La peur est pire que le virus
Nous avons affaire à un virus qui se propage et dont la puissance pandémique se situe entre la grippe espagnole de 1918 et la grippe asiatique de 1957. Nous avons surtout affaire à une réaction des Etats pouvant apparaître démesurée. Le Covid-19 a été « pris en main » par un pouvoir qui en a fait une affaire d’Etat, mobilisant l’appareil militaire, policier et hospitalier ; en dépossédant la médecine de ville de ses prérogatives. Pour preuve, les cabinets médicaux se sont vidés et les médecins n’ont pas accès aux tests alors que c’est crucial, pour des raisons médicales mais aussi pour suivre l’épidémie. Les réseaux Sentinelles ne font que quelques dizaines de tests par semaine ! De plus, les médecins de ville n’ont plus de droit de prescrire des traitements contre le Covid-19 sous prétexte qu’il n’y en a pas. La médecine n’intervient plus, les gens sont livrés à la peur, ils s’en remettent à l’Etat sécuritaire qui joue tel un Janus sur les deux faces, faire peur, sécuriser, rien de neuf sous le soleil, Machiavel avait déjà tout compris.
Pour le reste, nous avons affaire à un étrange dévoilement. Chacun révèle un peu de lui-même. La plupart des intellectuels sont resté discrets. Seuls André Comte-Sponville et quelques autres se sont exprimés en philosophes engagés. Un bon nombre se regardent le nombril en confinement, confient leurs états d’âme, sans sacrifier à la notoriété médiatique en jouant sur Skype. Ils gèrent la résilience, se prenant pour les héros d’une série télé dont le scénario a été écrit par Boris Cyrulnik. Ils ne regardent pas les drames se jouant dans la société et les dérives du pouvoir. On peut « pressentir » un monde d’après qui devrait être le même que celui d’avant mais en pire, pas seulement au niveau de la géopolitique. Au niveau social, la crise économique risque de se déplacer en crise sociale majeure. N’oublions pas 1929 et ce qui arriva une décennie plus tard. Cela dit, l’interconnexion et la technique peuvent avoir un impact tampon. On voit l’effet domino des crises systémiques mais l’on ignore souvent l’autre aspect, la stabilité systémique.
Pour comprendre et expliquer ce qui arrive, il y a quelques cartes philosophiques à jouer mais elles sont bien rangées sous le tapis par l’intelligentsia française. Trois penseurs, Heidegger, Ellul, Luhmann. On l’aura compris, c’est du côté de la technique et de son fondement métaphysique occidental qu’il faut chercher. Ce qui n’exclut pas d’examiner la dimension historique en s’éclairant de philosophes « apocalyptiques ; Löwith, Voegelin, Strauss et encore Heidegger. Se pourrait-il que ce soit une fin de l’Histoire prométhéenne dévoilée par une particule virale de 100 nanomètre de diamètre ? Ou alors la figure de l’homme balayée telle une figure de sable après une vague, comme l’indique l’épilogue des Mots et des Choses de Foucault dont l’oracle nous parle ? Le pouvoir ne s’intéresse plus à l’homme, au Sujet de la modernité, il s’occupe de la maladie, du virus, faisant de cette pathologie un objet d’expérience scientifique à l’échelle nationale, avec l’appui des experts sanitaires.
On dirait une expérience de Milgram à l’échelle nationale, mais réalisée dans un contexte de peur, ce qui n’est pas le cas dans la fameuse expérience où n’entre en compte que l’obéissance d’un Sujet placé dans des conditions sécurisantes. Jusqu’à quel point les individus en situation de peur (ou de panique) sont-ils disposés à obéir à une autorité scientifique, quitte à abandonner leurs fondamentaux humains, plus de libraires, plus de vie sociale, plus de messes, obsèques réduites au strict minimum, églises fermées, bibliothèques vidées ? L’humanisme des Lumières avait pour devise Sapere aude, aies l’audace de savoir, le courage de te servir de ton entendement ! (Kant). Et en 2020, aies le courage de te servir de ton discernement ! Les Français ont-ils du discernement et du courage ? Montesquieu disait que le ressort de la république est la vertu alors que le ressort de la tyrannie est la crainte, en précisant ceci « Il y a deux sortes de tyrannie ; une réelle, qui consiste dans la violence du gouvernement ; & une d’opinion, qui se fait sentir lorsque ceux qui gouvernent établissent des choses qui choquent la manière de penser d’une nation. » (Esprit des lois, III, de la tyrannie). La nation pense-t-elle correctement cette épidémie de Covid-19 et quid de la violence ? A notre époque, l’opinion est surtout faite par les médias. Qui impactent la vision des Français. La peur fait le reste. Le virus est redoutable certes, mais la peur est un plus grand danger. Un peuple qui a peur ne demande pas forcément un tyran mais un régime autoritaire ou à défaut, un gouvernement d’union nationale. Les médias continuent à propager la peur et décompter les morts.
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