La boucle infernale qui enserre les damnés de la terre
Avec leurs 75 euros mensuels supplémentaires, les mineurs de Marikana sont donc repartis au boulot, c'est-à-dire qu'ils ont réintégré cette boucle infernale, tout spécialement instituée pour l'exploité, que nous décrit Karl Marx :
« L'argent qu'il reçoit, le travailleur le dépense pour conserver sa force de travail, donc - si nous considérons dans leur ensemble la classe capitaliste et la classe ouvrière - pour conserver au capitaliste l'instrument qui seul lui permet de rester capitaliste. » (Idem, page 743.)
Comme on le voit, la part de "gâteau" de l'ouvrier n'est pas qu'une "gâterie"... Mais oui, c'est la chaîne de survie qui le rive au clou de la société d'exploitation !
Fort heureusement, c'est aussi ce qui fait de l'accapareur de plus-value en dernier ressort : la finance internationale, une très jolie poule aux œufs d'or devant qui viendront s'incliner les "zélites" de la démocratie méritocratique... "zélites" productrices de bons et loyaux services à destination du processus de domination savamment orchestré par la grande bourgeoisie internationale et ses relais nationaux.
Approfondissant la thématique de la double fonction (valeur d'usage, d'une part, et valeur d'échange, de l'autre) exercée par les damnés de la terre, Karl Marx écrit :
« La vente et l'achat continuels de la force de travail perpétuent donc, d'une part, la force de travail comme élément du capital, qui apparaît ainsi comme créateur de marchandises, d'articles d'usage ayant une valeur ; en outre, la partie du capital qui achète la force de travail est constamment renouvelée par son propre produit, le travailleur créant lui-même continuellement le fonds de capital qui sert à le payer. D'autre part, la vente perpétuelle de la force de travail devient la source de rénovation permanente de la vie du travailleur ; la force de travail apparaît ainsi comme la faculté de se procurer le revenu dont il vit. » (Idem, page 743.)
Mais ce "revenu" n'en est pas un. Ce n'est pas la mise en œuvre de la force de travail qui en détermine le montant. Le salaire ouvrier ne "revient" pas de l'effort physique, intellectuel et moral produit dans le système de travail. Il s'établit sur ce qui est perçu comme "nécessaire" par les deux parties en présence après que la force des armes ait éventuellement fait entendre raison à la main-d'oeuvre réticente.
Ce qui revient à l'ouvrier, ce n'est pas la rémunération de son travail, c'est ce qui lui permettra de se trouver rivé au plus juste à ce qui fait sa condition d'exploité, en face de ceux qui ramasseront, dès la vente de la marchandise produite, ce qui en regorge : la part de plus-value.
Ainsi, que le revenu national puisse paraître contenir en son sein le "revenu" des producteurs de cette plus-value, c'est un enjeu idéologique qui vaut son pesant d'or. C'est d'ailleurs en passant par ici, et en repassant par là, que les promoteurs patentés de l'idéologie dominante se font des "mérites" à n'en plus finir..., et qui valent très cher sur le marché du partage de la plus-value en quoi consiste le vrai gâteau de l'économie capitaliste.
Porteur, grâce à sa mise en service par le capital, de la capacité de produire de la plus-value, le prolétaire n'est plus rien sitôt qu'il ne trouve plus où s'employer. Inversement, un capital complètement séparé de la force de travail (et donc non transférable à qui que ce soit pour être mis en œuvre) ne serait plus apte à produire le moindre profit. Ainsi ne serait-il plus un capital.
C'est donc la liaison travail-capital qu'il faut toujours avoir en tête... En système capitaliste, l'un ne peut jamais être séparé de l'autre, sous peine de mort économique.
Mais sitôt que la liaison se réalise de façon satisfaisante eu égard à différentes conditions qu'il n'y a pas lieu d'analyser ici, il y aura un gâteau économique à se partager par-delà la stricte rémunération de la survie physique, psychique et intellectuelle des exploités de rangs différents que comporte la société capitaliste...
Or, comme nous l'avons vu précédemment, le salaire de l'exploité n'est pas un revenu (il est amputé de la plus-value). De même, pour celles et ceux qui participent au partage du gâteau (la plus-value), et qui doivent pour cela, chacune et chacun à partir de sa corporation, exhiber leurs mérites divers auprès des puissants de ce monde qui gèrent cela dans le sens des intérêts dont ils sont les seuls juges, il n'y a pas de re-venus. Ce qu'ils ou elles recevront ne sera pas en corrélation directe avec un travail dûment mesuré selon la valeur économique qu'il aura produite. Cependant, une fois déterminé le niveau exigible pour obtenir la paix sociale auprès des divers exploités, le gâteau lui-même atteindra une dimension totale indépassable : les parts ne pourront s'étendre au-delà de ce bien ultime qu'il constitue.
À moins que, parmi les participants à la répartition de la plus-value ou de ceux qui voudraient mériter de s'y trouver, certains n'aient de nouvelles méthodes à offrir pour accentuer dans l'avenir... l'exploitation elle-même... compétitivité, formation professionnelle, nouvelle fiscalité, etc... Ils seront les bienvenus, et devraient pouvoir obtenir quelque avance. Mais peut-être Thomas Piketty saura-t-il nous en dire davantage sur telle ou telle partie de l'ingénierie en question...
En tout cas, en système capitaliste, une chose est sûre, et c'est Karl Marx qui la réaffirme ici :
« La substance de la valeur est et demeure uniquement la force de travail dépensée - du travail tout court, indépendamment de son caractère utile particulier - et la production de la valeur n'est que le processus de cette dépense. » (Idem, page 747.)
En conséquence, le gâteau que les uns se partagent à grands coups de méritocratie démocratique, ne peut être que le résultat de la mise en œuvre, au prix minimum, de la force de travail des autres.
Michel J. Cuny
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