La contre-offensive ukrainienne met Poutine en difficulté

@cassios
Vous avez raison sur le fond mais il faut faire une différence entre l’OTAN et les pays de l’OTAN de même qu’il fallait faire une différence entre les pays du pacte de Varsovie et le bloc dirigé par la Russie. C’est la Russie qui a envoyé ses chars en Allemagne de l’Est en 1953, en Hongrie en 56, en Tchécoslovaquie en 68. Tous les pays du pacte de Varsovie n’étaient pas impliqués dans ces opérations très spéciales. En mettant en avant l’étiquette de l’OTAN vous semblez dire que tous les pays de l’OTAN interviennent de la même façon et avec la même responsabilité ce qui est faux.

Aujourd’hui les pays membres de l’OTAN appliquent des décisions conforme à la politique de l’OTAN à propos de la guerre en Ukraine. Mais la position de l’OTAN reste floue. Si des décisions sont prises par l’OTAN, elles sont très vagues. Il est de la responsabilité de chaque pays d’envoyer ou non du matériel et de choisir quelle quantité il envoie. L’OTAN n’a donné aucune directive à ce sujet.

Je ne crois pas que les pays envoient des mercenaires. Les mercenaires prennent des décisions individuelles. Ils ne sont pas envoyés par des Etats. Par contre les Etats qui envoient du matériel assurent la formation des militaires ukrainiens sur l’utilisation du matériel. A ma connaissance, ils le font soit dans leur propre pays soit en Pologne. Officiellement, ils n’envoient pas de formateurs en Ukraine. Il est par ailleurs quasiment certain que l’armée ukrainienne bénéficie de renseignements fournis par les services américains particulièrement pointus dans la surveillance par satellite. Nous ne savons pas comment cela se fait. Il est fort probable aussi que des groupes de résistants ukrainiens ou d’agents au service de l’Ukraine interviennent en Crimée, en Belarus, en Russie. Le font-ils toujours de manière centralisée par un service officiel ukrainien ou de manière décentralisée voire même de manière complètement indépendante ? Il y a probablement différents cas de figure.

@Martin
Bonjour,
Concernant l’OTAN, il ne faut pas perdre de vue que ce sont essentiellement les USA qui sont derrière. L’OTAN qu’ils ont créé est une organisation qui leur permet de faire accepter le plus possible leurs objectifs militaires aux autres pays qui adhèrent à l’organisation. Tu as raison de souligner que leur degré d’acceptation n’est pas le même. Notamment, la Turquie est entre deux chaises... position très inconfortable.
Il est intéressant aussi d’observer quelle proportion du PNB chaque pays de l’OTAN consacre à l’aide apportée à l’Ukraine. C’est la bonne méthode pour voir leur degré d’implication. A l’évidence, ce sont les pays Baltes qui font le plus gros effort.
Suite aux derniers développements de la guerre avec les bombardements massifs de Poutine effectués avec des missiles et drones à longue portée nous voyons bien le rôle des USA et de l’OTAN.
Ils ont refusé d’équiper l’Ukraine avec des armes à longue portée. Nous voyons subitement toutes les conséquences. L’Ukraine se fait bombarder sans pouvoir réagir. Remarquons aussi les trésors de génie militaire que les ukrainiens ont mis en œuvre pour pouvoir s’attaquer au fameux pont de Poutine alors qu’il serait détruit depuis longtemps s’ils avaient ces armes à longue portée.
Nous avons là une belle réponse à ceux qui disent que c’est une guerre entre les USA et la Russie. C’est absolument faux ! Si c’était le cas, il y a longtemps que les USA aurait répliqué avec des armes à longue portée.
Plutôt que de donner des armes à longue portée à l’Ukraine, les USA envisagent seulement de les équiper en armes défensives contre les missiles à longue portée. C’est d’ailleurs plus complexe et plus couteux.
Tout cela confirme ce que je ne cesse de répéter à propos des politiques des USA et de la Russie. Ce sont avant-tout des amis. Le fait qu’ils soient en concurrence n’en fait pas des ennemis. Les USA veulent que cette guerre dure pour affaiblir leur concurrent. Ils ne veulent pas que les ukrainiens gagne la guerre.

@Martin

« Par contre, je ne pense pas que les USA et la Russie sont des « amis ». Je ne le crois pas du tout. Ils sont adversaires. »

C’est effectivement un point fondamental sur lequel il faut éclaircir. Je ne parle pas du tout des différences culturelles. Je ne prends donc pas en compte la dernière partie de ton commentaire à savoir :

"Cela me fait penser qu’on on ne pourrait même pas dire que la Pologne soit ami avec les USA. Ils s’accordent sur le conflit ukrainien, oui, mais la Pologne a peut-être plus de lien dans les valeurs avec la Russie qu’avec les USA de Biden, par exemple s’agissant du wokisme. Nombreux pays « slaves », et la Hongrie, sont encore très éloignés des valeurs « occidentales », une bonne partie de leurs populations ne voit pas d’un bon œil le cosmopolitisme, le wokisme, le mariage pour tous, et peut-être même l’avortement."

Je te crois volontiers mais ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Des pays culturellement très différents peuvent s’unir. Si on parle par exemple d’une unité africaine, il faut passer outre le fait que le Sahara constitue quasiment une coupure de l’Afrique en deux sous-continents culturellement très différents.

La Russie et les USA sont deux grandes puissances capitalistes qui sont toutes les deux impérialistes et qui sont de ce point de vue en concurrence. Si tu es d’accord là-dessus je passe à la suite sinon il faut en discuter. C’est évident pour les USA certains le conteste pour la Russie. Or, actuellement la Russie est même une puissance qui s’impose en Afrique au détriment des anciens colonisateurs comme la France.

Je souligne ici qu’ils ont principalement des ressemblances (grandes puissances capitalistes et impérialistes) avant de constater qu’ils sont en concurrence.

Quelles premières conclusions faut-il tirer à partir de leurs ressemblances ? Si on considère comme moi que le moteur de l’histoire est la lutte de classes alors les dirigeants de ces deux super-puissances sont dans le même camp : celui des exploiteurs et même, je dirai, des super-exploiteurs puisque leur volonté impérialiste ne limite pas leur volonté d’exploiter les travailleurs à leur propre pays mais ils veulent aussi être les champions de l’exploitation dans d’autres pays.

Tout cela peut te paraître abstrait comme étant l’aboutissement d’un mode de pensée minoritaire : le marxisme. Je pense au contraire que c’est très concret si on veut comprendre ce qui se passe.

Prenons deux conflits qui ont précédé la guerre en Ukraine : La Syrie et le Kazakhstan.

J’essaierai de développer ces deux exemples plus tard car je manque de temps. Je t’invite pour l’instant à y réfléchir et à voir si dans ces deux conflits il n’y avait pas plus de ressemblances que de différences dans les politiques de la Russie et des USA.

@Jean Dugenêt
J’en étais à essayer d’analyser ce qui s’est passé en Syrie et au Kazakhstan pour montrer qu’il y a plus de ressemblances et d’accords entre les politiques américaines et russes que de désaccord.

Je sais très bien que cela va à l’encontre d’une idée reçue où nombreux sont ceux qui sont restés dans le raisonnement classique de la guerre froide. C’est pourtant la seule façon d’expliquer ce qui se passe actuellement. Tous ceux qui essaient d’analyser la guerre en Ukraine comme un champ de bataille où s’affrontent en fait les USA et la Russie ne peuvent rien comprendre.

Il est tellement plus simple d’avoir des bons d’un côté et des méchants de l’autre. Pour la plupart (grosso-modo les 3/4) des intervenants sur AgoraVox, les bons sont les russes et pour les autres (comme Mozart) les bons sont les américains. Pour les marxistes, les bons sont les exploités et les méchants sont les exploiteurs. Alors c’est plus compliqué car ce clivage ne correspond pas aux deux camps qui sont de part et d’autre de la ligne de front. Pourtant, actuellement, la position que défend l’AGIMO au sein de l’UIT-QI correspond à cette orientation. Nous demandons que la poignée de révolutionnaires ukrainiens adresse un appel aux travailleurs russes contre la guerre, contre Poutine. Nous n’avons pas réussi à nous implanter dans la très répressive Russie de Poutine. C’est ainsi qu’il faut agir.

Raisonnons par l’absurde. Si c’était vrai... Oui ! C’est ainsi qu’il faut poser cette question. Si c’était vrai, au moment où Poutine se fait ridiculiser par la minuscule armée ukrainienne et est en difficulté pour engager davantage de troupes russes car ses soldats saturent, que fait-il ? il ne trouve comme moyen que d’utiliser des armes à longue portée (missiles et drones). Or, les USA ont refusé, et continuent à refuser, d’équiper les ukrainiens avec des armes à longue portée. Les ukrainiens sont contraints de subir ces bombardements destructeurs sans possibilité de réagir. Assurément, si c’était vrai que c’est une guerre entre USA et Russie alors il y a longtemps que les USA auraient répliqué de manière au moins proportionnée à ces attaques.

Les USA, plutôt que de donner les moyens aux ukrainiens de se défendre, ce qui risquerait de leur permettre de gagner la guerre, préfèrent les équiper d’un système purement défensif contre ces armes à longue portée bien que cela soit techniquement plus compliqué et plus couteux que de leur donner les moyens de répliquer immédiatement.

Si c’était vrai... Oui si c’était réellement un conflit entre les USA et la Russie alors les ukrainiens auraient déjà gagné cette guerre depuis longtemps avec le courage et la détermination dont ils font preuve. Couper le pont qui permet aux russes d’alimenter et d’armer leurs armées en passant par la Crimée serait un jeu d’enfant si les ukrainiens avaient ces armes à longue portée. Les USA ne veulent pas leur donner les moyens de couper ce pont.

J’en viens enfin à ce qui s’est passé au Kazakhstan au tout début de l’année. Voir mon article.

Pour justifier son intervention, Poutine avait déclaré que le Kazakhstan était « visé par le terrorisme international ».

Il n’avait pas la possibilité de dire autre chose dans le cadre de la diplomatie internationale actuelle guidée par les règles de l’ONU (organisation réactionnaire). Pour que les armées de Poutine interviennent conformément au « droit international », c’est-à-dire aux « intérêts globaux du capitalisme », il faut deux conditions :

— Que les dirigeants (les dictateurs) du pays fassent appel à lui.
— Que ces dirigeants (dictateurs) affirment être victime d’une agression extérieure.
Les déclarations de Poutine lui permettaient d’affirmer que ces deux conditions étaient remplies.

C’est pourquoi pouvait-on lire dans la presse :

@Jean Dugenêt
Je m’aperçois que j’avais aussi prévu de parler de la Syrie. Je vais être bref. Poutine et les USA se sont partagés le travail. Il fallait mettre un terme à la révolution syrienne, dernier maillon du printemps arabe. Poutine a bombardé Alep et la Goutha (banlieue de Damas). Les américains ont bombardé Raqqa. Ils ont utilisé les mêmes arguments et la même stratégie. Ils ont commence par alimenter le « terrorisme islamique » puis, au nom de la lutte contre ce terrorisme ils ont massacré la population. Entre 300 000 et 500 000 morts en dix ans selon les sources.

Poutine et Biden se fichent complètement qu’il y ait autant de morts en Ukraine. C’est le dernier de leur soucis. L’un comme l’autre méprise autant la chair à canon du coté russe comme du côté ukrainien.

Quand tu joues aux échecs ou au Monopoly, tu te bats contre un adversaire mais vous êtes tous les deux d’accord sur les règles du jeu. Vous n’êtes pas ennemis. Deux boulangers dans un village sont en concurrence. Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a pas d’ennemis. Des règles doivent être respectées que ce soit dans la concurrence ou dans un jeu. Biden et Poutine négocient d’une façon ou d’une autre les règles du jeu. Pour eux la guerre en Ukraine est un jeu. Ils sont en concurrence. L’intérêt des américains c’est d’affaiblir la Russie (pour être gagnant au jeu de la concurrence) et de faire en sorte qu’il y ait toujours des guerres dans cette Europe qui va de l’Atlantique à l’Oural car c’est le continent qui pourrait, s’il était uni, prendre la première place des puissances mondiale.

Ils sont surtout bien d’accord pour mâter toute tentative de révolution qui amènerait les travailleurs à prendre le pouvoir, à exproprier les capitalistes. Alors ! Sont-ils amis ou ennemis ? Ont-ils plus de points communs ou de différences ?