Justice et pouvoir
Ce qui est plus insupportable que le despotisme des souverains, c’est la tyrannie des subalternes Victor Cherbuliez ( 1913 )
On pourrait se demander pourquoi surgit en ce moment une « affaire » créée de toutes pièces, à savoir l’ouverture par le parquet de Paris d’une enquête préliminaire (?) pour abus de confiance et recel ( pourquoi pas extorsion de fonds tant qu’on y est) au détriment de cinq responsables de la France Insoumise.
Rappelons les faits qui valent leur pesant de grotesque : lors des mémorables perquisitions diligentées par une escouade de sbires du pouvoir au domicile de Jean-Luc Mélenchon et au siège du parti de Gauche et de la France Insoumise, ledit Mélenchon et ses amis protestent un peu trop vivement aux yeux des investigateurs ou des réquisitionnaires si l'on se réfère à la masse de documents emportés.
Comme il serait normal dans une vulgaire république bananière, ils sont donc poursuivis devant les tribunaux puis condamnés pour avoir, par le verbe, agressé les oreilles délicates de fonctionnaires de police dont au moins l’un d’entre eux a été mis en invalidité pour cause d’abus de décibels émis par l’organe de Jean-Luc Mélenchon.
On savait que le président du groupe des Insoumis était un tribun d’exception surtout en ces temps de disette où on compterait sur les doigts d’une seule main les hommes politiques capables de capter l’attention de leur auditoire sans susciter des bâillements mais on ne lui soupçonnait tout de même pas une tonicité vocale capable d’endommager le canal auditif d’au moins une personne voire d’altérer gravement les fonctions cognitives de ladite personne à qui il aura fallu un passage par l’arrêt maladie pour se remettre et encore la presse ne nous révèle rien des cauchemars qui hantent ses nuits avec des Insoumis le couteau entre les dents.
Les Insoumis mis en cause ont été condamnés et, respectueux des décisions d’injustice, ils ont chacun de leur poche payé l’amende que leur a valu devant le tribunal une trop grande propension à exciper de leur bon droit.
La formation politique dont ils ont défendu d’une manière trop vive les intérêts à choisi, comme il est de coutume en pareils cas, de payer les dommages et intérêts demandés par les « malheureuses » victimes de cette tonitruante jacasserie.
Une dernière péripétie du feuilleton a été portée à la connaissance de la presse bien pensante aux ordres d’un système qu’elle a d’autant plus vocation à défendre qu’elle en est encore une pièce maîtresse certes en déclin mais jouissant encore d’une influence supposée sinon avérée.
Le dévoiement de la Justice ou plutôt de certains à l’intérieur de l’institution judiciaire explique que certains organes dont c’est la fonction première comme la Canard enchaîné bénéficient d’informations apportées par des vents favorables qui contreviennent au secret de l’instruction sans que visiblement certains s’en émeuvent encore.
Une information donnée par un organe friand de polémiques au demeurant souvent brillant et qui, par définition, est construit pour faire mouche a ainsi nourri la volonté des médias de construire des coupe-feu lorsque les intérêts de la bourgeoisie sont mis à mal.
Pourquoi ne pas faire oublier la gestion erratique de la pandémie de Covid 19 en sortant à point nommé une affaire qui n’en est pas une mais est cependant traitée comme le scandale du siècle ?
Coïncidence, me direz-vous, certes mais la multiplication de ce type de coïncidences explique sûrement la désaffection d’une majorité de citoyens qui considèrent leur droit de peser sur l’administration de la cité non plus comme un devoir mais comme une corvée que l’on n’est pas obligé d’acquitter.
Ceci explique du moins en partie cela et des maires élus triomphalement comme Édouard Philippe au Havre représentent en réalité un quart de la population en capacité de voter.
Dans un récent numéro de Marianne, Jean-François Kahn que l’abus de langage ne décourage certes pas ose se référer à Gramsci pour analyser la situation politique.
En fait, beaucoup de gens font de même sans avoir d’ailleurs aucune légitimité à le faire mais enfoncer des portes ouvertes, à savoir qu’un monde est en train de mourir ( mais son agonie peut encore être longue et réserver de dangereux soubresauts ) est à la portée du premier analyste venu et nul doute que ceux qui sont marqués à droite font le même diagnostic tout en cherchant les moyens de préserver leurs intérêts souvent mesquins si on les compare au pactole de ceux dont ils servent les desseins.
« Il faut que tout change pour que rien ne change » faisait dire Lampedusa à Tancredi, neveu de l’aristocratique don Fabrizio dans son roman « le Guépard ».
Nul doute que JFK penche plutôt du côté de ces personnes éclairées sachant sauvegarder leurs intérêts.
En creux que nous disent ces évènements ? Que dans l’offre politique actuelle, rien n’est appelé à surnager : l’absence de caractère de Olivier Faure, patron du PS est patente, les circonvolutions carriéristes de Marine Le Pen prêtent à rire et les Républicains sont des ânes tandis que la République en marche n’est rien d’autre qu’un troupeau de moutons bêlants à l’unisson de l’Élysée. Enfin Mélenchon, le chef des Insoumis, ( comment des Insoumis peuvent-ils avoir un chef ?) affiche de son côté trop de caractère et il est forcément dans la démesure, c’est du moins ce que tentent de nous faire croire des Médias pratiquement unanimes pour déchiqueter le personnage qui, il est vrai, ne les ménage pas non plus en dénonçant leurs dérives.
Mais s’il n’y a peut-être plus rien à sauver du personnel politique, néanmoins quelqu’un comme Mélenchon reste nécessairement à abattre ( on ne sait jamais ! ) qui a un caractère abrasif, qui ne se laisse pas faire, qui aboie à bon escient et trouve abjectes les perquisitions menées à son domicile et dans les locaux de sa formation politique dont on se demande encore aujourd’hui sur quoi elles vont déboucher et surtout quand la Justice jugera opportun de statuer sur les accusations de forfaiture ( je sais, j’exagère ) dénoncées par une maintenant ex-groupie de Marine Le Pen pour orienter à l’époque les soupçons sur d’autres qui se livreraient à la même tambouille comptable que son ex-parti d’intérêt.
Car le propos de tous ceux qui font feu de tout bois sur Mélenchon vise en fait à empêcher l’émergence d’une alternative telle que la représente « l’Avenir en commun » du candidat à la Présidentielle 2017, un projet qui n’a pas pris une ride et est plus actuel que jamais.
Le but est de favoriser, - tant que faire se peut et s’il fallait in fine se résoudre à sacrifier Macron devenu décidément trop impopulaire -l’apparition d’un quelconque homme providentiel qui aurait toutes les qualités et mais aucun des défauts de ses qualités, bref le merle blanc de la vie politique encore à inventer.
Bien évidemment le système qui a su si bien se protéger en inventant Macron peut très bien trouver une autre incarnation faisant la synthèse de la Droite et du Centre avec des relents nauséeux de social-démocratie comme a vocation d’en produire la Cinquième République.
Le combat pour la sixième république est donc à coup sûr une nécessité patriotique car si la Droite génère les nationalistes, historiquement la Gauche produit, elle, des patriotes.
En attendant Macron vient de porter un nouveau coup aux Républicains en choisissant le très sarkoziste Castex pour piloter la dernière ligne droite de son quinquennat : il faut reconnaître que c’est finement joué. Ce parfait inconnu du grand public mais apprécié dans le sérail n’offre guère le risque de prendre la lumière qui tarde tant à de nouveau éclairer le Président Macron.
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