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Investissements d’avenir : les progressistes doivent faire plus et mieux

Le Président de la République a consacré sa conférence de presse du lundi 27 juin au bilan du « grand emprunt », dix-huit mois après son lancement. Le « programme d’investissement d’avenir » issu des travaux de la commission Juppé-Rocard constitue une politique nouvelle stratégique, qu’il faut saluer sans réserve dans son principe. Sa mise en œuvre laisse en revanche à désirer. Surtout, ce programme unique est insuffisant à résorber le déficit d’investissement structurel accumulé par la France sur le long terme. Dans cette note, Olivier Ferrand, président de Terra Nova, milite pour un programme d’investissement d’avenir de l’ordre de 30 milliards d’euros, non pas en un coup, mais tous les ans.

Nicolas Sarkozy a assuré hier le service après-vente du « grand emprunt », lancé il y a dix-huit mois, en janvier 2010.
 
Le « programme d’investissement d’avenir » issu des travaux de la commission Juppé-Rocard constitue une politique nouvelle qu’il faut saluer sans réserve dans son principe.
 
Le déclin économique de la France est une réalité : sa croissance potentielle n’a cessé de s’éroder depuis trente ans, pour tomber aujourd’hui en-dessous de 1.5 %. Principale explication : nous avons cessé d’investir dans notre avenir. C’est le cas en particulier de la puissance publique : la part des investissements dans la dépense publique est passée de 12.5 % à la fin des années 1970 à 7 % aujourd’hui. Cela correspond à un déficit d’investissement de plus de 50 milliards d’euros par an. Les déficits que nous accumulons servent à financer à 90 % les dépenses de fonctionnement et non les investissements.
 
Réinvestir dans l’avenir est donc bien la priorité économique absolue de la France, sous peine de déclassement durable. A cette aune, les travaux de la commission Juppé-Rocard fournissent les clés principales d’une politique d’investissement réussie :
 
- Sur le plan quantitatif, la commission a proposé une enveloppe de 35 milliards d’euros d’investissement. Il n’était pas possible d’aller au-delà en un seul coup. Il s’agit du besoin de financement supplémentaire maximum que peut supporter le Trésor sans mettre en risque la signature de la France sur les marchés financiers.
 
- Sur le fond, deux priorités pour « assurer la transition vers un nouveau modèle de développement » : l’économie de la connaissance et l’économie verte. La commission propose des investissements « transversaux » (enseignement supérieur, recherche, innovation) et des investissements industriels dans les secteurs les plus innovants : les sciences du vivant (biomédical, innovations agricoles), les énergies décarbonées, la ville de demain, la mobilité du futur, la société numérique.
 
- Sur la méthode, deux innovations. D’abord, un instrument nouveau pour gérer les financements, les fonds de dotation : un capital non-consomptible leur est attribué (seuls les revenus annuels de la dotation servant au financement des projets d’investissement), ce qui rend le supplément de financement définitif (contrairement à des crédits budgétaires, qui peuvent être supprimés d’une année sur l’autre). Ensuite, une approche nouvelle pour la sélection des projets : non plus une approche « pompidolienne », top down, où l’Etat sélectionne lui-même les projets, au risque de faire des erreurs majeures ; mais une approche bottom up, où l’Etat se contente de flécher les financements vers des secteurs prioritaires, mais où il laisse à des appels d’offre, réalisés par des jurys internationaux de spécialistes, le soin de choisir les meilleurs projets.
 
Nicolas Sarkozy a repris telles quelles les préconisations de la commission Juppé-Rocard. Dix-huit mois après son lancement, le « grand emprunt » se heurte pourtant aux limites de sa mise en œuvre. Elles sont au nombre de trois :
 
- Les engagements ont pris beaucoup de retard. Plus d’un tiers des fonds n’aura toujours pas été engagé fin 2011. Surtout, les financements engagés (20 milliards) dorment pour l’essentiel sur le compte courant du Trésor à la Banque de France. Ils ne bénéficient toujours pas aux destinataires finaux – les universités, les organismes de recherche… A l’inverse, le gouvernement a annulé 500 millions d’euros de crédits budgétaires dès 2010, afin de gager la charge d’intérêts du grand emprunt et assurer sa neutralité pour le budget de l’Etat. Parmi ces 500 millions, de nombreuses dépenses d’investissement du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, notamment au CNRS. Pour le dire clairement : le « grand emprunt » a eu un effet négatif sur les investissements publics en 2010.
 
- La sélection compétitive, bottom up, des projets n’est pas respectée. Beaucoup de « visiteurs du soir », à l’Elysée ou dans les ministères, obtiennent un accès direct aux financements du « grand emprunt », sans passer par la case sélection. La violation la plus flagrante se trouve dans la désignation des « laboratoires d’excellence », programme phare du « grand emprunt » : près des deux tiers des dossiers (61 sur 100) ont été retenus par « la volonté du prince », contre l’avis du jury, selon les logiques bien connues de clientélisme mandarinal, politique ou territorial, aboutissant à un saupoudrage généralisé.
 
- La mainmise des « chasseurs de primes ». Les cabinets de conseil ont capté une part importante de la rente du « grand emprunt » pour la mise en valeur purement formelle des dossiers de présentation.
 
Quelles leçons retenir de cet exercice pour les politiques progressistes ?
 
La principale est que le « programme d’investissement d’avenir » ne saurait se limiter à un fusil à un coup. Le sous-investissement français est chronique, depuis trente ans. Les économistes Jacques Delpla et Charles Wyplosz ont chiffré à 400 milliards d’euros le retard d’investissement de la France accumulé sur le long terme. Il faut un programme d’investissement d’avenir tous les ans, de l’ordre de 1 à 2 points de PIB (20 à 40 milliards d’euros), pour raccrocher la France au peloton de tête des économies les plus développées.
 
Ces financements seraient gérés dans un programme budgétaire « investissement d’avenir », séparé des autres programmes ministériels. Ils seraient ainsi sanctuarisés, sortis des arbitrages budgétaires annuels. Leur attribution serait pilotée par un commissariat aux investissements d’avenir, selon les règles de sélection compétitive bottom up suggérées par la commission Juppé-Rocard.
 
Naturellement, la volonté de réinvestir se heurte à la situation des finances publiques du pays. La France cumule en effet surendettement et sous-investissement. C’est donc à une réorientation budgétaire massive qu’elle doit procéder. La gestion classique des finances publiques (économies de gestion sur les politiques publiques avec la RGPP) ne suffira pas. Il faudra faire des choix de politique publique : supprimer des dépenses d’hier pour pouvoir financer les investissements d’avenir. Le Canada, Israël, la Hongrie ont pu y parvenir avec succès ces dernières années. Le prochain gouvernement français devra être à la hauteur de ce défi.
 
Consultez la note intégrale ici

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4 réactions à cet article    


  • FRIDA FRIDA 2 juillet 2011 11:55

    Si on devait compter sur Terra Nova pour avoir une crtique sérieuse de la politique du GE, ce ne sera pas demain la veille.
    Voici quelques extraits d’articles avec des liens pour consulter les articles en entier :
     

    « Le Grand Emprunt, étonnante martingale budgétaire promise à devenir un gouffre pour les deniers public, est le levier imaginé par le gouvernement pour restructurer profondément et durablement le système de recherche français. Nous le savons, Nicolas Sarkozy veut depuis 2007 que quelques sites universitaires français puissent se poser en rivaux des soi-disant géants anglo-saxons. Après 5 ans d’efforts, nul doute qu’il proclamera que son but est atteint, mais les dégâts sont terrifiants : asphyxie progressive des organismes de recherche nationaux, instauration d’une concurrence stérile entre les universités et entre les régions, inscription en tête de la politique nationale de recherche de la satisfaction à court terme des grands groupes privés. Cette entreprise de démolition institutionnelle laisse dans son sillage un effrayant désaménagement du territoire. Le résultat des appels d’offre Idex, Labex, Equipex et IHU le confirme : un vaste « Middle-west » à la française est en train de se créer. »

    http://www.sncs.fr/imprimer.php3?id_article=2878&id_rubrique=17

    _________________

    « Car les établissements ont dû, dans des délais extrêmement courts, exprimer leurs besoins et définir le périmètre d’intervention des consultants. Les stratégies, et les budgets débloqués, varient énormément d’une mission à l’autre. La concurrence est rude, et d’autant plus difficile à gérer que, sur ce marché relativement nouveau, ce sont souvent les mêmes cabinets qui interviennent auprès de candidats rivaux.

    Il n’en fallait pas plus pour exacerber les tensions nées de la rencontre de ces deux univers. Sans compter que, face aux enjeux politiques et financiers, les présidents ont eux-mêmes pris les dossiers en main, se voyant parfois accusés d’autoritarisme par les enseignants-chercheurs : ceux-ci ont pu, en effet, se sentir dépossédés de leurs projets scientifiques et avoir le sentiment d’un contournement des instances collégiales traditionnellement convoquées pour définir les priorités stratégiques.

    Investissements d’avenir : quelles missions confiées aux consultants ?

    Deloitte, Ernst & Young, Capgemini… Tous les grands noms du consulting, mais aussi des cabinets plus spécialisés comme Erdyn ou Ineum, ont répondu aux appels à projets lancés par les établissements, PRES et universités, ayant besoin d’aide pour monter leurs dossiers de candidature aux Investissements d’avenir. Avec une implication de la part des consultants plus ou moins forte.

    D’une manière générale, les établissements mettent en avant la nécessité d’avoir un regard extérieur et neutre sur leurs dossiers, ainsi qu’un soutien méthodologique : « Le rôle des cabinets a notamment été de nous rappeler en permanence le cahier des charges et l’agenda », témoigne Bernard Saint-Girons, président du PRES université Paris-Est. Les cabinets sont également considérés comme utiles pour faire le benchmark d’un marché pas toujours bien connu des universitaires, alors que le ministère avait insisté sur l’importance de la valorisation économique des projets et des liens avec des acteurs extérieurs à l’université..... »

    « ...Des universités en concurrence conseillées par les mêmes consultants

    Un marché spécifique et encore émergent, des délais très courts mais des dossiers d’envergure avec des millions d’euros en jeu qui nécessitaient de mobiliser rapidement et simultanément plusieurs consultants : c’est ainsi que, souvent, les mêmes cabinets ont répondu aux appels d’offres et ont été retenus par des établissements en concurrence.

    Si travailler pour des concurrents est une pratique courante dans le conseil, elle n’en pose pas moins parfois des questions de déontologie. D’autant que les cabinets n’avancent pas tous les mêmes arguments. Ainsi, Ernest & Young met en avant le fait que les établissements accompagnés étaient éloignés géographiquement et préparaient des projets différents. Mais de toute façon, souligne Patrice Lefeu, leurs « équipes ont l’habitude de ces situations de concurrence et travaillent de façon absolument confidentielle ». Deloitte assure pour sa part avoir clairement séparé les équipes en charge des différents dossiers : « Elles ne communiquaient pas entre elles sur les choix stratégiques », indique Loïc Jouenne, associé responsable du secteur éducation... »

    http://www.fabula.org/actualites/investissements-d-avenir-comment-les-consultants-ont-pris-place-dans-le-champ-universitaire-dossier-_43132.php

    _________________

    « La terminologie a été bien choisie. Investir dans l’avenir, quoi de plus positif, quoi de plus moteur pour donner l’impression que nous avons un président de la République qui construit la France de demain, quand tout montre qu’il la conduit à se recroqueviller sur elle-même ?

     

    Ce n’est pas un hasard si Nicolas Sarkozy a décidé de communiquer sur le bilan du « grand emprunt » rebaptisé « investissements d’avenir » la veille de la déclaration de candidature de Martine Aubry à la primaire socialiste. Il s’agit pour lui d’en faire un axe important de son bilan, dont il veut montrer qu’il est positif.

     

    Et pourtant, la manipulation est énorme : les « investissements d’avenir » ne sont pas un investissement massif, et vont déstabiliser l’ensemble de la recherche et de l’enseignement supérieur. .. »

    « ...Mais il y a pire : les financements du « grand emprunt » se substituent aux financements habituels ! Ainsi, en janvier 2010, le parlement a voté l’annulation de 125 millions d’euros de crédits dans l’enseignement supérieur et la recherche, pour pouvoir financer les intérêts du « grand emprunt ». Mais il n’y a pas eu un euro de versé par ce dernier, puisque les appels d’offre étaient en cours.

     

    La Cour des comptes, de son côté, a commencé à identifier les effets de substitution, où le « grand emprunt » finance des opérations déjà annoncées. La réalité des laboratoires, ce sont des baisses de crédits de 11% au CNRS cette année, et quelques promesses dont on ne sait pas quand on en verra la couleur... »

    http://leplus.nouvelobs.com/contribution/140346 ;grand-emprunt-la-manipulation-des-investissements-d-avenir.html

    ___________

    Je me pose cette question, en quoi êtes-vous utile à la réflexion, si d’autres arrivent à soulever certaines incohérences alors que vous vous contentez de service minimum. Pourtant le think tank sert à cela, non ?


    • Alpo47 Alpo47 2 juillet 2011 16:02

      Trois textes de Terra Nova le même jour ... Agoravox est il en train de devenir le lieu d’expression privilégié des bobos de la gauche/droite libérale (et caviar) ?

      Cette nouvelle tendance pourrait bien lui faire perdre une bonne partie de ses lecteurs et commentateurs.

      Pour le reste,le texte va encore et toujours dans le sens des intérêts des « élites ». Simple, lancer des emprunts pour les projets du pays consiste à emprunter de l’argent aux détenteurs de capitaux, les rentiers-actionnaires, et à le faire rembourser par les derniers à payer des impots, la classe moyenne.
      Juste un moyen de transférer davantage de richesses du pays ... vers les riches et ultra-riches.

      C’est ça la nouvelle gôôôôôccchhhe ?


      • Alpo47 Alpo47 2 juillet 2011 19:05

        Et pour l’anecdote amusante, les 3 textes ont actuellement (19h) 100% de votes « NON ».
        Pas très « populaires » les idées de Terra Nova ...


        • chuppa 3 juillet 2011 07:33

          Cette manne pourrait être la source d’une percée décisive dans les nouvelles technologies.
          Mais le roi Sarko préfère continuer à injecter des milliards dans le nucléaire.
          Mort au(x) con(s)

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