La chaîne des Puys et la faille de Limagne au Patrimoine mondial de l’Unesco
La décision était attendue par toute une région, mais également par tous les amoureux des volcans d’Auvergne : le 2 juillet, les 21 états qui composent le comité ad hoc de l’Unesco ont décidé d’inscrire, au titre de « Haut lieu tectonique », l’ensemble « Chaîne des Puys – Faille de Limagne » au Patrimoine mondial...
En accordant ce prestigieux label au site auvergnat, les membres du jury reconnaissent à cet ensemble géologique exceptionnel un intérêt planétaire. L’ensemble « Chaîne des Puys – Faille de Limagne » rejoint en effet, au plan de la tectonique, des sites comme le Grand Canyon (États-Unis, Arizona), le delta de l’Okavongo (Botswana), le Kilimandjaro (Tanzanie) ou bien encore la Grande Barrière de corail (Australie). Aussi étonnant que cela puisse paraître en regard de notre patrimoine, il s’agit là du premier site naturel français continental inscrit, les trois précédents sites naturels français classés l’ayant été en 1983 en Corse*, en 2008 en Nouvelle-Calédonie* et en 2010 à La Réunion*.
En l’occurrence, ce sont la rupture continentale de la croûte terrestre en ce lieu du nord de l’Auvergne et l’activité volcanique qu’elle a entraînée ultérieurement qui ont justifié ce classement aux yeux des membres du jury international de l’Unesco. Et, contrairement à ce que croit la majorité des personnes qui ont été informées de ce classement par les médias, ce ne sont pas – aussi spectaculaires soient-ils – les 80 volcans de la Chaîne des Puys groupés dans un alignement nord-sud de part et d’autre du Puy-de-Dôme qui ont été l’élément déterminant de ce classement, mais la faille de Limagne qui s’étend sur environ 30 km en bordure de cet alignement remarquable de volcans.
Pour comprendre de quoi l’on parle, il convient de remonter le temps géologique plusieurs dizaines de millions d’années en arrière. Lors de leur dérive, la plaque continentale eurasiatique et la plaque continentale africaine sont entrées en collision, et la partie européenne s’est progressivement enfoncée sous la plaque africaine, ou plus exactement sous sa microplaque associée adriatique. Les convulsions tectoniques induites par ce phénomène de subduction ont donné naissance à la chaîne des Alpes. Elles ont également étiré la partie européenne de la plaque eurasiatique en amincissant la croûte terrestre et en occasionnant l’apparition de failles et la naissance de plusieurs sections du grand rift ouest-européen, autrement dit des effondrements plus ou moins importants qualifiés de grabens par les géologues, le plus connu étant le Fossé rhénan.
Dans le cas de la Limagne, c’est il y a 35 millions d’années environ que la faille, induite par une rupture liée à la faiblesse de la croûte terrestre, est survenue en dissociant le rift du plateau primaire cristallin (le horst), l’un s’effondrant tandis que l’autre prenait de la hauteur. Dès lors, l’histoire de ces deux entités parallèles a été différenciée en surface. À l’est, la dépression – près de 3 000 m de profondeur à l’aplomb de Riom – s’est, du fait de la proximité de la mer, emplie d’eau et a, peu à peu, formé une plaine sédimentaire détritique puis alluviale dont le témoin est l’actuelle Limagne où sont implantées les villes de Clermont-Ferrand et Riom. À l’ouest, s’est développé le volcanisme qui a donné naissance au spectaculaire ensemble qu’est la Chaîne des Puys.
Sous le regard des hommes du néolithique
La diminution de l’écorce terrestre a mécaniquement favorisé cette émergence de l’activité volcanique en rapprochant le magma de la surface. Mais, paradoxalement, ce n’est pas au travers des sédiments de la Limagne que les laves en fusion ont trouvé leur exutoire, mais en s’ouvrant des cheminées dans les fissures des roches hercyniennes du plateau, pourtant situé de 500 à 700 m plus haut en altitude. Et ce n’est qu’il y a environ 3 millions d’années que sont véritablement apparues les premières manifestations du volcanisme dans la contrée, approximativement en même temps qu’apparaissait plus au sud le stratovolcan des Monts Dore, lui-même frère cadet de l’immense stratovolcan du Cantal, né 10 millions d’années plus tôt et qui a constitué le plus grand appareil du genre en Europe.
Ces géants n’ont évidemment rien à voir avec les volcans qui forment la Chaîne des Puys telle que nous pouvons l’observer actuellement. De dimensions considérablement plus réduites, ces volcans-là – majoritairement de type strombolien, plus rarement de type péléen à l’image du Puy de Dôme – sont effectivement beaucoup plus jeunes et affichent tous, si l’on en croit le dossier de candidature qui a été remis à l’Unesco, un âge compris entre 95 000 ans pour les plus anciens et 8 400 ans pour les plus récents**.
Une étonnante jeunesse qui contribue à rendre cet ensemble d’autant plus fascinant que certains de ces volcans, et notamment le cratère parfait du puy de Pariou ou les cratères égueulés emblématiques des puys jumeaux de La Vache et Lassolas, sont propices à enflammer l’imagination, voire à suggérer la renaissance prochaine d’une activité volcanique. Une possibilité validée très sérieusement par les scientifiques, eu égard à la faible profondeur du magma et à la proximité des dernières éruptions. N’oublions pas à cet égard que les volcans de la Chaîne des Puys ne se sont assoupis qu’à l’aube du néolithique. Autrement dit, hier à l’échelle du temps géologique. Et nul ne sait si leur sommeil est profond...
Gageons que l’inscription du site au Patrimoine mondial encouragera de nouveaux visiteurs à découvrir in situ cette extraordinaire concentration de volcans dont l’intérêt esthétique se double d’un intérêt pédagogique et didactique dont la notoriété dépassait déjà très largement les frontières françaises avant ce classement. Le grand Haroun Tazieff lui-même a reconnu un jour qu’il aurait gagné des années dans sa carrière s’il avait pris le temps d’étudier les volcans de la Chaîne des Puys avant de parcourir les continents pour percer les secrets de la volcanologie. Difficile de rendre plus bel hommage à ces 80 témoins silencieux rangés le long de la faille de Limagne !
* En 1983, c’est l’ensemble corse formé par le golfe de Porto, les calanches de Piana, la presqu’île de Girolata et la réserve de Scandola qui ont été classées au patrimoine mondial. Même chose en 2008 pour les lagons de Nouvelle-Calédonie, classés pour leur « diversité récifale » et la richesse des « écosystèmes associés ». Enfin, en 2010, ce sont les pitons, cirques et remparts de La Réunion qui ont été inscrits par l’Unesco. À noter que l’ensemble transfrontalier Pyrénées-Mont Perdu, classé en 1997, l’a été à titre mixte (naturel et culturel) pour l’adaptation du territoire à l’agro-pastoralisme.
** Voire moins : des analyses au carbone 14 ont donné 7 850 ans BP (before present) au puy de Barme (partie sud-ouest de la chaine). À noter qu’à quelques dizaines de kilomètres de là, l’analyse des maars du Pavin, de Montcineyre et d’Estivadoux date leur création à environ 6 500 ans BP, une époque où les hommes avaient déjà inventé la poterie et l’élevage !
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