La haine de Spinoza
La haine de Spinoza
« La haine qui est complètement vaincue par l’amour devient de l’amour ; et cet amour est plus grand que s’il n’eût pas été précédé par la haine ». Venue d’un homme pour qui "la pensée est un attribut de Dieu, autrement dit Dieu est chose pensante", pour qui Dieu est la Nature Naturante et Naturée, voilà une pensée du ciel qui revient sur terre. La haine, il n’en connaît pas l’Origine mais en est la victime de prédilection. Qu’il pense l’amour capable de la vaincre, c’est lui attribuer une capacité qu’il trouve peut-être plus dans sa pensée que dans son entourage. Mais il affirme, lui le Juif haï des Juifs et peu adulé des autres, que l’amour peut vaincre la haine. C’est le Christ de Matthieu 5, versets 43-45 : "Vous avez appris qu'il a été dit : Tu aimeras ton prochain, et tu haïras ton ennemi. Mais moi, je vous dis : Aimez vos ennemis, bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous haïssent, et priez pour ceux qui vous maltraitent et qui vous persécutent, afin que vous soyez fils de votre Père qui est dans les cieux ; car il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes".
Sa pensée est hégélienne avant Hegel, dialectique. La haine est là. Sans doute depuis toujours, mais cela n’entre pas dans son propos. Une chose seule est sûre, elle peut être vaincue et donc, si elle peut être vaincue c’est soit qu’elle est faible soit que l’amour est un bulldozer aplanissant les sentiers façon Jean Baptiste. Sur eux, se pavane la haine qui se croit toute puissante et qui n’est rien. Ensuite, façon Freud, ou façon Pascal, il dit la haine est première, c’est le socle, mais si sur lui, bon maçon, tu es capable de bâtir la maison de l’amour, alors cet amour a deux fois plus de valeur, et de poids d’avoir été bâti sur ce roc ! Bâtir l’amour sur l’amour c’est pour les naïfs, les sentimentaux ! Donc frères humains, ne prenez pas garde à la haine, mais grandissez sur elle, prenez votre élan sur elle, elle est la pierre sur laquelle se construit l’amour ! Qui n’a jamais haï, ne peut aimer ! Il faut passer par le mal pour connaître le bien qui lui est parait-il contraire. Le Bien, le vrai, englobe le mal et le bien relatifs. C’est ce que fait Dieu en faisant pleuvoir, ce que vous avez fait vous les humains en vous laissant tenter par le Père du Mensonge afin de connaître plus tard… la Vérité ! C’est le "Pecca fortiter sed crede fortius" de Luther avec toutes les dérives possibles. Spinoza a-t-il péché avec courage pour croire avec encore plus de courage ? Question délicate qui dépasse le domaine balisé de la philosophie. Pour lui, Dieu n’est pas bon. Non parce qu’il est, ou serait méchant. Non Dieu n’est pas bon parce que le dire "bon" c’est lui prêter des vertus humaines, c’est faire de cette essence parfaite et infinie un être qui ressemble aux hommes imparfaits et finis. L’homme ne peut se faire dieu. Est-il bon ? Oui, dit Spinoza, surtout s’il a d’abord connu le mauvais, qu’il a été d’abord mauvais, a été capable de danser sur la corde raide de Zarathoustra, de perdre l’équilibre, c'est-à-dire de le retrouver dans un salto impressionnant. S’il est vrai que seul ceux qui ont souffert de la haine apprécient mieux que les autres le prix de l’amour, il ne faut peut-être pas pousser le raisonnement trop loin car ce n’est qu’un raisonnement, une dialectique hors du réel.
Sinon, de "si l’injustice n’existait pas, la justice n’existerait pas non plus", on passe au "seul le meurtrier connaît le prix de la vie", "seul l’homosexuel connaît les joies de l’hétérosexualité", "seul le fasciste repenti est capable de louer le communisme", "seul un juif haï par des chrétiens peut connaître le prix de l’amour de ses frères", "seule la victime du camp de concentration comprend l’indicible de cette souffrance et impose silence à toutes les autres", etc. Que nous vivions dans un monde dialectique, un monde de "dualité productive de réel", tout le monde l’accepte après une petite démonstration, mais dire que tout se vaut, qu’on peut tout faire car toute médaille à son avers, que le méchant est toujours puni, etc. Mieux vaut peut-être une dialectique plus retorse que "la pluie sur les bons et les méchants". Comme disait Céline : « Rien n’est gratuit en ce bas monde. Tout s’expie, le bien comme le mal se paie tôt ou tard. Le bien c’est beaucoup plus cher, forcément. » Le Christ l’illustre.
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