Le retrait des billets de 500€ sonne-t-il le glas de notre vie privée & celle de la souveraineté nationale ?
Le 4 mai 2016, le porte-parole de la Banque centrale européenne annonçait : « Compte tenu des inquiétudes relatives aux activités illicites qu'elle pourrait faciliter », l'émission du billet de 500 € mis en circulation en 2002 sera arrêtée vers la fin 2018 et remplacée par de nouvelles coupures de 100 et 200 euros. Dans les faits, vingt millions de ces coupures ont déjà été retirées au premier trimestre 2016, à ce rythme, leur disparition pourrait intervenir avant 2018. Toutefois, la coupure de 500 € conservera son cours légal et elle pourra être échangée auprès des banques centrales de la zone euro.
La BCE n'a fait que suivre docilement les « recommandations » des États-Unis qui ont retiré le billet de 1 000 dollars, coupure prisée des narcotrafiquants et pressaient les Gouverneurs de la zone euro depuis les attentats, d'en revenir à des coupures de 100 euros (Les billets de 1 000 dollars canadiens ont eux été retirés en mai 2000). Une enquête de la Banque centrale européenne (2011) portant sur l’utilisation des coupures en euro, fait remarquer que : « plus de la moitié des répondants ont indiqué n’avoir jamais eu en mains un billet de 500 euros et n’a jamais vu non plus la couleur du billet de 200 euros. La plupart des personnes paient en liquide uniquement pour des transactions de moins de 100 euros. » De là à soupçonner tous les citoyens utilisant de grosses coupures d'activités illicites il n'y a qu'un pas ! C'est l'arbre qui cache la forêt. Les « tricheurs » pourront toujours se rabattre sur les billets de 1 000 franc suisse (ou la coupure de 10 000 dollars singapourienne qui s'échange à 800 euros ou 7 355 CHF), pays où l’utilisation d’argent liquide demeure très populaire (le chèque y est quasiment inconnu). En 2012, la valeur des billets de 1000 CHF représentait 35 milliards de francs, soit près de 60 % de la valeur totale des coupures en circulation ! A titre de comparaison, les 600 000 « Ben Laden » en circulation ou billets de 500 euros ainsi surnommés par les Anglais qui l'ont interdit au change depuis 2010, représentent 3 % du nombre de billets en circulation, mais 28 % en valeur cumulée, soit 300 milliards d'euros. Un quart de ces billets, la plupart de 500 €, sont détenus à l’extérieur de la zone euro.
Selon certaines sources gouvernementales, le crime organisé générerait entre 4 et 8 % de l’économie mondiale soit 1 000 à 2 000 milliards de dollars. Si le but déclaré d'endiguer le financement d'activités criminelles - l'évasion fiscale - l'économie souterraine - le travail dissimulé - le versement de pots-de-vin et autres rétro-commissions ne servait que de façade à une finalité plus sournoise ? Le quotidien romain « La Republica » du 10 avril 2014 révélait : « il y a eu 100 fois plus de billets de 500 euros déposés à la banque, en Italie, que de coupures de ce montant mises en circulation. (...) Depuis 2010, 12 millions de billets de 500 euros ont été mis en circulation, mais les Italiens ont déposé huit fois plus de ces fameuses coupures sur leurs comptes en banque ! » Selon les estimations des banquiers italiens, 300 milliards d’euros échapperaient ainsi au fisc. Après que le gouvernement italien ait fait voter une loi interdisant le paiement en liquide des achats de plus de 1 000 euros, les versements de billets de 500 euros sont passés de 4,2 milliards d’euros en 2011 à 10 milliards en 2012 ! Le gouvernement a réagi en imposant aux banques de lui signaler tout versement supérieur à 15 000 euros. Un fait semble disculper les différentes « Mafia », les principales régions concernées par les versements de billets de 500 euros sont les plus riches, principalement celles du nord de l’Italie...
Balayons devant notre porte, entre 2000 et 2007 : « plus de 16 millions d’euros, principalement en billets de 500 euros, ont été extraits des comptes de l’Union des industries et des métiers de la métallurgie. (...) Il s’agissait de « fluidifier les relations sociales », en clair, « de financer, pour partie en liquide, les cinq grands syndicats représentatifs des salariés, partenaires des négociations avec le patronat. » Autre avatar, et ils sont légion, en 2013, le Luxembourg où l'on utilise très peu les espèces dans les transactions courantes, a émis le double de son PIB en billets de 500 euros ! justifiant que ces émissions « répondaient une demande »...
L'attractivité du billet de 500 euros reposerait sur la facilité à transporter de grandes sommes sous un faible encombrement. Sachez qu'un empilement de 10 centimètres de hauteur de billets de 1000 francs suisse, soit un volume de 1,3 litre représente 1 million de CHF et ne pèse qu'un kilogramme, soit près de la moitié que les coupures de 500 euros. A titre de comparaison, un million de dollars en coupures de 100 pèse près de 10 kilos. L'intérêt pour le billet de 1 000 CHF n'a rien de criminel. Selon un rapport de la Banque Nationale Suisse : « la forte proportion de grosses coupures indique que les billets sont non seulement utilisés comme un moyen de paiement mais également – à un degré considérable – comme réserve de valeur ». Et si conserver de l'argent était une précaution destinée à se protéger : des aléas, de l'incertitude, des taux d'intérêt négatifs ou sa vie privée ? Imaginez-vous un couple adultère régler le loyer de leur « garçonnière » avec une carte bancaire ou un chèque ?
Ce que le gouvernement vise c'est l'adoption à terme de moyens de paiements dématérialisés mais pour quelles obscures raisons ? Petites explications techniques rendues nécessaires, les dépôts à vue ne sont sont garantis que par l'engagement de la banque à les convertir sur demande en espèces. Les banques sont tenues par la loi de maintenir une réserve-encaisse minimale. Supposons que vous déposiez 10 000 € sur votre compte, cela entraîne un accroissement de la masse monétaire. Votre banquier va mettre en réserve, mettons, 10 % (Chiffre choisi pour faciliter de compréhension et qui varie selon les États) de cette somme. Il va prêter les 9 000 euros restants à un autre client, qui va à son tour, les déposer sur un compte. La banque recevant ces 9 000 €, va en placer 10 % (900 euros) et émettre un prêt pour la somme de 7 200 €. Le processus peut continuer et prendre de l'ampleur, mais la masse monétaire n'aura augmenté que du dépôt initial de 10 000 euros... Peut-on parler de système pyramidal ? Il n'y a qu'un pas.
Le processus peut être inversé. Vous allez à la banque et vous retirez 10 000 € en espèces que vous conservez dans un coffre. Cela entraîne une baisse de 1 000 € de la réserve obligatoire, mais également une diminution de sa réserve réelle de 10 000 €, ce qui l'amène à 9 000 € en dessous du montant que la banque doit détenir en réserve. La banque va alors refuser d'accorder de nouveaux prêts jusqu'à ce que sa réserve atteigne de nouveau 9 000 €. La base du crédit repose sur la confiance d'où l'origine du nom qui vient de credere qui signifie « croire ». Si les particuliers se décident à retirer la totalité de leurs dépôts à vue et à en conserver chez eux le montant pendant quelques semaines, le système financier serait très fortement ébranlé. En période de doutes, les banques préfèrent conserver une réserve excédentaire et l'argent devient « rare ».
L'idée d'en finir avec les paiements en liquide fait lentement son chemin. Des économistes recommandent de supprimer les espèces pour soutenir la croissance et accroître l'efficience de la politique monétaire des banques centrales ! La détention de la monnaie par les banques représente un coût : armoires fortes, alarmes, conditions de stockage (température et hygrométrie), transport, assurance, manipulation (Pablo Escobar perdait deux milliards de dollars par an, dévorés par les rats :-)). Ce coût est estimé proche de 0,3%, d'où l'idée d'injecter cette masse monétaire dans l'économie pour ne plus avoir à en supporter les frais, et de ramener les taux d'intérêt proches de zéro pour relancer le crédit des particuliers et les entreprises à investir. Il n'est pas question pour l'instant d'appliquer un taux négatif, cela reviendrait pour les entreprises et les particuliers à s'acquitter d'une taxe pour tout dépôt et à les inciter à conserver leur argent chez eux ou auprès de tiers de confiance. Les comptes bancaires seraient à zéro. Benoît Coeuré, membre du directoire de la BCE a déclaré : « La suppression de la barrière du taux zéro par l'élimination du cash dans l'économie peut être envisagée », la solution : « doit être le résultat d'un changement des technologies et des perceptions sociales, et non pas le résultat d'objectifs politiques ». Dit autrement, cela ne saurait être qu'une question de temps comme nous le rappelle le dicton : « Faites leur avaler les mots, ensuite ils avaleront la chose. »
On a commencé par évoquer la suppression des piécettes de 1 et 5 centimes d'euro, histoire de préparer le terrain et d'habituer les mentalités. Après la révolution, l'État a imposé les assignats en remplacement de la monnaie d'or ou d'argent en procédant à son interdiction de 1793 à 1795. Le remplacement de la monnaie fiduciaire (c'est à dire reposant sur la confiance) par une monnaie dématérialisée reste le rêve de tout État totalitaire... L'e-monnaie est un moyen de contrôle du citoyen. Le citoyen privé de liquidités serait à la merci du gouvernement et des organismes de crédits, une simple manipulation sur l'ordinateur suffirait à interdire toute utilisation d'un compte... Certes tous les paiements électroniques pourraient être tracés, mais imaginez aussi les nombreux problèmes que cela engendrerait, des commerçants refusent déjà depuis longtemps les chèques et dans certains villages il est impossible de payer avec une carte bancaire ou un porte-monnaie électronique. La suppression de l'argent liquide sera probablement doublé par une « monnaie » alternative de substitution, monnaie locale, l'or, le diamant, etc., mais cela ne durera qu'un temps. La France a déjà connu plusieurs réquisitions de métaux précieux au cours de son histoire, et l'article 442-4 prohibe l’émission de monnaie parallèle qui aurait les mêmes pouvoirs libératoires que la monnaie, portant directement atteinte au monopole de l’état en ce domaine. La peine encourue est de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 euros d’amende.
Mieux encadrer les cartes bancaires prépayées est l’une des mesures phares du dispositif de lutte contre le financement du terrorisme présentée par Bercy. Avec l'e-monnaie tous nos achats resteront traçables. Que de chemin parcouru depuis l'apparition de la première carte de paiement en 1964 pour réduire l'utilisation des chèques gratuits qui coûtaient cher aux banques. N'importe quel quidam venu peut acheter une carte prépayée. Quand bien même il lui faudrait décliner une identité, c'est le moyen de paiement qui est attaché au porteur, rien ne garantit que l'acheteur de la carte prépayée en soit l'utilisateur final. Tracfin de citer l'exemple de marchands d'or qui avaient mis en place un système pour contourner l'interdiction des opérations d'achat/vente d'or en espèces via l'achat de cartes prépayées en paiement de l'or ! Quant aux flux financiers importants, les « tricheurs » peuvent opter pour un mode de paiement comme le bitcoin. La Russie a fait savoir qu'elle allait créer sa propre cryptomonnaie et interdire l'usage du bitcoin sur son territoire.
La monnaie électronique présente la difficulté d'en contrôler et d'en tracer les flux transfrontaliers de capitaux. Voici un exemple édifiant extrait d'un séminaire réservé aux cadres d'une banque helvétique : « Il a suffi de 600 000 dollars éparpillés sur 20 comptes et sur une durée de sept mois pour commettre l'attentat du XI septembre ! Compte tenu des montants peu élevés, du faible étalement dans durée, et grâce à l'anonymat de la monnaie électronique, ce genre d'opérations est extrêmement difficile à détecter. »
Selon un rapport du Tracfin : « La combinaison des différents nouveaux moyens de paiement peut permettre la mise en place d'un circuit parallèle de flux financiers fonctionnant en dehors du secteur financier traditionnel. » Les cartes prépayées, les moyens de paiements électroniques et la monnaie virtuelle sont autant de moyens susceptibles à être utilisés pour le blanchiment de capitaux ou leur transfert en toute discrétion. Le client peut acheter une de ces cartes chez un buraliste, à un kiosquier, ou même en ligne, l’approvisionner avec du liquide et la remettre à une tierce personne qui peut retirer de l’argent à un distributeur automatique. Certaines cartes sont même rechargeables à distance par un simple SMS envoyé depuis un téléphone portable jetable ! Rien n’empêche d’acquérir plusieurs cartes prépayées, il suffit simplement de ne pas les acheter toutes au même endroit.
D'après l'indice établi par l'Imperial College de Londres, les pays les plus propices à basculer dans le paiement tout électronique sont : la Finlande, Singapour, les États-Unis, le Danemark, et la Suède où on peut d'ores et déjà se passer de monnaie ! En France, cinquante pour-cent des transactions se font encore en espèces. Quant aux terroristes, ils pourront toujours utiliser l'Hawala noir, un mode de paiement traditionnel très discret qui ne laisse quasiment aucune trace puisque le transfert d'argent se fait sans mouvement de fonds ! Un agent de change local (hawaladar) contacte un homologue situé dans le pays où la remise de fonds doit avoir lieu, à charge pour ce dernier de remettre l'argent au destinataire. La contre-partie peut reposer sur un échange de marchandises sur-facturées, ni vu ni connu. Cette pratique en usage chez les travailleurs immigrés leur évite d'avoir à payer des taxes bancaires et autres taux de change, l'intermédiaire se satisfaisant d'une petite commission. La transaction requiert moins de 24 heures !
Si la disparition d'espèces peut favoriser la création d'un revenu universel, elle sonne aussi le tocsin de notre vie privée et le glas de la souveraineté nationale. Nous serons alors aux limbes d'une confédération d'États ou d'une fédération dont la France aura le statut de province. Il n'y a pas de souveraineté sans une monnaie capable d'amortir les soubresauts de l'économie.
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