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L’aide au développement française bénéficie du volontarisme présidentiel

L’Aide publique au développement (APD) française est en déclin. Ou plutôt, était en déclin, puisque la loi de finance 2018 a inversé la diminution sur dix ans qu’avait connu le budget français de l’APD. Alors que la France continuait à peser sur les questions de développement par la vigueur de ses ONG, et par la pertinence de sa recherche, et des prises de positions théoriques ou diplomatiques, l’outil se dégradait, décrédibilisant notre discours sur la solidarité avec les pays du Sud.

Le président Macron, à l’instar de son ancien homologue Barack Obama, a subordonné la conduite de la politique étrangère à la définition globale de son agenda politique. Ainsi, dans celui-ci, les questions de sécurité, migratoires, de relance du projet européen et de position de la France en Afrique se retrouvent liées. Si l’on s’en tient aux grands discours du président (conférence des ambassadeurs, Athènes, Ouagadougou, etc.), la cohérence est remarquable et l’orientation politique se tient. Mais comme souvent ces derniers temps, il reste à vérifier que la mise en pratique, déterminée par le bon vouloir de Bercy, suive les annonces. Pour mémoire, son voyage au Mali au lendemain de son élection n’avait pas empêché des coupes dans le budget en cours tant pour les armées que pour l’aide au développement.

L’Afrique s’impose au président Macron

Emmanuel Macron s’est rendu de nouveau en Afrique en tenant un discours fort et s’impliquant sur la réussite de l’action de la France dans une des zones les plus sensibles de la planète. Le président n’avait pas besoin de l’Afrique pour gagner en stature ou dérouler son agenda politique : l’Afrique s’est imposée à lui. Il hérite d’une présence militaire française dans un contexte très compliqué ; il doit affronter l’afflux de migrants clandestins, essentiellement africains, alors que la mécanique européenne fait défaut et que son opinion publique est majoritairement hostile à un assouplissement des conditions d’accueil ; il doit enfin prouver qu’il luttera efficacement contre le terrorisme, au moment où le centre de gravité du djihadisme international bascule du Moyen-Orient vers la région sahélo-saharienne.

Or, sur ce terrain, la France se retrouve quasiment seule. L’intervention de l’Onu est, comme souvent, un échec. Les Européens ont refusé d’assumer la partie militaire du soutien aux pays du Sahel. Les Etats-Unis restent très prudents. Et la situation au Mali se dégrade, sans parler d’autres régions africaines où la catastrophe humanitaire point depuis plusieurs mois (RDC, RCA).

Une agenda politique global

 La série des annonces présidentielles noue les différents niveaux de son agenda politique : c’est la relance de l’action européenne en matière de migration qui contribue à redonner du sens au projet européen, laisse espérer une sortie du tête-à-tête avec les Etats africains sur l’irritant sujet du contrôle aux frontières et de la réadmission dans les pays de départ, et donne quelque consistance à la politique extérieure de l’Union. Oh, en ce qui concerne cette dernière, n’espérons pas une action militaire conjointe - ce serait d’ailleurs contre-productif -, mais exigeons plutôt bien une prise en charge du fardeau financier des deux aspects de la sécurité du Sahel - civil et militaire, notamment dans le cadre de l’Alliance pour le Sahel, conclue en juillet dernier (France, Allemagne, UE, Banque mondiale, Onu…).

Le djihadisme prospère d’abord sur le sable du désespoir. Les pays du Sahel affrontent une situation critique, et sont souvent gérés par des Etats incapables de répondre aux demandes de la population. Or, tant les experts civils que militaires qui ont tiré les leçons des échecs en Afghanistan ou en Irak[1] montrent que la guerre ne se gagne pas au rythme des opérations héliportées, mais dans le cœur des populations, en rétablissant des conditions acceptables de vie et en esquissant une possible prospérité. C’est pourquoi l’APD doit aller de pair avec l’intervention militaire. Aucune solution durable ne peut être envisagée au Mali si son président continue de se désintéresser du sort de ses concitoyens et laisse prospérer la corruption généralisée : les troubles ne concernent plus seulement la zone touareg, ils gagnent désormais le centre du pays. Comment penser pouvoir substituer les soldats maliens aux militaires français, quand encore il y a deux mois, trente-six gendarmes de la Fargend, une unité d'élite inspirée du GIGN français créée en 2017, ont déserté après avoir reçu l'ordre de se déployer dans une zone à forte présence djihadiste » ou qu’ « un militaire a été arrêté après avoir diffusé sur les réseaux sociaux une vidéo critiquant la corruption de la hiérarchie militaire et l'état déplorable de l'équipement des forces armées maliennes »[2] ?

L’APD est essentielle pour que l’action globale de la France, en lien avec ses alliés, puisse reconstruire un Etat capable d’assurer les besoins de base et ainsi couper l’herbe sous le pied à la propagation djihadiste. Au-delà, un Etat qui fonctionne, qui investit et qui offre des opportunités aux jeunes est le meilleur moyen de lutter contre l’exode rural, et les migrations vers le Nord. Il faut investir dans l’agriculture (délaissée par l’APD), l’éducation (le président Macron a fait des annonces en février à Dakar sur ce point), dans la réforme des services publics…

Repenser l’APD française

Ces préconisations sont rappelées depuis plus de dix ans, et pourtant l’APD française n’est que minoritairement dirigée vers les pays les moins avancés. L’Agence française de développement, devenu le principal bailleur de l’APD française, a surtout financé des projets de pays émergents. Un seul État africain, le Mali, figurait jusqu’à hier dans les dix premiers bénéficiaires de l'APD, parmi lesquels on trouve surtout des pays comme la Turquie, le Brésil, l’Inde… qui sont désormais parmi nos principaux concurrents commerciaux. L’AFD, agissant comme la banque qu’elle est, doit respecter des ratios financiers, notamment prudentiels, et est sans doute moins déterminée par une culture qui lie APD et considérations politiques.

Le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement (CICID) du 8 février, a infléchi cette tendance et affirmé une plus grande concentration de l’aide sur les pays les moins avancés, notamment ceux du Sahel. Une liste de 19 pays prioritaires, presque tous d'Afrique subsaharienne, a été établie. La France reprend en main l’outil, en rééquilibrant le partage entre aide multilatérale et aide bilatérale, au profit de cette dernière. La part attribuée aux ONG (et non aux prestataires privés de l’AFD ou aux Etats récipiendaires) sera augmentée. Toutefois, l’AFD reste le bailleur prépondérant, face à un Ministère des Affaires étrangères qui a abandonné ce rôle en se recentrant sur l’aspect régalien et diplomatique de la politique étrangère… et perdant ainsi le principal levier pour conduire celle-ci.

Le président a également annoncé que le montant de l’APD française augmenterait, de manière substantielle… mais à partir de 2019. Le gain est très modeste en 2018 (+ 100 millions d’euros), toutefois l’APD devrait passer de 9.5 milliards aujourd’hui à 15 milliards en 2022, ce qui représentera 0,55 % de notre PIB – en deçà du Royaume-Uni et de l’Allemagne qui ont déjà atteint 0,7 % du PIB. La trajectoire doit donc s’esquisser sérieusement dès 2019, et il est regrettable qu’après un coup de rabot en 2017 par l’actuel président, 2018 n’ait pas vu une première accélération de la hausse des crédits, alors que la Minusma a déjà perdu 150 hommes et que 22 soldats français sont déjà tombés au champ d’honneur malien.

L’approche libérale, favorable à un certain désengagement de l’APD ou à la privatisation de ses modalités, n’a pas dit son dernier mot. Ainsi, l’abandon de l’élargissement de la taxe sur les transactions financières fait perdre une source importante de revenus pour l’aide. Le gouvernement a ainsi préféré éviter de donner un mauvais signal alors que Paris se positionne pour remplacer Londres comme principale place financière européenne. Le président serait-il incohérent ? Non pas, puisque c’est bien l’agenda politique global, dans lequel domine la reprise économique et la création d’emplois, qui détermine son action.

 

 

[1] Vincent Desportes, La Guerre Probable, Economica, 2009.. Serge Michailof, Notre Maison brûle au Sud – que peut faire l’aide au développement ?, Fayard, 2010.

[2] Le Monde, 27 janvier 2018.


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3 réactions à cet article    


  • microf 29 mars 2018 14:15

    « alors que Paris se positionne pour remplacer Londres comme principale place financière européenne ».
    Pour un pays qui n´arrive pas á bien gérer son économie quelle prétention de la part de la France, de vouloir devenir la principale place financière Européenne.


    • foufouille foufouille 29 mars 2018 17:01

      après 60 ans d’aides et de lapinisme, ils se démerdent. les ONG avec leurs cinq * en ont bien profité comme leurs ploutocrates.


      • Jean Roque Jean Roque 29 mars 2018 20:49

         
        l’aide au développement ne s’est jamais aussi bien portée :
         
        La traite négrière mondialiste du gland remplacement bat des records
         
         
        Les ONGs collabos en sont grassement remerciées par Soros. L’assurance financière de Rothschild, Divide Et Impera, est en place.

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