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Accueil du site > Tribune Libre > Le déclin de l’empire américain selon Richard Wolff :

Le déclin de l’empire américain selon Richard Wolff :

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une analyse marxiste

Richard Wolff, économiste marxiste américain de renom, est une voix influente dans le débat sur la fin de l’empire américain. À travers ses conférences, livres, et interventions médiatiques, notamment sur Democracy at Work, il dresse un portrait incisif du déclin économique, géopolitique et social des États-Unis. Pour Wolff, ce phénomène s’inscrit dans une dynamique historique inéluctable, marquée par les contradictions internes du capitalisme. Cet article synthétise sa pensée sur ce sujet brûlant : le basculement économique entre le G7 et les BRICS, un point central de son analyse.

Une perte de suprématie économique

Wolff soutient que l’hégémonie économique des États-Unis s’effrite. Il met en lumière un basculement significatif : le PIB combiné du G7 (États-Unis, Japon, Allemagne, France, Royaume-Uni, Italie, Canada) ne représente plus que 28 % de la production mondiale, tandis que celui de la Chine et des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud) atteint environ 35 %. Ce renversement symbolise la fin de la domination économique occidentale.

Il critique les politiques économiques récentes, comme les tarifs douaniers et les réductions fiscales sous l’administration Trump, qu’il qualifie de « gestes désespérés d’un empire en déclin ». Ces mesures, selon lui, creusent les inégalités, dépriment les salaires et négligent des problèmes structurels tels que l’inflation ou les dépenses massives du complexe militaro-industriel, qui engloutit près de la moitié du budget discrétionnaire américain. Wolff y voit une incapacité à s’adapter à un monde où les États-Unis ne dictent plus les règles.

Des erreurs géopolitiques coûteuses

Sur le plan géopolitique, Wolff pointe du doigt les erreurs stratégiques des États-Unis, notamment dans la gestion du conflit Ukraine-Russie. Il argue que les sanctions contre la Russie, destinées à l’affaiblir, ont échoué. Au contraire, la Russie a réorienté ses exportations énergétiques vers des alliés BRICS comme la Chine et l’Inde, enregistrant une croissance économique plus rapide que celle des États-Unis pendant cette période. Ce fiasco illustre, pour Wolff, l’incapacité de Washington à comprendre un monde multipolaire.

Il déplore également le déni bipartisan aux États-Unis : ni les démocrates ni les républicains n’admettent publiquement ce déclin, évitant le sujet lors des campagnes électorales. Ce refus de reconnaître la réalité entraîne des décisions malavisées, coûteuses pour le pays et ses alliés.

Une société en proie à la désintégration

À l’intérieur des frontières, Wolff décrit une société américaine en proie à une « autodestruction ». S’appuyant sur la pensée de Marx, il affirme que le capitalisme tardif consume ses propres structures. La privatisation croissante – du service postal à l’éducation – et les politiques d’austérité appauvrissent la classe ouvrière tout en enrichissant une élite oligarchique. Les crises du logement, de la santé et des finances alimentent un mécontentement social croissant, que des figures comme Trump exploitent en désignant des « ennemis internes » pour détourner l’attention des failles systémiques.

Pour Wolff, ces symptômes rappellent les dernières phases d’un empire en déclin, incapable de répondre aux besoins de sa population. Il compare ce processus à celui de l’Empire britannique, dont le déclin, amorcé au XIXe siècle, s’est concrétisé avec la perte du statut de monnaie de réserve de la livre sterling dans les années 1950.

L’essor des BRICS et la question du dollar

Wolff accorde une importance particulière à l’émergence des BRICS comme contre-pouvoir économique. Ces nations travaillent à établir des monnaies alternatives et à réduire leur dépendance au dollar américain, menaçant ainsi un pilier de l’influence mondiale des États-Unis. Toutefois, il nuance l’idée selon laquelle le statut du dollar comme monnaie de réserve serait l’unique fondement de l’empire. Pour lui, le capitalisme repose sur un système interdépendant de production, de marchés et de monnaie, et la perte d’hégémonie américaine est un phénomène plus large.

Il critique également la stratégie économique des États-Unis, qu’il qualifie d’« illusions ». L’externalisation de la production industrielle et la dépendance aux monopoles technologiques affaiblissent le pays face à des économies émergentes plus dynamiques.

Une transition historique inévitable

Wolff inscrit le déclin américain dans un cycle historique : les empires naissent, dominent, puis s’effondrent, souvent en niant leur faiblesse jusqu’à l’évidence. Il compare les États-Unis à Rome ou à la Grande-Bretagne, soulignant que ce déclin, entamé depuis plus d’une décennie, est un processus systémique, et non un événement ponctuel. Cependant, il ne voit pas cette transition comme une catastrophe absolue, mais comme une opportunité de repenser le système.

Dans son ouvrage Democracy at Work : A Cure for Capitalism, il propose des solutions radicales, comme la démocratisation des lieux de travail et le développement de coopératives, pour remplacer un capitalisme défaillant. Il note que de nombreux pays se tournent désormais vers Pékin ou New Delhi pour des partenariats économiques, signe que l’influence de Washington s’amenuise.

Conclusion

Pour Richard Wolff, la fin de l’empire américain est une réalité tangible, marquée par un déclin économique, des erreurs géopolitiques et une désintégration sociale. Loin de n’être qu’une critique, sa pensée invite à réfléchir à des alternatives systémiques pour un monde en mutation. Alors que les États-Unis cèdent du terrain face aux puissances émergentes, Wolff appelle à une transformation radicale, où la coopération et la démocratie économique remplaceraient un capitalisme en bout de course. Dans un monde multipolaire, son message résonne comme un avertissement et un espoir : reconnaître le déclin, c’est ouvrir la voie à un renouveau.

 


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10 réactions à cet article    


  • sylvain sylvain 19 juin 14:39

    Les brics, les brics : 70% du PIB des brics, c’est la chine, alors autant parler de la chine directement. D’autant qu’objectivement, un pays comme l’inde est plus un allie geopolitique de l’occident que des brics, pardon de la chine, sachant qu’ils sont en rivalite directe, et que la chine fait infiniment plus peur a l’inde que l’oncle sam.

    Sinon c’est effectivement une evidence, l’occident a perdu son hegemonie mondiale. Mais la comparaison avec les empires romains et britanniques est interessante : ces empires n’ont en fait jamais vraiment chute, ils se sont transformes, deplaces, mais ils n’ont jamais chute comme a pu le faire par exemple l’empire d’alexandre, ou de la horde d’or...


    • Seth 19 juin 14:47

      @sylvain

      Exact. La justification de cette présence du « I » a toujours été discutée.

      Mais sans eux il y aurait eu un problème de prononciation.  smiley


    • sylvain sylvain 19 juin 16:23

      @Seth
      pas con, j’y avais pas pense. Si on enleve l’inde, la chine represente a peu pres 85% du PIB des BRCS. Pour la prononciation , faudra demander a un polonais ou un gars de par la bas


    • Seth 19 juin 14:40


      Wolff appelle à une transformation radicale, où la coopération et la démocratie économique remplaceraient un capitalisme en bout de course.

      J’ai pas tout bien compris : c’est quoi une vague « démocratie économique » ? Le socialisme ou un arrangement avec le capital ?


      • amiaplacidus amiaplacidus 19 juin 16:07

        @Seth

        Sans aucun doute, l’autogestion.

        Par exemple, image simple, dans un bateau, c’est l’équipage en entier qui décide du port de destination, de la cargaison, il élit un capitaine et des officiers.
        Une fois en mer, le capitaine décide et l’équipage lui fait confiance.
        Arrivé à destination, passagers et cargaison débarquée, l’ensemble de l’équipage décide du prochain voyage.

        C’est, évidemment, une grossière simplification.

        Lire :
         De l’autogestion : théories et pratiques, Collectif, Éditions CNT-TP, 2013.
        L’Autogestion, une idée toujours neuve, bilan des tentatives révolutionnaires et des expériences en milieu capitaliste, Alternative libertaire, 2007.
        Autogestion et hiérarchie, Cornelius Castoriadis, 1974.
        Etc.


      • Seth 20 juin 14:59

        @amiaplacidus

        J’ai eu travaillé avec des SCOP et j’en ai fait travailler moi-même (bien que ce soit du « luxe » mais que pourrais comprendre), je n’ai jamais vu ce qu’il y avait d’égalitaire là dedans, il a fini par s’y installer un rapport hiérarchique clair ; question de personnalités, certains sont des « chefs » et d’autres se laissent commander, c’est la nature du troupeau.

        Je n’ai rien inventé : j’ai rencontré des gars qui en avaient retiré leur billes et préféraient retourner travailler pour un chef officiel que dans une fausse égalité où les « patrons » s’accordaient les mêmes avantages que ceux d’ailleurs. Il ne faut pas trop présumer de la nature humaine et de son grégarisme originel.

        Ce mécanisme a été très bien analysé par La Boëtie il y a bien longtemps de cela..


      • chantecler chantecler 20 juin 18:06

        @Seth
        Ayant participé à la création d’une scop puis à son fonctionnement , je peux ajouter que votre réflexion n’est pas complétement stupide .

        Après je n’ai pas cherché ensuite à me vendre à un « chef officiel » mais ai préféré travailler à mon compte ...

        On dirait aujourd’hui façon travailleur indépendant !

        Tout le pognon gagné difficilement par les gens qualifiés 20 % ? se volatilisait dans une répartition égalitaire / communautaire ou était dilapidé dans des projets foireux .

        Sans parler de mon outillage et de mon véhicule persos qui se se détérioraient dans des mains totalement irrespectueuses .

        Ai je au moins contribué à faire un peu de formation sur le tas ?, je n’en sais rien !

        Par contre dès le départ les « administratifs » ou « petits cadres » ne se sont pas oubliés : sécu, retraite..., mais les « autres » , les qualifiés, étaient en attente de jours meilleurs qui ne sont jamais arrivés.... 

        M’ enfin j’ai tout de même gardé quelques bons souvenirs de cette période d’errance ? et de certains potes ....

        C’était les « années libé » de Serge July ....et de « tankonalasanté » , 75, journal qui a aussi disparu ....

        ...Dont j’ai conservé à portée de mains malgré de multiples déménagements l’ultime exemplaire  : c’est une boite de conserve emballée de papier jaune où étaient écrits leurs adieux .... !

        PS : ah oui notre premier siège social se trouvait Rue Chabanais à Paris , qui comme chacun sait était une rue d’anciens bordels !

        Tout un programme !


      • amiaplacidus amiaplacidus 19 juin 15:51

        @L’auteur qui dit : "Sur le plan géopolitique, Wolff pointe du doigt les erreurs stratégiques des États-Unis, notamment dans la gestion du conflit Ukraine-Russie. Il argue que les sanctions contre la Russie, destinées à l’affaiblir, ont échoué. « 

        Je lis, dans 20minutes : »La Russie prévoit d’entrer en récession en 2015, ..."

        C’est dire l’effet des sanctions, la Russie prévoit¹ plus de trois ans après les sanctions un ralentissement de son économie.

        Alors que l’Allemagne est officiellement en récession depuis plus d’une année, refusons de tirer sur des ambulances, ne parlons pas des économies française et GB, etc.

        Tout en ayant des réserves sur des points de détail, je ne peux qu’approuver les conclusions de l’auteur.

        Ce qui nous voyons maintenant, ce sont les premières convulsions d’un empire à l’agonie.

        Par quoi va-t-il être remplacé, là, je suis vraiment très modérément optimiste.

        NOTES

        1. Gageons qu’avec la brutale remontée des cours du pétrole², la Russie va échapper à ses propres prévisions de récession.
        2. Pour cette remontée des cours, on dit merci qui ? Merci la fine politique israélo-étasunienne en Iran.

        • Com une outre 19 juin 19:28

          «  »La Russie prévoit d’entrer en récession en 2015, ... »

          En quelle année exactement ? En même temps, si c’est du 20mn...


          • Doume65 20 juin 16:07

            « la fin de l’empire américain est une réalité tangible »

            L’empire américain, je ne sais pas trop ce que ça signifie. Mot polysémique dans lequel chacun met ses espoirs ou sa répulsion. Ce que les États-Unis (et plus généralement le monde anglo-saxon) sont en train de perdre assurément, c’est leur hégémonie mondiale.

            Espérons seulement qu’elle ne soit pas remplacée par une autre hégémonie, mais qu’on rentre réellement dans un monde multipolaire et égalitaire à l’image des promesses de l’ONU.

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