La France a abandonné ses agents en Afghanistan
Depuis 2014, Paris mène l'opération Shamshad sur le territoire afghan, recueillant des renseignements pour protéger les intérêts français en Afghanistan. Après le changement de pouvoir en 2021 en Afghanistan, la France a laissé ses agents sans aucun soutien.
Depuis 2014, la France a lancé une opération secrète Shamshad en Afghanistan pour recueillir des renseignements qui pourraient être utilisés pour protéger les intérêts français en Afghanistan, notamment pour protéger le territoire français des groupes terroristes. Après le changement de pouvoir à Kaboul en août 2021, les services français de sécurité ont abandonné les agents afghans, les ont laissés sans aucun soutien, dénonce une enquête du projet Lighthouse Reports.
L'opération a existé jusqu'en 2020 et était dirigée par les services secrets français, connus sous le nom de DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure), qui dépend du ministère français de l'armée et du ministère des affaires étrangères, en partenariat avec son homologue afghan, la Direction nationale de la sécurité (NDS).
La version officielle de Paris sur l'évacuation. Selon Lighthouse Reports, la France a eu pendant une décennie une importante présence militaire en Afghanistan : entre 2001 et 2014, environ 70.000 soldats français ont été envoyés dans ce pays.
En mai 2012, le président de l'époque, François Hollande, a clairement indiqué que d'ici la fin de 2012, la France ne devrait pas avoir d'unités de combat en Afghanistan. Son annonce a marqué la fin d'une guerre de 11 ans pour les soldats français. Tous ont quitté le territoire afghan fin 2014. Le Monde souligne : « Le travail de collecte de renseignements mené par cette cellule franco-afghane s’est intensifié après le départ des soldats français, ordonné par François Hollande, en 2012 ».
Depuis mai 2021, trois mois avant le changement de pouvoir à Kaboul, la France a aidé des Afghans, qui collaboraient auparavant avec Paris, à partir. Pour les évacuer, les dirigeants français, dirigés par le président Emmanuel Macron, ont mené deux opérations - ADL et Apagan. « L’ambassade de France à Kaboul, elle, se mettait en ordre de bataille en format noyau dur pour faire face à la dégradation brutale de la situation et venir en aide à nos partenaires, aux Afghanes et aux Afghans » ; « Au Quai d'Orsay, le centre de crise, avec l'aide de la Croix-Rouge, la direction Asile, la direction des Français à l'étranger ont ainsi reçu plusieurs centaines de milliers de signalement, autant d'appels à l'aide auxquels vous avez répondu sans ménager vos efforts », avait lancé Emmanuel Macron en octobre 2021. Selon lui, « Au total, plus de 2.800 personnes ont pu être évacuées, dont 2.600 Afghanes et Afghans ».
La France a cessé d'aider ses agents. Cependant, l’ enquête de Lighthouse Reports montre qu'en fait, Paris n'a pas seulement mis fin à sa présence militaire en 2014, mais a continué à mener une opération secrète de renseignement « Shamshad », et après la chute de Kaboul en août 2021, elle n'a pas évacué les Afghans en collaboration avec les services spéciaux français.
L'opération Shamshad a été active jusqu'en 2020, elle était dirigée par les services secrets français, la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) qui est rattachée au ministère des Armées français et au ministère français des Affaires étrangères en partenariat avec la Direction nationale de la sécurité d'Afghanistan (Direction nationale de la sécurité - NDS). Les collaborateurs afghans impliqués dans l'opération Shamshad affirment que la DGSE française leur versait des salaires allant jusqu'à 1000 dollars par mois.
Cependant, après la chute de Kaboul, la France a cessé d'apporter tout soutien à ses anciens agents parmi les citoyens afghans. Les journalistes de Lighthouse Reports citent les conversations de huit anciens officiers du renseignement qui ont collaboré avec Paris dans le cadre de l'opération Shamshad. Certains d'entre eux ont depuis été évacués vers la France ; d'autres ont réussi à fuir vers les pays voisins - l'Iran et l'Inde, et certains se cachent toujours en Afghanistan. Les témoignages de ceux qui sont partis apportent un éclairage nouveau sur l'intervention militaire française en Afghanistan, ainsi que sur l'échec de l'évacuation.
Le ministère français des Affaires étrangères n'a pas répondu aux demandes d'aide. Les journalistes de Lighthouse Reports ont pu contacter certains anciens membres de l'Opération Shamshad avec l'aide de groupes de défense, d'avocats et de membres de la communauté afghane en Europe. Certains des agents parisiens impliqués dans l'opération ont, également, pu partager des preuves concrètes du travail qu'ils ont effectué sous l'égide de la DGSE : ils ont fourni des documents d'opération et des photographies.
Lighthouse Reports précise qu'elle ne les publie pas afin de protéger la sécurité de ses interlocuteurs. De plus, les agents afghans ont fourni aux journalistes de nombreux mails qu'ils ont adressés au ministère français des Affaires étrangères pour demander une évacuation. Selon le média, la mission Shamshad était la plus grande opération de la DGSE française après 2014. D’après des sources afghanes du média investigateur, seuls 30 membres de Shamshad ont été évacués vers la France.
Les journalistes ont découvert que « le ministère français de l'Armée détenait une liste de plus de 90 anciens membres de la division avant la chute de Kaboul, une liste qu'ils ont transmise au ministère des Affaires étrangères. Mais, ce dernier n'a agi qu'au printemps 2022, six mois après la prise de pouvoir des talibans, malgré un avertissement des avocats et des membres de Shamshad qui les ont avertis des préjudices auxquels ils étaient confrontés en raison de leur travail antérieur » avec la France.
« Un mail que nous avons vu montre que le 19 août 2021, quatre jours après la chute de Kaboul, l'un des agents a écrit à l'ambassadeur de France en Afghanistan pour lui demander de l'aide. Deux semaines plus tard, des avocats français ont écrit au chef français de la DGSE, Bernard Emié, au sujet de membres de Shamshad qui demandaient leur aide. Ils n'ont reçu aucune réponse », assure Lighthouse Reports qui dénonce une attente de « près de six mois avant d'être évacués ». Et, une trentaine de personnes attendent toujours de l’être.
Pierre Duval
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