Le bouffon cruel : Idi Amin Dada, une tragédie ougandaise
L'histoire de l'Ouganda au XXe siècle est inextricablement liée à la figure d'Idi Amin Dada, un dictateur dont le règne fut marqué par une brutalité sans précédent et une excentricité déroutante. Son ascension fulgurante, son exercice du pouvoir impitoyable et sa chute chaotique ont laissé une cicatrice profonde sur le pays et son peuple.
L’ascension d’un militaire ambitieux
Né vers 1925 à Koboko, un village du nord-ouest de l'Ouganda, Idi Amin Dada est issu d'une famille modeste. Son père, Andreas Nyabire, était un agriculteur converti à l'islam, tandis que sa mère, Assa Aatte, appartenait à l'ethnie Kakwa. Abandonné par son père à un jeune âge, Idi Amin grandit dans un environnement rural et pauvre. Son éducation formelle fut limitée, et il quitta l'école prématurément pour rejoindre l'armée coloniale britannique, les King's African Rifles, en 1946.
Au sein de l'armée britannique, Idi Amin gravit rapidement les échelons. Sa taille imposante (il mesurait près de 2 mètres) et sa force physique lui valurent le surnom de "Dada", qui signifie "grand frère" en swahili. Il participa à la répression de la révolte des Mau Mau au Kenya dans les années 1950, où il se distingua par sa brutalité et son efficacité. Après l'indépendance de l'Ouganda en 1962, il intégra l'armée ougandaise et devint un proche collaborateur du Premier ministre Milton Obote. En 1966, il fut promu au grade de général de division et nommé chef d'état-major de l'armée.
Cependant, les relations entre Idi Amin et Milton Obote, devenu président de la République, se détériorèrent rapidement. Amin était soupçonné de corruption et de détournement de fonds, et Obote tenta de le démettre de ses fonctions. En janvier 1971, profitant d'un voyage d'Obote à Singapour, Idi Amin organisa un coup d'État et s'empara du pouvoir.
Le règne de la terreur : 8 années de dictature sanglante
Dès son arrivée au pouvoir, Idi Amin Dada instaura un régime dictatorial et répressif. Il suspendit la constitution, dissout le parlement et interdit tous les partis politiques. Pour consolider son pouvoir, il s'appuya sur l'armée et la police secrète, le State Research Bureau, qui traquèrent sans relâche les opposants réels ou supposés.
La dictature d'Idi Amin fut marquée par une violence extrême et des violations massives des droits humains. Les estimations du nombre de victimes varient généralement entre 300 000 et 500 000 personnes. Les opposants politiques, les intellectuels, les membres de certaines ethnies (notamment les Acholi et les Lango) furent persécutés, torturés et assassinés. Les corps des victimes étaient souvent jetés dans le Nil ou abandonnés dans la nature.
Idi Amin Dada était soupçonné de cannibalisme. Des accusations de cannibalisme ont été portées contre lui, mais il n'y a aucune preuve définitive pour étayer ces affirmations. Idi Amin Dada était connu pour avoir des pratiques alimentaires inhabituelles. Il aimait manger de la viande crue et était obsédé par la taille de son pénis, allant jusqu'à exiger des médecins britanniques de l'amputer pour la rallonger, en vain.
Idi Amin était également connu pour son excentricité et ses caprices. Il se proclama "Président à vie", "Conquérant de l'Empire britannique" et "Roi d'Écosse". Il s'entoura de courtisans et d'opportunistes, et distribua des titres et des décorations à ses fidèles. Il affectionnait particulièrement les uniformes militaires et les médailles, qu'il arborait lors de ses apparitions publiques.
L'expulsion des Asiatiques et l’isolement international
En 1972, Idi Amin ordonna l'expulsion de tous les Asiatiques d'Ouganda, la plupart d'origine indienne. Il les accusait de dominer l'économie du pays et de ne pas s'intégrer à la société ougandaise. Cette décision brutale eut des conséquences désastreuses pour l'économie ougandaise. Les Asiatiques étaient en effet très présents dans le commerce, l'industrie et l'agriculture. Leur départ entraîna une pénurie de biens et de services, une inflation galopante et un effondrement de la production.
La politique d'Idi Amin Dada et ses violations des droits humains provoquèrent l'indignation de la communauté internationale. L'Ouganda fut isolé diplomatiquement et économiquement. En 1978, Idi Amin tenta d'annexer la région du Kagera en Tanzanie, ce qui déclencha une guerre entre les deux pays. L'armée tanzanienne, soutenue par des rebelles ougandais, repoussa les forces ougandaises et envahit l'Ouganda. En avril 1979, Kampala, la capitale ougandaise, tomba aux mains des Tanzaniens et Idi Amin fut contraint de fuir le pays.
L'exil et la mort d'un tyran
Après sa chute, Idi Amin trouva refuge en Libye, puis en Arabie saoudite, où il vécut dans le luxe jusqu'à sa mort en 2003. Malgré les demandes d'extradition formulées par l'Ouganda et les organisations de défense des droits humains, l'Arabie saoudite refusa toujours de le livrer à la justice. Idi Amin mourut à l'âge de 78 ans, sans jamais avoir été jugé pour ses nombreux crimes.
Le règne d'Idi Amin Dada fut une période sombre de l'histoire de l'Ouganda. La violence, la répression et la corruption ont profondément marqué le pays et son peuple. Le bilan humain de la dictature est effroyable : des centaines de milliers de morts, des disparitions, des tortures, des exils. L'économie ougandaise fut ruinée, et la société profondément divisée.
"La liberté d'expression est garantie ici, mais je ne peux pas garantir la liberté d'après l'expression."
Idi Amin Dada
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