete.wordpress.com/2011/08/08/la-dette-remboursons-la-bon-dieu/
Ce texte est déja long, restons en là. Mais la crise des Gilets Jaunes ne fait que commencer.
Pierre JC Allard
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