Justice est faite, mais quelle justice ?

La mort d'Oussama Ben Laden le 2 mai 2011 a eu un retentissement international, suscitant des scènes de liesse aux Etats-Unis, tel l'happy end d'un feuilleton télévisé qui aura tenu le monde en haleine pendant près d'une décennie. Un flot de réactions a suivi l'assassinat de l'ennemi public N°1, à l'image de l'Elysée qui a publié un communiqué rendant hommage aux victimes, pour qui Justice est faite. J'ose espérer que tout autant que moi, nombre d'entre vous ont manqué de s'étrangler à l'écoute de cette phrase. L'assassinat d'un homme, aussi méprisable soit-il, ne peut être que dissocié de la notion de justice. Rien ne justifie la mise à mort d'un individu qui ne relève en aucun cas de la justice. L'assassinat est par définition injuste. Il est profondement grave de se réjouir de la mise à mort d'un homme, de son fils et deux autres personnes.
Par ailleurs, la gravité des propos tenus par l'Elysée est exacerbée par notre spécificité française. J'entends par là que depuis février 2007, l'article 66-1 de la Constitution Français stipule que nul ne peut être condamné à mort, une consolidation de l'abolition voulue par Jacques Chirac. Or, derrière le voile des unités SEALs qui ont mené le raid, il s'agit bien de bourreaux qui ont opéré à Abbottabad. Un président de la république en exercice peut-il alors crier justice à l'annonce de l'assassinat d'un homme, bien qu'il s'agisse d'Oussama Ben Laden ?
Au-delà de cet aspect juridique et moral, je ne vois pas à quelle notion de justice l'Elysée se réfère tant la mort de Ben Laden m'interpelle plus qu'elle me réjouit. L'affaire de la photo truquée de la dépouille de Ben Laden est nauséabonde. Le refus de publier une phototographie du corps et l'immersion du cadavre en mer d'Oman accréditent l'hypothèse d'une manipulation. Et "manipulation" n'est pas sans faire échos aux attentats du 11 septembre. Or, avec la mort de Ben Laden, la version officielle perd toute chance d'être accréditée par celui qui serait le géniteur des attentats, et les thèses conspirationnistes continueront à fleurir. Pourquoi ne pas en effet avoir capturé vivant Ben Laden ? Le leader d'Al-Qaida mérite bien son procès, un procès qui aurait enfin permis de faire la lumière sur les attentats du 11 septembre.
Enfin, à l'annonce de la mort d'Oussama Ben Laden, des centaines d'américains sont venus spontanément célébrer la nouvelle à Ground Zero ou à Time Square. Cet élan patriotique morbide ne m'a nullement enthousiasmé, il m'a attéré. Il m'a rappelé les mouvements de liesse qui ont suivi le 11 septembre dans certains pays musulmans, où hommes, femmes et enfants célébraient avec joie l'attaque contre le World Trade Center. Le monde occidental avait alors été consterné par ces réactions moyenne-âgeuses relevant de la plus basse bestialité. Il ne serait pas injuste de qualifier de la même manière les rassemblements du 2 mai 2011...
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