Laurent Joffrin sur Radio Suisse Romande : le doute jeté sur la version officielle du 11 septembre 2001 serait une sorte de négationnisme !
On a été invité à réagir dans l’émission « Médialogues » d’Alain Maillard et de Martine Galland sur « Radio Suisse Romande », mercredi matin 25 février 2008, aux propos de M. Laurent Joffrin. Il était interviewé au sujet de son livre « La Média-paranoïa ». On reste médusé par les leurres un peu frustes qu’il affectionne pour défendre les médias officiels (1). Sans doute les croit-il encore efficaces.

Injure, vaccine, caricature et illusion de l’apparence
1- Dans un article publié sur AGORAVOX, le 5 février dernier (2)), on avait déjà souligné l’emploi de l’injure , « média-paranoïa », pour stigmatiser une critique des médias qui différait de la sienne et tenter d’intimider l’adversaire. On avait apprécié l’élégance.
2- On avait ensuite reconnu le leurre de la vaccine qui admet un peu de mal pour faire reconnaître un grand bien ou susciter le rejet spontané d’un mal beaucoup plus grand. Comme Tartuffe confessant son indignité aux pieds d’Orgon pour qu’il n’en croie rien, M. Joffrin convenait que les médias n’étaient pas sans reproches, ayant accumulé tant d’erreurs ou de manipulations. Mais c’était pour conclure aussitôt, d’autorité, que les critiques qui leur étaient faites n’étaient le plus souvent que « des idées reçues, des caricatures »…
3- Il faut dire qu’ en matière de caricature de l’adversaire, l’intéressé s’y entend. On avait montré, par exemple, comment, pour justifier son accusation, il déformait à plaisir la dépendance reprochée aux médias envers les pouvoirs politiques et économiques. Il la réduisait à une image naïve que, selon lui, certains se feraient, de journalistes travaillant sous la dictée de patrons, une oreillette à l’oreille, ou prenant leurs ordres par téléphone tous les matins. Ainsi se dispensait-il de répondre aux accusations plus sérieuses d’auto-censure, résultant d’une inféodation et d’une soumission imposées par la simple nécessité de conserver son poste de travail, ou même d’assurer sa survie économique attendue d’annonces publicitaires incompatibles avec toute critique des entreprises concernées.
4- Il brandissait encore l’illusion de l’apparence comme évidence non contestable. On sait pourtant à quelles erreurs cette méthode a longtemps conduit : si le soleil se levait à l’Est et se couchait à l’Ouest, se disait-on, n’était-ce pas qu’il tournait autour de la terre ? M. Joffrin ne se montrait pas plus prudent dans la définition d’ « une information importante » digne d’être retenue dans son journal. Au cours de l’interview de « Médialogues », il y est d’ailleurs revenu et a même donné comme exemple « la victoire de l’équipe de Hand-ball au championnat du monde après celle aux jeux Olympiques » : « Oui, a-t-il dit, tous les journaux ouvrent là-dessus, parce que c’est objectivement important ! »
Que l’importance d’une information soit fonction des intérêts de l’émetteur, ne paraît pas l’effleurer, ou du moins préfère-t-il le taire ! Qu’une information soit même jugée trop importante par un émetteur pour être diffusée et que ses intérêts commandent impérativement de la garder secrète, y a-t-il jamais songé ? Il semble que oui, pourtant, à en croire, une révélation de Nicolas Beau, du site Bakchich, faite, le 9 décembre 2008, sur le plateau de Arrêt sur image (3) : N. Beau était alors encore au Canard enchaîné , et il s’était vu refuser par sa propre rédaction, entre les deux tours de l’élection présidentielle de 2007, la publication d’un article sur les revenus que le candidat Sarkozy avait continué à percevoir de son cabinet d’avocat tout en étant ministre. Son informateur, dépité, s’était alors tourné vers… Libération mais sans plus de succès !
Ainsi, colonnes et antennes peuvent-elles regorger d’informations sans importance qu’on peut nommer « informations indifférentes », et s’il en est ainsi, n’est-ce pas qu’elles jouent, elles, un rôle très important de modèle et de censure discrète, tant est exiguë la place de diffusion disponible qu’elles envahissent au détriment des autres ?
Confusion intellectuelle, amalgame et imputation pénale
À cet arsenal de M. Joffrin déjà inventorié, sont venus s’ajouter trois autres leurres en cours d’interview.
1- L’un est la confusion intellectuelle qui vise à désorienter. Qu’on en juge ! Comprenne qui pourra ce galimatias digne du babil d’Erikson, le spécialiste d’hypnothérapie, qui abreuvait ses patients d’un flot continu de paroles sans queue ni tête, selon la technique dite de « saupoudrage » ! « Il y a une chose que les gens oublient, commence par dire M. Joffrin. Le matériau de base du journaliste, c’est quand même la réalité. » Puis il poursuit : « Il y a des biais, dit-il, il y a des manipulations, des pressions, tout ce qu’on veut, mais à la fin des fins, ce qu’il y a dans les journaux (…), en gros, c’est vrai ce qu’ils disent. Il y a des erreurs, des choses qui ne vont pas, etc. Mais en gros, c’est vrai. Ce qu’on entend dans les bulletins radio, c’est vrai, Il faut débusquer les erreurs, les dérapages. Mais globalement, ça reflète ce qui s’est passé dans le monde depuis 24 heures, vu par des Français ». Et en 14-18, quand les journaux racontaient que les balles allemandes ne tuaient pas, c’était vrai ?
En somme, à bien le suivre, il y a « des erreurs, des manipulations, des pressions, tout ce qu’on veut » dans les médias, mais « en gros » les informations livrées sont « vraies » ! Par quel miracle ? Celui du leurre de la vaccine une nouvelle fois ! On retrouve au passage la prétention à saisir « la réalité » alors que seule « une représentation de la réalité » est accessible au travers des médias qui s’interposent entre soi et la réalité, à commencer par ses cinq sens à la perception fort limitée quand ils ne sont pas infirmes. Du « terrain », on ne rapporte jamais qu’ « une carte » plus ou moins fidèle !
2- Le second leurre est encore plus surprenant : c’est l’amalgame entre le travail d’historien et celui de journaliste. Interrogé sur le doute que suscite toujours la version officielle des attentats du 11 septembre, M. Joffrin a ni plus ni moins assimilé ce doute méthodique au mécanisme intellectuel menant au négationnisme qui nie le génocide juif.
D’abord, qu’est-ce que le génocide juif vient faire ici ? Pour M. Joffrin, rien de plus transparent ! « C’est un mécanisme très pervers, s’est-il écrié. C’est le même mécanisme que Faurisson. Vous prenez un petit bout de la réalité et vous dites : là il y une erreur ! une bizarrerie, une chose étrange ! On fait ça pour le 11 septembre. C’est bizarre, le troisième immeuble s’est effondré de manière bizarre ! (…)
C’est Faurisson, répète-t-il, c’est-à-dire qu’à Treblinka, il y avait une chambre à gaz qui avait été reconstituée mais en fait il n’y avait pas de chambre à gaz à Treblinka. Oui, mais elles étaient ailleurs. Mais vous déduisez du fait qu’on a mis une fausse chambre à gaz à Treblinka. Voilà, j’ai fait des calculs. Dans une chambre à gaz, on ne peut pas tuer par heure plus de tant de Juifs, donc les chiffres sont faux, donc tout est faux donc il n’y a pas eu de Shoah. C’est ce qu’on appelle la métonymie : on prend un détail, on le critique et on en déduit que tout est faux, que c’est un montage. C’est extrêmement dangereux. Ça veut dire qu’il y a deux opinions au fond sur la Shoah dans la média-paranoïa : il y a l’opinion officielle qui dit qu’il y a eu six millions de juifs qui ont été tués dont une partie a été gazée dans les chambres à gaz ; et puis, il y a une opinion franc-tireur, dissidente, intéressante parce que eux ne sont pas dans l’officiel, le convenu, ils sont dans l’originalité et dans le courage parce qu’ils vont contre, comme l’évêque Williamson qui explique qu’il y a eu trois cent mille morts chez les juifs. C’est tout faux, seulement comme les médias officiels sont appelés les médias officiels, ils sont louches. Williamson, lui, il est cru. Vous trouvez que c’est sain pour la démocratie ? »
3- Le troisième leurre découle dès lors du second : ce n’est autre qu’une insinuation d’imputation pénale, puisque douter de la version officielle du 11 septembre serait frappé de la même infâmie délictueuse que celle du négationnisme : ne pas croire la version officielle serait un délit.
Échappe-t-il donc à M. Joffrin que le travail de l’historien diffère de celui du journaliste ? Si l’un dispose de tout son temps et des documents accessibles, l’autre ne se plaint-il pas de devoir écrire dans l’urgence et de se voir souvent refuser les pièces à conviction ? Cela fait soixante ans et plus que le génocide juif a pu être documenté sans contestation possible. En revanche, le 11 septembre 2001 n’est toujours pas entré dans le champ de l’étude historique en raison de sa survenue encore trop récente et d’un accès encore interdit aux archives. Si le doute n’est donc pas permis sur le génocide juif, est-ce pénalement répréhensible qu’il persiste au sujet du 11 septembre 2001 tant que l’événement n’aura pas été soumis à la critique historique ? M. Joffrin n’a que faire de ce pinaillage : il s’agit pour lui d’intimider l’adversaire !
On est pourtant d’autant plus surpris que, le 30 janvier dernier, sur France Culture, M. Joffrin s’était bien démarqué de l’historien. Il avait renchéri sur l’animateur de la station, Ali Baddou, qui assurait que « les journalistes (n’étaient) pas des historiens du présent » : « C’est une formule paradoxale et trompeuse, avait-il estimé. (…) Un historien est un type sérieux qui a le temps, précisait-il. Nous, on est assez sérieux, mais on n’a pas le temps par définition. Si on était des historiens de l’instant, mon journal paraîtrait tous les six mois, parce qu’il faudrait au moins six mois pour savoir de quoi il retourne. » Comprenne encore qui pourra !
En somme, M. Joffrin soutient tout et son contraire. Quel crédit croit-il pouvoir en retirer quand, à sa panoplie qui comprenaient déjà l’injure, la vaccine, la caricature de l’adversaire, l’illusion de l’apparence, s’ajoutent la confusion intellectuelle, l’amalgame et l’insinuation d’une imputation pénale. On serait tenté, si on le suivait sur son terrain, d’y reconnaître des symptômes. On s’en garde bien car on n’a aucune compétence en nosographie. En revanche, il est aisé de déceler une théorie de l’information défaillante qui jette ses partisans dans le plus grand désarroi dès lors qu’ils doivent en démontrer l’improbable validité. Paul Villach
(1) « MÉDIALOGUES » d’Alain Maillard et Martine Galland, mercredi 25 février 2009, « Médias manipulateurs » ? Le point de vue de Laurent Joffrin, directeur de LIBÉRATION - Les réactions de Paul Villach, rédacteur d’AGORAVOX http://www.rsr.ch/la-1ere/medialogues
(2) Paul Villach, « "Média-paranoïa" de Laurent Joffrin, ou l’injure comme aveu d’impuissance », AGORAVOX, 5 février 2009. http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=51170
(3) Paul Villach, « "Le Canard enchaîné" est-il sarkozyste ? » : travaux pratiques à "Arrêt sur images" », AGORAVOX, 19 janvier 2009.
91 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON