L’effondrement des connaissances, une stratégie du nouveau capitalisme
L’acquisition des connaissances a été un vecteur clef du développement du capitalisme traditionnel, industriel, technique.
L’enseignement, la recherche, l’approfondissement, l’ouverture à la culture, ont permis un développement technologique, technique, scientifique et artistique du plus haut niveau.
Le vingtième siècle avait détrôné le siècle précédent par la compréhension de phénomènes complexes, contre intuitifs, qui poussaient l’imagination au-delà des limites antérieures, pour déboucher dans les arts, la musique, le théâtre, le cinéma. Chaque domaine enrichissait l’autre et s’enrichissait au contact de l’autre.
D’un côté, une industrie de masse bénéficiait des dernières recherches, de l’autre la dynamique de la société poussait vers ces développements.
Ceci était le bon côté du miroir.
Mais un autre se faisait jour dans le même temps. La diffusion du savoir, au lieu de faire adhérer sans borne au système qui favorisait es professions intellectuelles, augmentait leur indépendance, leur esprit critique. La recherche en sciences sociales, les artistes de toutes sortes, les écrivains, développaient l’esprit critique, augmentaient la contestation. Cela se cristallisa en 1968, lorsque les étudiants et les ouvriers, avec de sévères divergences, confluèrent dans les luttes de mai.
Une réaction lente, mais profonde, s’établit, comme une mutation fondamentale, une crainte des classes laborieuses de la population, qui trop instruites, critiques, perspicaces, pouvaient se rebeller. Certes, le niveau général d’instruction progressant, celui des technologies en profitait, mais la menace était trop grande.
Recréer un décrochement entre l’élite, dont le système a besoin, et le reste de la population, dont le niveau d’instruction, d’éducation et de culture devait rester aussi faible que possible sans déstructurer complètement la société.
L’éducation fut la première victime, avec des réformes de simplification, de laisser la transmission des connaissances au bénéfice du bien être de l’enfant devenu roi, ne plus établir de critères objectifs, de notes, baisser le niveau d’exigences générales, pour à la fin tolérer le chaos dans les classes où plus aucun savoir n’est transmis.
En parallèle, le niveau général des médias s’est tourné vers le zéro absolu. Si l’ORTF avait des émissions scientifiques, culturelles, musicales, tout cela a été remplacé par des débats stupides où des gens idiots passent leur temps à s’invectiver, ou des ébats en direct sur des îles sauvages.
Les Arts ont été des victimes secondaires, car déjà en recul par des accès rendus complexe et l’absence d’initiation des néophytes. Ionesco pensait que l’accès au théâtre contemporain demandait un temps d’initiation aux formes nouvelles. Cela n’a quasiment jamais eu lieu. On initiait les couches populaires aux sciences, mais jamais aux arts. Bien entendu, s’il y a eu des tentatives comme celle de Vitez au théâtre, cela a complètement disparu. Dans le mode réel, les comités d’entreprise font du divertissement et ont abandonné leur côté propagateur de culture.
Avec le développement des techniques du turbocapitalisme, cela a pris un tour dramatique, où le cerveau des utilisateurs est branché sur l’immédiat, le futile, la monstration de soi, sans qu’il n’y ait derrière le moindre intérêt.
« Je me montre, donc je suis ! », serait le slogan branché de la stupidité contemporaine en acte.
Le résultat catastrophique en est la perte totale d’esprit critique. Chacun ne croit, non pas ce qu’il voit, mais ce qu’il croit ! Sans aucun discernement, ni réflexion, ni démarche logique, et peut affirmer n’importe quoi à n’importe qui sans nullement se démonter de quoi que ce soit.
Lorsque le sens de la logique, l’appréciation de la complexité d’un raisonnement, la nécessité d’une connaissance approfondie pour aborder un domaine, manque à une majorité de personnes, c’est le niveau général d’intelligence qui s’écroule. Cela ne rappelle-t-il rien ? Toutes les absurdités dites sur le Covid, du plus haut de la hiérarchie sociale, dont le macron ce soir encore, au plus profond des synapses des réseaux sociaux, démontrent bien qu’on en est là.
Mais ce n’est pas fini. En détruisant le patrimoine au nom du remplacement des vieilles demeures par des éco-quartiers anonymes, en interdisant l’accès aux centre-villes pour les pauvres, au nom de la propreté des centre-ville, on accroît encore les fossés culturels. Seuls la bourgeoisie peut désormais avoir accès à la beauté, au rêve, à l’imaginaire, à l’art, ceci étant réservé à ceux qui vont dans les centres historiques, artistiques et cultuels. Aux autres on offre la consommation pure et dure d’objets vides de sens, de perspective, d’évasion, au moment même où on leur interdit l’accès au centre.
Comme les Mexicains, le peuple pourrait répondre : « de ce côté aussi nous avons nos rêves »
On peut dire que la bourgeoisie se réserve l’évasion fiscale et artistique et laisse aux autres les débris.
En ce sens, tous les partis sont complices, de la droite à la gauche, en pasant par les écolos. Car tous les partis sont structurés en strates, les hauts dirigeants se voyant plus entre eux qu’avec des militants de base de leur propre parti. Ils se réservent l’accès au savoir et laisse celui à l’ignorance aux strates inférieures.
Mais à force de faire descendre le niveau général, c’est au fond la société entière qui est touchée, jusque dans ses strates supérieures qui n’ont plus la possibilité d’anticiper correctement les événements majeurs qui ont lieu et finissent par avoir des politiques erratiques qui n’ont plus aucun sens. L’effet boomerang les atteint alors dans leurs propres têtes devenues vides.
18 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON