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Juste un autre drame familial ?

Une histoire suisse sur la surveillance permanente et l'externalisation de mandats de consultants par les pouvoirs publics

Les drames familiaux se multiplient dans ce pays et force est de constater qu’ils se déroulent de plus en plus dans les cercles de la classe moyenne supérieure. Certes, les difficultés relationnelles, voire la folie, sont des pistes privilégiées dans la majorité des cas. Toutefois, on ne peut s’empêcher de se demander si, en plus, il n’y a pas, peut-être, quelque chose qui ne tourne pas rond dans ce pays aux excédents commerciaux et au chômage à taux zéro.

La dernière tragédie en date est arrivée la semaine passée dans la région zurichoise. Un père de famille de 53 ans a abattu son épouse et ses deux fils de 7 et 9 ans pour se donner la mort ensuite. Là encore, il y a une enquête en cours et les conclusions ne seront pas connus avant des mois. Cependant, le peu d’informations disponibles soulèvent d’autant plus de questions.

En effet, H.A., un ancien inspecteur de police, semble avoir parfaitement réussi sa vie, du moins sa vie professionnelle, en tant que fondateur et propriétaire de sa propre entreprise florissante, la « FCS Forensic Computing Services GmbH », Le motif du déclin social imminent semble d’ores et déjà exclu dans ce cas, mais non celui d’un système économique et politique à bout de souffle qui s’efforce par tous les moyens, ceux de la surveillance permanente en l’occurrence, de rester en vie.

Dans un article du 19 juillet dernier, le quotidien zurichois « Blick » laisse échapper un « teaser » sans aller plus loin dans les détails en ajoutant que le père de famille, nommé Harald B. dans l’article, aurait déchiqueté un nombre important de documents dans son bureau les jours précédents sa mort.

Selon un article de la « Sonntagszeitung » du mois de novembre 2013, la firme de l’ancien policier aurait été mandatée par le « Ministère public » du canton de Zurich, notamment par le procureur Andrej Gnehm (UDC), de la collecte de preuves informatiques (e-mails internes) aboutissant à l’accusation et le licenciement de la professeure Iris Ritzmann de l‘Université de Zurich, accusée d’avoir fourni au quotidien « Tagesanzeiger » des informations au sujet des circonstances du licenciement du directeur du « Musée d’Histoire de la médecine », dépendant de l’université, Dr. Christoph Mörgeli, ancien conseiller national UDC, pour violation du devoir de loyauté, après que celui-ci avait dénigré l’institution de manière répétée dans plusieurs médias.

En outre, comme le révèle l’émission « Rundschau » de la RTS du 27 mars 2013, le Dr. Mörgeli aurait aidé des doctorants en histoire de la médecine, dans 12 cas sur 60, d’accéder un peu trop facilement à leur titre en laissant passer de simples transcriptions dans leurs thèses. Une commission d’enquête, mandatée par l’université de Zurich arrive à la même conclusion le 1er octobre 2013.

Le procédé du plagiat semble être une particularité des politiciens, car, dans ce contexte, on ne peut s’empêcher de penser à Karl-Theodor zu Guttenberg, l’ancien ministre de la défense allemande, et, notamment l’actuelle présidente de la « Commission européenne » et ancienne ministre de la défense allemande, Ursula Von der Leyen, également accusée d’avoir plagié sa thèse de médecine.

En ce qui concerne la vendetta du procureur zurichois Andrej Gnehm (UDC) à l’encontre de la professeure et ex-collègue de son camarade de parti, Iris Ritzmann, le « Tribunal fédéral » considère, au mois d’octobre 2016, que les preuves informatiques (e-mails internes), que celui-ci s’était procurées par l’intermédiaire de la société « FCS Forensic Computing Services GmbH », comme inexploitables, ce qui libère la professeure de l’accusation de violation du secret professionnel.

Dans ce contexte, le juriste soleurois Konrad Jeker déclare au « Sonntagsblick » que la manière dont le « Ministère public » zurichois s’était procurée les preuves dans cette affaire « sent la magouille ». En outre, le maître de conférences en droit pénal critique le fait qu’une société externe ait été mandatée pour l’exploitation des données, ce qui n’est certes pas illégal, mais dont la tâche aurait pu être confiée à la police. La procureure zurichoise, Nicole Bouvier, affirme de son côté qu’en règle générale le « Ministère public » confie ce genre d’investigation à la police. Vraiment ?

En consultant le site internet de la société « FCS Forensic Computing Services GmbH » on n’a pas cette impression. Ses employés, d’anciens inspecteurs de police, des spécialistes de « guerre électronique » et sécurité informatique, proposent leur expertise dans trois domaines clé : investigation numérique ou « IT forensic », la sécurité informatique et des rapports d’experts indépendants.

Les sujets de la rubrique « projets achevés avec succès », 2,611 en nombre, se lisent comme le cahier de charge d’un inspecteur de police. Sont compris tous les délits de droit commun, mais encore, corruption, abus de pouvoir, abus de secret de fonction, concurrence déloyale, procuration illégale de données informatiques, intrusion illégale dans un système informatique, violation des droits d’auteur, infraction à la loi des cartels, violation du secret d’affaires, espionnage économique, soupçon de fondation d’une organisation terroriste, écoute et enregistrement de conversations, délits fiscaux, violation de devoir d’assistance et d’éducation…

Et la liste des 987 clients satisfaits n’est pas en reste :

Département fédéral de la défense DDPS, Ministère public de la Confédération, Département fédéral de justice et de police DFJP, Office fédéral de la police FEDPOL, Administration fédérale des douanes, Administration fédérale des contributions, 14 ministères publics cantonaux, 18 polices cantonales, de nombreux tribunaux cantonaux, Swissmedic, Département de justice et de police Genève, Ecole polytechnique Zurich, Université Zurich, Université Lausanne, mais encore Police fédérale allemande BKA, National Security Agency NSA, Federal Bureau of Investigation FBI, Direzione Investigativa Antimafia et tant d’autres.

Sous le titre « Problème pratique dans l’évaluation des données de téléphones portables de requérants d’asile » la firme illustre, par exemple, à quel domaine prometteur elle souhaite s’attaquer davantage dans un futur proche.

Elle espère l’adoption d’un projet de loi, actuellement en consultation au parlement allemand, selon lequel l’Office de la migration et des réfugiés serait autorisé d’exploiter les données des téléphones portables de requérants d’asile, dans le but de déterminer leur identité.

Une initiative parlementaire du conseiller national UDC Gregor Rutz, membre de la « Commission des institutions politiques du Conseil national », est également en cours au parlement suisse, remarque la firme, pour conclure que : « En tant qu’entreprise active dans le domaine de l’investigation numérique nous établissons déjà de nombreuses analyses de téléphones mobiles pour des institutions étatiques et privées et nous pouvons confirmer qu’avec notre expertise des informations relatives à l’identité d’une personne peuvent être détectées dans les mémoires de données des téléphones, ainsi que dans des mémoires « cloud » liées. »

Les « institution étatiques » ne semblent pas trop regardants quand il s’agit de contracter des experts externes comme le constate l’hebdomadaire « Sonntagszeitung » dans un article du 24 novembre 2014. ». Au sujet du mandat, octroyé à H.A. et sa société FCS par le Ministère public zurichois dans l’affaire « Mörgeli », dont le rapport reste confidentiel, elle remarque que « selon le « Code des obligations » suisse une société simple, la forme juridique à l’époque, doit impérativement indiquer le nom de son propriétaire et que le chiffre d’affaires généré par FCS, oblige celle-ci à l’inscription au Registre de commerce. »

Une porte-parole du Ministère public zurichois répondait aux questions des journalistes à l’époque que celui-ci vérifiait, lors de l’attribution d’un tel mandat, le caractère sérieux de la société et de son propriétaire et non sa forme juridique, car celle-ci serait sans importance pour l’exécution du mandat.

Le démantèlement du service public à coups de réductions budgétaires semble pousser des policiers mal rémunérés à se mettre à leur compte. L’engagement d’experts externes au détriment de fonctionnaires d’état n’est pas une pratique qui se résume à la Suisse, c’est une tradition européenne. Ainsi, la nouvelle présidente de la Commission européenne, l’ancienne ministre de la défense allemande, Ursula Von der Leyen, en a fait usage à outrance, jusqu’à rémunérer indirectement son propre fils David, expert à son tour de la firme d’audit McKinsey, bénéficiaire de généreux mandats de conseil de la part de l’armée allemande.

Il se peut bien que le drame zurichois s’avère être une tragédie familiale et rien d’autre, étrangère à toute activité professionnelle de son auteur. Toujours est-il, il reste à espérer que les médias feront leur travail.

 


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1 réactions à cet article    


  • baldis30 23 juillet 2019 10:02

    bonjour

    "Sont compris tous les délits de droit commun, mais encore, corruption, abus de pouvoir, abus de secret de fonction, concurrence déloyale, procuration illégale de données informatiques, intrusion illégale dans un système informatique, violation des droits d’auteur, infraction à la loi des cartels, violation du secret d’affaires, espionnage économique, soupçon de fondation d’une organisation terroriste, écoute et enregistrement de conversations, délits fiscaux, violation de devoir d’assistance et d’éducation…"

     Est-ce tout ?

    pas d’assassinat ?

    pas de suicide par noyade dans dis centimètres d’eau ?

    pas de suicide par deux balles tirées à bout portant par deux révolvers différents ?

    les suisses sont de petits joueurs ...

     pourtant comme vous l’écrivez

    "Le procédé du plagiat semble être une particularité des politiciens"

    eh bien il y a des manques dans votre énumérations ...  smiley

     

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