Le commerce des reliques nazies se joue de la législation française
On croit parfois, que le commerce des articles nazis est interdit en France. Ce n'est pas le cas. En revanche, l'exhibition de ces symboles tant numériquement que physiquement n'est pas autorisée. Cela n'empêche pas la société estonienne Espenlaub Militaria d'en faire un fructueux commerce sur notre hexagone. A tel point que cette entrerprise présente une version de son site intégralement en français. Pourtant cette activité, moralement condamnable par certains de ses aspects tels que le pillage des dépouilles mortuaires, est bien pratiquée sselon des modalités illégales dans notre pays.
Cet article est paru sur le blog personnel de Bernard Grua
Présentation de la société Espenlaub Militaria
Historique et sources d’approvisionnement
A la lecture de son site web, on apprend, qu’Espenlaub est le nom d’un aérodrome allemand – “Flieger-Horst Kommandatur 19”, qui a été basé, dans les années 1941 à 1944, à Laksberg, Tallinn, Estonie. “Espenlaub” veut dire “feuille de tremble” dans la langue de Goethe. Les fondateurs de la société ont décidé d’utiliser ce nom, disent-ils, car ils ont trouvé leurs premier objets dans les vieux bâtiments de cet aérodrome, il y a 35 ans. Ils ont commencé à collectionner leurs trouvailles. Plus tard, le premier rassemblement de collectionneurs, qu’ils ont rejoint, se tenait à Riga en 1986. Ils y ont noué leurs premiers contacts.
Espenlaub Militaria affirme que ses produits sont acquis auprès de vétérans de la seconde guerre mondiale, à partir des stocks militaires des anciennes républiques d’URSS, auprès des théâtres, auprès des musées privés, auprès des opérateurs et auprès de collectionneurs, partout dans le monde. Dans le même temps, Espenlaub dit continuer à trouver de nombreux articles dans les vieux greniers, les bâtiments agricoles et les usines. Il en achèterait, aussi, sur les marchés aux puces.
Le personnel souhaite indiquer à ses clients et prospects, qu’il ne vit pas à des milliers de kilomètres des champs de batailles de la seconde guerre mondiale mais très exactement aux endroits où les “réelles actions” ont eu lieu. Cela l’aide beaucoup à chercher (?) et à acheter les éléments intéressants et rares de la seconde guerre mondiale.
Page d'accueil, en français, du site web d'Espenlaub Militaria |
Note : Comme élément appuyant la proximité d’Espenlaub Militaria avec les lieux où sont morts tant de combattants, on peut voir, en vente, des plaques d’identifications brisées de soldats tués sur les champ de bataille. On pourrait objecter que ces plaques, attestant du lieu de la mort des soldats, devraient être restituées aux pays puis aux familles concernées. On ne peut donc pas totalement évacuer la pensée, que les produits en vente pourraient, en partie, être considérés comme le fruit d’une forme de violation du devoir de mémoire, du droit à une sépulture décente et identifiée, du droit des familles à savoir ce qu’il est advenu de leurs ascendants et/ou collatéraux. En France, ce type d’activité fait l’objet de poursuites. Le commerce d’Espenlaub Militaria soulève, par ailleurs, d’autres problèmes, notamment en raison de ses articles nazis.
Produits mis en avant, des articles avec symboles nazis
Certes, Espenlaub Militaria s’approvisionne, entre autres, sur les sites de batailles, d’Ex-URSS, de la seconde guerre mondiale. De ce fait, la société vend, aussi, des reliques soviétiques. Mais, comme on peut le constater sur leur page Facebook : photo de profil d’un casque allemand, photo de couverture d’uniformes nazis, publications de photos de médailles nazis etc, les symboles mis en avant sont des symboles nazis.
Quand on va sur le site web, le plus grand nombre d’articles proposés, comme le plus grand nombre de nouveaux arrivages sont des articles nazis. Dans les différents menus de présentation des produits du site, non classés par ordre alphabétique, le premier onglet concerne les “German WW2 Militaria”, autrement dit les articles nazis et SS.
=> Cette société vit du commerce d’articles nazis. Cela est incontestable.
Exemple de fonctionnement avec la France, d’Espenlaub Militaria
Dès l’accès au site web d’Espenlaub Militaria, une fenêtre de discussion s’est ouverte. “Aleks”, “Collectibles adviser”, a proposé ses services dans un anglais irréprochable. Il lui a ouvertement été indiqué le souhait d’acquérir des objets nazis tout en lui signalant être préoccupé par la réglementation française.
Sa réponse a été de dire qu’il s’agissait d’un envoi de “particulier à particulier” dans un emballage clos. Selon lui, du fait que l’envoyeur (Tallinn, Estonie) et le destinataire (France) sont tous les deux en UE, ni la douane, ni la police n’y mettront le nez. Il a assuré qu’il s’agissait d’une pratique habituelle, n’ayant jamais posé de problème et que les clients étaient toujours satisfaits. Ce qui parait exact si on regarde les appréciations de la page Facebok. Devant les réticences, il a suggéré de passer commande des articles nazis sur le site d’Espenlaub militaria et de venir les chercher à la foire “Ciney Militaria” devant avoir lieu à “Ciney Expo”, en Wallonie.
Page Facebook d'Espenlaub Militaria |
Réglementation de la vente des objets nazis
En France, le code pénal stipule, Article R645-1 :
Est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la 5e classe le fait, sauf pour les besoins d’un film, d’un spectacle ou d’une exposition comportant une évocation historique, de porter ou d’exhiber en public un uniforme, un insigne ou un emblème rappelant les uniformes, les insignes ou les emblèmes qui ont été portés ou exhibés soit par les membres d’une organisation déclarée criminelle en application de l’article 9 du statut du tribunal militaire international annexé à l’accord de Londres du 8 août 1945, soit par une personne reconnue coupable par une juridiction française ou internationale d’un ou plusieurs crimes contre l’humanité prévus par les articles 211-1 à 212-3 ou mentionnés par la loi n° 64-1326 du 26 décembre 1964.
En clair, la vente des articles nazis n’est pas illégale.
En revanche, l’exhibition d’articles nazis est illégale.
C’est pourquoi une vente aux enchères a été interdite la 14/04/2014 (dont une affiche d’Hitler, en vente sur Espenlaub) à la demande de la Ministre de la Culture, Aurélie Filipetti.
Les ventes internet, qui reviennent à présenter des articles nazis sur le web, ne sont pas autorisées non plus. Ainsi, le 14 janvier 2018, des objets (dont un brassard nazi, lui aussi en vente sur Espenlaub), ayant déjoué les contrôles et postés sur le site “Le Bon Coin” ont été retirés dès leur signalement. Antoine Jouteau, le PDG du groupe Le Bon Coin, a présenté ses excuses et s’est dit « totalement indigné par le contenu de ces annonces qui ne respectent pas nos règles de parution », n’excluant pas d’attaquer en justice l’auteur des annonces.
Réglementation de l’exhibition des symboles nazis à la foire “Ciney Militaria” en Belgique
Ainsi, tout est exposable dès lors qu'il s'agit d'un objet, y compris nazi, de la seconde guerre mondiale. Dans la réalité, des repliques contemporaines sont exposées et vendues au public.
En ce qui concerne la vente d'article de propagande nazie en France, la loi est donc contournée
La page Facebook et le site web d’Espenlaub militaria exhibent, en France, et permettent l’achat, en France, d’articles nazis dont cette société a fait ses produits d’appels. Ce type d’activité est strictement interdite en France, comme nous le montre l’exemple du “Bon coin”. Légalement, le site d’Espenlaub ne devrait pas être référencé, en France, sur Google (et probablement dans d’autres pays, voire en Estonie). Il y a fort peu de doute quant au caractère illégal de la visibilité de la page Facebook et du site web Espenlaub militaria en France, même s’il est basé en Estonie.
30 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON