Le poker menteur de Rama Yade

La lionne de la Taranga a-t-elle signé volontairement son arrêt de mort ? Patauge-t-elle, telle une larve, dans la bouse ? C’est ce qu’on saura dans les plus brefs délais, puisque le remaniement annoncé depuis deux mois interviendra d’ici le 15 novembre selon des sources élyséennes. Nicolas Sarkozy a fort à faire ces derniers temps avec ses minorités dites visibles. Entre une Calixthe Beyala plébiscitée par les Afro-français et les Africains qui voulaient la voir succéder à Abdou Diouf à la tête de la Francophonie et qui proteste car sa candidature a été trappée par l’Elysée, une Rama Yade, qui a joué perso d’entrée, s’affirmant même comme ennemie jurée des noirs et qui aujourd’hui semble avoir la tête dans le guidon et qui vogue à vau-l’eau, la situation est explosive.

La benjamine du Gouvernement Sarkozy-Fillon a pris son bazooka pour admonester et tirer à boulets rouges sur le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy…ou plutôt d’Henri Guaino dans lequel le chef de l’Etat français avait expliqué que l’homme africain n’était pas entré dans l’histoire. Elle ne va pas avec le dos de la cuillère. Morceaux choisis : « Sarkozy n’est pas un Africain. Moi je pense que non seulement l’homme africain est entré dans l’histoire mais qu’il a même été le premier à y entrer. Parce que j’en connais la culture » ; « Mon sentiment, c’est que l’homme africain est le premier a être entré dans l’histoire. Je réponds par l’histoire » ; « A chaque fois que j’ai eu envie de dire quelque chose je l’ai dit, à ce moment-là, les fois précédentes, les fois d’après. J’ai plusieurs fois exprimé ce que je voulais dire sans que cela plaise à tout le monde. Alors pourquoi voulez-vous que je démissionne ». Une estocade comme on n’en voit plus dans notre paysage politique.

La riposte n’a pas tardé. Auparavant, puisque le député homophobe reconnu du Nord, Christian Vanneste avait appelé à une convergence de vue entre le Front national et l’UMP en vue des échéances électorales à venir, Rama Yade demanda qu’il soit exclu du parti présidentiel. Il l’accusa de vouloir exister médiatiquement. Face à la nouvelle polémique suite aux propos de la ministre, la déclaration hideuse de Christian Vanneste est très violente. Il a écrit dans un communiqué qu’il allait "saisir le secrétaire général de l’UMP pour que le bureau politique se penche sur le cas" Rama Yade. La réponse du berger à la bergère. Dans la journée, c’est le député très à droite des Alpes-Maritimes Lionnel Luca, qui a mis ses bottes de sept lieues, pour attaquer Rama Yade. Il a déclaré que Rama Yade "a des émotions à retardement injustifiées car elle ne connaît pas le sens du mot Histoire, qu’elle confond avec préhistoire". 

Trois années ont passé. De l’eau a coulé sous les ponts et les élus de droite ne semblent pas comprendre pourquoi la benjamine du Gouvernement revient sur un discours vieux de trois ans. Il fut prononcé en 2007 à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, du nom du savant africain et égyptologue vénéré en Afrique. Ce fut très dur d’entendre ce genre de discours pour la plupart des Africains. Mais, le vrai problème de Rama Yade aujourd’hui, c’est de savoir de quel bord elle est. Panafricaniste ou Franco-française ? Ses zélateurs lui donnent raison mais, elle semble plus que jamais isolée. Elle n’a ni le soutien visiblement de son mentor Nicolas Sarkozy ni celui de la communauté noire qui dénonce sa duplicité. Elle est par ailleurs accusée de préparer déjà, son entrée dans un Gouvernement de gauche. Chronique d’une mort annoncée ? Hier pourtant, en fin de journée, elle a fait un rétropédalage astucieux en déclarant : "Mon propos était de dire qu’il y avait eu malentendu, une mauvaise interprétation du discours de Dakar. Je connais suffisamment le président de la République pour savoir que son intention n’était pas de blesser". Décidément, Rama Yade comme l’indiquait Edwy Plenel, manque de conviction, de dignité et de principe.