L’extraordinaire diversité des gentilés de France
Au long des routes de France, l’on traverse de nombreuses localités aux profils et aux toponymes très divers. Très divers sont également les noms qui ont été donnés – parfois dès le moyen âge – aux habitants de ces villes et villages. Certains sont amusants, d’autres sont insolites. Il en est même qui, en apparence, n’ont rien à voir avec le nom du lieu, ou qui sont étonnamment complexes...
On nomme « gentilé » – à ne pas confondre avec « ethnonyme » – le nom donné aux habitants d’un lieu, qu’il s’agisse d’un village ou d’une ville, d’un terroir, d’une province, d’un département, d’une région, d’un pays, et même d’un continent. Le gentilé n’a pas de statut officiel. Mais il a une fonction sociale : il fait lien entre les habitants d’un lieu ou d’un territoire en leur conférant une identité commune.
Le plus souvent l’on rencontre dans nos contrées des suffixes – déclinés au féminin – en « ien », en « ais » ou en « ois », parfois en « in », en « on » ou en « ot », sans compter quelques formes plus rares. Mais ce n’est pas toujours cet usage simple qui a été retenu, loin s’en faut. Cela dit, force est de reconnaître qu’en règle générale, les gentilés sont des dérivés naturels du nom de lieu auquel il a été accolé un suffixe. C’est ainsi que les habitants de Paris sont des Parisiens, ceux de Marseille des Marseillais, ou ceux de Lille des Lillois, pour ne prendre que ces trois exemples.
Au 1er janvier 2025, l’on dénombrait 34 746 communes en France. Toutes, notamment les plus petites, ne possèdent pas un gentilé, mais beaucoup en sont dotées. Des gentilés qui montrent que, souvent, il a été fait appel à l’imagination pour dénommer les populations locales. Parmi tous les gentilés qui existent dans notre pays, il en est qui amusent ou qui étonnent, certains dont on se demande d’où ils viennent, et d’autres qui sont caractérisés par leur surprenante complexité. En voici un florilège :
Les gentilés amusants
On est assurément porté sur la galéjade dans le Doubs : dans ce seul département l’on peut en effet rencontrer les Brigands à Rochejean, les Chat-borgnes à Saint-Antoine, les Chat-gris à Métabief, et même les Coucous à Échay. Il est vrai que l’on n’est pas en reste dans le Jura voisin où vivent les Calins à Ney, les Couchetards à Longcochon, les Matous à Mesnois et les Ours dans le village des Nans, sans oublier les Ventres sans fond dans celui de Cuvier. À noter que l’on trouve des Bédouins à Port dans l’Ain, à ne pas confondre avec les Bédouins de Versoud dans l’Isère.
Les Fourchus de Fourches et les Lutins de Luc-sur-Mer défendent, quant à eux, les couleurs du Calvados. Ils rivalisent avec les Mal-peignés de Martigny-Courpierre et les Paillefoins de Parfondru, champions de la rigolade dans l’Aisne. Hélas ! les Joyeux de Joué-l’Abbé dans la Sarthe ne sont même pas jumelés avec les Lurons de Lure en Haute-Saône. Citons encore les Bonnychon de Bonny-sur-Loire dans le Loiret, les Oisillons d’Oisy dans le Nord, les Théméraires de La Chapelle-Thémer en Vendée et, pour les gourmands, les Frangypannes de Frangy en Haute- Savoie.
Dans l’Orne, les Putengeois de Putanges-Pont-Écrepin et, en Eure-et-Loir, les Montrongnons de Montingny-le-Gannelon ne sont pas mal non plus, de même que les Cul-brûlés d’Olley en Meurthe-et-Moselle (surnom local officialisé en septembre 2024) et les Autruchiens d’Autruche dans les Ardennes. N’oublions pas – ils risqueraient d’être vexés – les Moucherons de La Mouche dans la Manche, proches des Toutouvillais de Villechien. Proches également au plan géographique : les Briochins de Saint-Brieuc, les Gracieux de Grâces, et les Vieux-Bourgeois de Vieux-Bourg, tous résidents des Côtes-d’Armor.
On aurait pu ajouter les Bellecombais savoyards de Notre-Dame de Bellecombe si, lassés des commentaires grivois dont étaient sujettes leurs épouses et leurs filles, ils n’avaient délaissé le « ais » pour le « ien ». Dommage également que les Vandales de Vantoux en Moselle aient remplacé ce gentilé par celui de... Vantousiens. En revanche, pas de problème pour les Cacamerlots de Saint-Bonnet-le-Château dans la Loire, ils assument parfaitement. Tout comme les Hanchois de Hanches en Eure-et-Loir, les Fraisiers de Frais (Territoire de Belfort) et les Cannychons de Canny-sur-Matz dans l’Oise dont le nom rime avec celui des Beauberychons de Beaubéry en Saône-et-Loire.
Les gentilés insolites
C’est dans les Hauts-de-Seine qu’habitent les Clodoaldiens de Saint-Cloud et les Putéoliens de Puteaux. Du côté de la Saône-et-Loire, les Jouvenceaux de Saint-Gengoux-le-National et les Parodiens de Paray-le-Monial font également preuve d’originalité. Tout comme les Laetitiens de Liessies et les Sarrasins de Famars dans le Nord, ou les Menkenkois de Mencas dans le Pas-de-Calais. Sans oublier, non loin de là, les Ypsiloniens d’Y dans la Somme ni les Esquenouillards d’Esquennoy et les Merlouquins de Mello dans l’Oise. Rien à voir avec la simplicité des Forgerons de Forges dans l’Orne.
Sans surprise les habitants de Bibiche en Moselle se nomment les Bibichois. Quant aux Bajocasses de Bayeux dans le Calvados, et aux Patichons de Patay dans le Loiret, ils ont opté pour l’originalité. De même que les Marsiens de Saint-Mars-du-Désert en Loire-Atlantique, les Chichetons de Chichey dans la Marne, et les Catholards de Nantua dans l’Ain. Et que dire des Jocondiens de Joué-les-Tours en Indre-et-Loire ou des Guernouillats de Chézy-sur-Marne dans l’Aisne qui rivalisent de pittoresque avec les Cocagnards de Tréglamus et les Dulcinéens de Dolo dans les Côtes-d’Armor ?
En Haute-Savoie, l’on n’est pas en reste : on peut y rencontrer des Argonautes à Argonay et des Matondus à Saint-Sigismond tandis qu’à Ville-en-Sallaz l’on a opté pour la simplicité avec les Villageois. Tout près de là, en Savoie, l’on trouve des Inversaires à Saint-François-Longchamp et des Monchatons de La-Chapelle-du-Mont-du-Chat. Un peu plus au sud, dans les Hautes-Alpes, les habitants d’Aiguilles se piquent d’être nommés les Aiguillons, ce qui laisse de marbre les Colombiens de Villandry en Indre-et-Loire et les Aquisextains d’Aix-en-Provence dans les Bouches-du-Rhône.
À noter le curieux nom d’Heffiélés donné aux habitants de Xaffévillers dans les Vosges et celui de Sarcophagiens à ceux de Serqueux en Seine-Maritime. Du côté de la Haute-Loire, c’est aux Capitoliens de Saint-Julien-Chapteuil et aux San-Roumis de Saint-Romain-la-Chambre que l’on peut avoir affaire. Bien loin des Jocassiens de Joué-le-Moutier dans le Val-d’Oise, des Roscovites de Roscoff dans le Finistère ou des Pétrocoriens de Périgueux en Dordogne. Et plus encore des compatriotes d’outremer que sont les Bénédictins de Saint-Benoît à La Réunion ou les Franciscains du François à la Martinique.
Les gentilés sans rapport (apparent) avec le nom du lieu
Dans plusieurs cas évoqués plus haut, il n’y a pas de corrélation apparente entre le nom des habitants et celui de la localité qu’ils habitent. Bien que minoritaire, ce fait est observable dans de nombreuses autres communes. C’est ainsi que dans la Loire, les Appelous vivent à Firminy et les Couramiauds à Saint-Chamond. Quant aux Ponots, ils habitent Le-Puy-en-Velay dans la Haute-Loire voisine, non loin des Pipéraçois de Pébrac. Un peu plus au sud, l’on trouve des Barrabands à Saint-Chély-d’Apcher en Lozère et des Cigalois à Saint-Hippolyte-du-Fort dans le Gard. Bien loin des Drehus de Lifou en Nouvelle-Calédonie.
Les Nagassols résident, quant à eux, à Aguessac dans l’Aveyron, les Miaulétous à Saint-Léonard-de-Noblat en Haute-Vienne, et les Pelauds à Eymoutiers en Haute-Vienne. Dans le Rhône. Citons encore les Iconiens d’Oing et les Caladois de Villefranche-sur-Saône. Non loin de là, l’on peut rendre visite aux Mainous de Plancher-les-Mines en Haute-Saône et aux Yaudes d’Amanzé en Saône-et-Loire. Ou bien encore aux Boroillots de Valentigney dans le Doubs, aux Scarponais de Dieulouard en Meurthe-et-Moselle et, dans l’Aisne, aux Blaises de Saint-Bandry et aux Caouzats de Chézy-en- Orxois.
On peut également citer les Crépicordiens de Crèvecœur-le-Grand dans l’Oise, les Ovillois de Houilles dans les Hauts-de-Seine, les Gazoux de Salon dans l’Aube, et les Pictiens de Poil dans la Nièvre. Ou bien encore, dans la Manche, les Sourdins de Villedieu-les-Poêles et les Saint-Pierrots du Hommet-d’Arthenay. Et, dans le Pas-de-Calais, les Merkenésiens de Saint-Tricat et les Strumensiens d’Étrun. Autres gentilés mystérieux : les Faranchins de Villar-d’Arêne dans les Hautes-Alpes, les Tagarins d’Étables-sur-Mer dans les Côtes d’Armor ou les Guinguettois de Bourg-Madame dans les Pyrénées-Orientales.
En réalité, ces gentilés, aussi éloignés soient-ils en apparence du toponyme de la localité dont ils nomment les habitants, ne sont pas nés des élucubrations de maires ou de conseillers municipaux désireux de se démarquer des pratiques les plus courantes. Tous ces gentilés, à de rares exceptions près, trouvent en effet leur origine dans l’histoire locale. Ici dans l’ancien nom gallo-romain du lieu ; là en référence à un fait héroïque survenu sur son territoire ; ailleurs dans une légende du cru ; ou bien encore par appropriation du surnom des habitants, souvent donné en rapport avec une activité industrielle.
Les gentilés complexes, voire « capillotractés »
Parmi les plus connus, notons les Castelthéodoriciens de Château-Thierry dans l’Aisne, les Carolomacériens de Charleville-Mézières dans les Ardennes, et les Réginaborgiens de Bourg-la-Reine dans les Hauts-de-Seine. La palme du genre revient à l’Aisne où l’on rencontre des Chiviacussiens à Chivy-les-Étouvelles, des Crucifonsommois à Croix-Fonsomme, des Fucoldcurtissiens à Faucoucourt et des Lupimoncelliens à Montceau-lès-Leups. Citons, dans l’Oise voisine, les Croisés-Saintodoniens de La Croix-Saint-Ouen, les Morlacuméens de Lamorlaye, et les Pétrocapelloviciens de Lachapelle-Saint-Pierre.
Également bien placé dans ce palmarès, le Pas-de-Calais nous offre à visiter les Léodégardiens de Sus-Saint-Léger, les Monchiniverlais de Muncq-Nieurlet ou les Vétumonastériens de Vieil-Moutier. Et l’on trouve dans le département voisin du Nord des Cottihilariens à Saint-Hilaire-Cottes et des Scaldobrigiens à Escaudœuvre. En Haute-Loire, l’on n’est pas mal non plus avec les Campopérociliens de Saint-Pierre-du-Champ et leurs proches voisins, les Julipinois de Saint-Julien-du-Pinet. Autres gentilés intéressants : les Dagovéraniens de Ville-d’Avray (Hauts-de-Seine) et les Strépiniacois d’Étréchy (Essonne).
Soyons objectifs, les Scorvipontains de Pont-Scorff dans le Morbihan, les Thoréfoléens de Thorigné-Fouillard en Ille-et-Vilaine, les Buzilliacéens de Bouzillé dans le Maine-et-Loire, et les Castrogontériens de Château-Gontier dans la Mayenne n’ont pas grand-chose à envier aux précédents. Pas plus que les Corpopétrussiens de Saint-Pierre-des-Corps en Indre-et-Loire, les Asculfussiens d’Ascoux dans le Loiret, ou les Septimontains de Samoëns en Haute-Savoie. Sans oublier, cerise sur le gâteau, les Mandolociens-Napoulencs de Mandelieu-La-Napoule dans les Alpes-Maritimes.
Pour terminer ce tour de France des gentilés communaux, une mention particulière aux habitants de La-Ville-du-Bois dans l’Essonne pour le joli nom qu’ils se sont donné : les Urbisylvains. Et qui sait ? peut-être qu’un prochain volet sera consacré aux gentilés des départements, des provinces et des régions, ne serait-ce que pour évoquer celui de la Seine-Saint-Denis où vivent les Séquano-Dyonisiens.
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