Le politiquement correct, un appauvrissement de la pensée
Le problème avec le politiquement correct n’est pas qu’il soit de gauche ou de droite mais qu’il s’agit d’une forme de pensée véhiculée par les médias qui refuse la complexité du monde. Qu’il s’agisse de racisme, de féminisme, de mariage homosexuel, de différences culturelles ou religieuses, les réponses qu’il apporte sont toujours simples ou plutôt simplistes, données sous forme d’injonctions d’une pseudo-morale qui vous dit « ce n’est pas bien d’être sexiste, homophobe, islamophobe, raciste » sans se donner la peine de bien définir ces expressions. Il faut donc être antiraciste, pour le mariage pour tous, généreux, tolérant, écolo, au moins en paroles, gentils et tout ira mieux, nous irons vers un monde meilleur sans qu’il soit nécessaire de pousser la réflexion plus loin.
Il y a quelques années. Olivier Faure, député de Seine-et-Marne, m’avait invité ainsi que divers représentants d’associations, à une réunion où nous étions censés débattre de la question du mariage homosexuel. C’était avant le vote de la loi Taubira qui devait ouvrir une nouvelle ère, rien moins qu’un « changement de civilisation » selon la garde des sceaux. La discussion commença par un discours bien policé montrant qu’il s’agissait de donner les mêmes droits à tous, homos comme hétéros et de poursuivre avec le PS la marche vers le progrès, vers plus de liberté, de nouveaux droits pour l’humanité et de quitter un passé dominé par l’intolérance et les préjugés religieux ou autres.
Le député était soutenu par quelques jeunes femmes qui regardaient avec des yeux admiratifs l’étoile montante du PS, buvant chacune de ses paroles et critiquant les personnes qui s’y opposaient comme des réactionnaires bornés ou des opposants à la laïcité de l’Etat (plusieurs associations chrétiennes étaient représentées). Faure s’efforçait de garder une posture relativement modérée mais il devint rapidement clair que le débat se limiterait à opposer le camp du bien, de la tolérance et la liberté au camp de la réaction et du retour en arrière. Dans cette ambiance, la question de l’absence du père biologique dans un couple de lesbiennes en cas de mariage avec PMA, de la souffrance que pouvait engendrer chez l’enfant cet absence d’un père relégué au rôle de fournisseur de sperme, même si cette souffrance est bien documentée en France et à l’étranger dans le cas d’enfants nés sous X ou de père inconnu, passait rapidement à la trappe. La discussion était sans cesse ramenée à un affrontement de positions pour ou contre la liberté et l’égalité pour tous sans trop creuser ce que l’on entendait par là, en particulier pour les enfants.
On peut en dire autant de tous les thèmes chéris du politiquement correct. Ainsi, l’antiracisme lancé il y a déjà longtemps lors d’une habile opération politique de F. Mitterrand en perte de popularité aidé de quelques « intellectuels » médiatiques à l’origine du mouvement SOS racisme, se résumait à faire un amalgame entre les inquiétudes justifiées d’habitants modestes de quartiers où la proportion d’immigrés Nord Africains et Africains ne cessait d’augmenter, inquiétudes concernant la bonne intégration de ces nouveaux arrivés et le racisme. Si de plus ces habitants avaient le malheur de voter pour Jean-Marie Le Pen, on poussait un peu plus loin la charge en les accusant de vouloir un retour aux « heures les plus sombres de notre histoire », expression un peu passée de mode depuis. Cela avait l’avantage considérable de ressouder une gauche quelque peu démotivée et même de gagner une partie du centre face à un prétendu retour du fascisme.
Mais s’agit-il vraiment d’une opposition au racisme véritable ? Certains aspects permettent d’en douter. Ainsi, cet « antiracisme » a la particularité d’être à sens unique, il s’agit toujours de dénoncer le « mâle blanc » jamais le racisme anti-blanc dont pour simplifier on va simplement nier l’existence malgré les nombreux faits divers qui montrent sa réalité. On dénonce le commerce triangulaire mais on parle beaucoup moins de la traite des noirs par les arabes, un esclavage qui a duré bien plus longtemps et perdure encore dans certaines régions de l’Afrique. Cette traite était dans une certaine mesure encore plus cruelle que le commerce triangulaire, s’accompagnant de l’émasculation des jeunes gens après leur traversée du désert en Afrique du nord ou dans les pays du golfe. Mais il s’agit toujours de dénoncer la culture occidentale tout en étant bien plus tolérant à l’égard des fautes des autres cultures.
On retrouve cette même diabolisation des opposants et ce refus de discuter sur le fond dans les débats sur le féminisme ou l’Islam.
Ainsi, les revendications féministes présentent des femmes heureuses de travailler et dont le but est de réussir aussi bien professionnellement que les hommes. Or, de nombreuses études montrent un conflit entre le désir d’éduquer des enfants dans un foyer stable et la pression professionnelle exercée par la société. On a même vu des entreprises encourageant leurs cadres féminins à congeler leurs ovules en attendant une période où elles seraient moins actives professionnellement. Il y a aussi des réalités biologiques ; le fait de repousser toujours plus tard l’âge du premier accouchement en Occident et au Japon n’est pas selon de nombreux gynécologues favorable à des accouchements sans problèmes, nécessite de plus en plus des méthodes de lutte contre la stérilité et s'accompagne d'un déclin démographique.
Bien sûr, il ne s’agit pas de défendre comme le voudrait le politiquement correct, le machisme, les violences envers les femmes, les réflexions lourdes au bureau et ailleurs mais curieusement, on voit des contradictions dans l’approche féministe. Une première est la relative indifférence face aux défis soulevés par l’Islam avec les burkas, les mariages arrangés au pays, les droits limités des femmes par rapport aux hommes dans les pays musulmans même s’il y a des changements dans ce domaine y compris en Arabie Saoudite. Concernant la forte présence de populations d'origine étrangère rue de la Chapelle et le harcellement des jeunes femmes dans cette rue, on a vu une militante féministe proposer simplement d'élargir les trottoirs, proposition qui n'aurait sans doute pas été la même s'il s'était agi de harcellement sur les trottoirs d'une rue du 16ème arrondissement.
Une autre est une forme de passivité des organisations féministes face à un phénomène comme la pornographie qui véhicule, particulièrement auprès des adolescents, une image très négative de la femme, objet de jouissance sexuelle et destinée à assouvir tous les fantasmes. Ces associations féministes devraient joindre leurs efforts avec ceux d’associations souvent d’origine chrétienne qui luttent contre la pornographie sur Internet et dans les médias et s’inspirent d’un pape comme Jean-Paul 2 qui proposait une véritable éducation sexuelle dans les écoles, une sexualité responsable en harmonie avec tous les aspects de la nature humaine et impliquant un engagement des personnes. Or, c’est loin d’être le cas.
Mais le politiquement correct ne se limite pas à ces débats sur le racisme, le féminisme ou l’Islam. On peut retrouver cette approche qui simplifie tout dans des sujets complexes comme les débats sur le réchauffement climatique ou sur les vaccins.
Dans tous les cas, on voit les mêmes procédés : ne pas discuter sur le fond, dans les détails mais opposer le plus vite possible un camp du bien, du progrès, de l’avenir à un camp du conservatisme, de la réaction, du passé, du mal.
Le philosophe américain Allan Bloom dans son livre au titre plus ou moins bien traduit en français par « L’Ame désarmée », livre qui reste une référence sur le politiquement correct dans les campus américains, avait bien défini la chose en parlant du « Closing of the American mind », la fermeture de l’esprit de ces jeunes étudiants, de leur capacité à tout questionner associée à leur ignorance des grands textes de la littérature classique remplacée par leur formatage par une culture de masse, une idéologie qui se cache sous des bons sentiments antiracistes, antisexistes et critiques de la culture occidentale en général.
Ces procédés ont un grand avantage en dehors de celui de servir les intérêts de certains lobbies, ils permettent de simplifier les choses. Or, les journalistes sont comme les autres hommes assez paresseux, c’est compliqué de s’informer à fond sur un sujet et encore plus compliqué de transmettre ces informations ou les vulgariser intelligemment auprès du grand public. C’est tellement plus simple d’avoir une grille de lecture bien/mal, progrès/réaction et parfois gauche/droite, cette dernière opposition tendant à perdre de sa force dans la période actuelle pour avoir été un peu trop usée dans le passé. De plus, les médias aiment les confrontations d’opinion supposées faire de l’audimat plutôt que des discussions constructives cherchant à rapprocher les points de vue.
Toutefois, quand une idéologie ignore certaines réalités, la réalité finit par se venger.
De même qu’a la fin de la période communiste, la langue de bois qui était d’une certaine manière un ancêtre du politiquement correct mais alliée à la force militaire et policière, perdait son pouvoir de séduction en Europe de l’Est devant les réalités des différences de niveau de vie entre les parties est et ouest de l’Europe et de l’Allemagne, les élections en Italie après l’Autriche, la Hongrie et d’autres pays européens après le Brexit ont pris nos grands politologues par surprise. L’un de nos grands penseurs, BHL en personne, en défenseur du politiquement correct s’est trompé dans ses prévisions à la fois sur le Brexit et l’élection de Trump devenant quelqu’un de relativement fiable pour ceux qui prennent le contrepied de ses analyses et ses prévisions.
Bien sûr, il ne s’agit pas ici de prendre partie pour ou contre Trump (une étude de la politique économique ou internationale du président américain nécessiterait plusieurs articles) ou pour ou contre les nouveaux dirigeants à l’Est de l’Europe et en Italie mais simplement de voir dans ces changements le refus d’un monde policé qui ne tient pas compte des souffrances de larges parties de la population, aux USA avec le basculement vers Trump du vote des blue collar workers dans des Etats traditionnellement démocrates et en Europe avec le sentiment largement partagé d’une menace sur l’identité nationale de différents pays.
Les migrants selon le discours dominant étaient supposés être aussi bien ou mieux éduqués que les populations qui les recevaient, être automatiquement une source de richesses pour le pays accueillant et ne poser pratiquement pas de problème d’intégration. Au début, ces migrants étaient supposés en grande majorité s’échapper des prisons et des camps en Syrie, puis il est devenu clair que cette grande majorité venait plutôt de régions comme l’Albanie ou l’Afrique sub-saharienne et que la raison de leur déplacement était avant tout économique et non une fuite devant l’oppression politique. Tous ces discours et affirmations finissent par éclater confrontés à la réalité qui se révèle plus complexe que prévue.
Un écrivain chrétien, Jean-Claude Guillebaud, défendant la position du pape François sur les migrants, déclarait au micro de RCF que l’on était revenu actuellement d’une certaine naïveté concernant les migrants mais qu’il valait mieux être d’abord généreux et accueillant quitte à apprendre la prudence par la suite. Or le bon sens nous apprend dans la vie courante qu’il vaut mieux exercer la prudence des le début, sans attendre que les faits remettent en cause notre naïveté, avant de faire des erreurs aux conséquences lourdes, ce qui n’empêche pas d’être charitable.
Bien sûr, un Chrétien a la foi que la vérité finira par triompher sur l’erreur mais cela ne veut pas dire qu’il faille rester passif entre temps : que de souffrances, de gâchis pourraient être évitées si les mensonges étaient rapidement dénoncés évitant ainsi à des populations entières se fassent mener en bateau pendant de longues périodes comme cela a été le cas avec la période communiste, Soljenitsyne dénonçant le pouvoir conjoint de « la violence et du mensonge » pour asservir des populations.
62 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON