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Accueil du site > Tribune Libre > Les folies de la Guerre Froide révélées (8) : et pendant ce temps les (...)

Les folies de la Guerre Froide révélées (8) : et pendant ce temps les russes

Les américains avaient été surpris, le mot est faible, par les premiers lancements de satellites russes, qui à chaque nouvel exemplaire prenaient de l'embonpoint supplémentaire. Ce qu'ils ignoraient, c'est que le véhicule du tout premier envoi avait été conçu dès le départ par une décision purement politique qui avait intimé à un groupe de chercheurs de réaliser dans un délai raisonnable un engin capable d'une double mission : emporter un bloc de caméras d'observation destiné à espionner les USA ou emmener dans l'espace un être humain... . D'emblée, l'URSS avait indiqué quelle tournure prendrait sa recherche astronautique : ça n'aurait rien de civil. L'engin final de cette course effrénée au renseignement sera le fruit de l'imagination d'un concurrent malheureux de la course à la Lune soviétique : l'œuvre de Vladimir Nikolevitch Tchelomeï, l'homme de la très efficace fusée Proton, laissée pour compte, hélas, de la conquête lunaire soviétique. Mais avant cela, revenons tout d'abord aux débuts de l'ère astronautique... russe.

La gestation du programme soviétique de satellites espions remonte elle aussi aux V-2. Joseph Staline, fasciné lui aussi par les fusées, avait insisté pour que démarre au plus vite chez lui le développement de cette arme qu'il jugeait incontournable au sortir de la Seconde Guerre Mondiale. Le 13 mai 1946 il signait donc le décret annonçant le début du développement de missiles balistiques soviétiques. Dès le mois d'août 1946, l'Institut de recherche scientifique NII-88 sous la direction de Dmitri Fedorovich Ustinov a été mis en place pour copier le missile V-2. Sergueï Korolev, envoyé en camp pour désobéissance, était appelé à la hâte avec Valentin Glushko nommé lui-même à la tête du GDL-OKB, chargé ce concevoir des moteurs de fusées de Korolev. Les soviétiques récupèrent en même temps les 22 et 23 Octobre 1946 234 employés allemands de l'usine de Mittelwerke, et les expédient à Gordodomlya sur le lac Seleger, entre Moscou et Leningrad, où ont lieu les recherches (secrètes) sur les fusées :  à la tête du staff allemand se trouve Helmut Groettrup (ici à droite sur la photo en promenade sur un des lacs), qui tente vite de prendre un ascendant sur tout le monde. L'homme qui les a retrouvés s'appelle Boris Tschertok, qui fait figure de chasseur de têtes. La décision est un ordre impératif de Staline,   il a donc été réalisé avec zèle : on pense que ce fut près de 500 personnes (sans compter leurs familles) comportant aussi bien des chercheurs que des techniciens ou de simples ouvriers qui ont été déplacés par trains entiers vers le lac Seleger. Tous partis de l'l'Allemagne de l'Est, ils ne repasseront pas la frontière de Francfort sur l'Oder avant le 25 novembre 1953. Lorsqu'on était venu les chercher, on leur avait dit "par ordre de l'administration militaire soviétique, vous devez effectuer 5 ans de présence en Union Soviétique, vous pouvez venir avec vos femmes, vos enfants s'ils veulent venir avec vous ... ".

Les russes ont fait... comme exactement comme les américains, en pillant tout d'abord le contenu de Nordhausen (ou ce qu'il en restait après le passage des hommes de l'Opération "Lusty") : "en Octobre 1946, 733 spécialistes soviétiques, et entre 5 000 et 7 000 Allemands travaillaient pour l'Institut de Nordhausen. Selon les documents soviétiques de mai 1946, 330 spécialistes allemands travaillaient à l'usine n°3, dont 30 ingénieurs et techniciens, 23 dessinateurs et 277 mécaniciens et ouvriers. Les Russes avaient comme directeur de l'usine Evgeny Kurilo et comme chef de l'assemblage des chambres de combustion Artamonov. Dans le même temps 300 Allemands travaillaient à l'Institut Rabe (de l'allemand Raketenbau und Entwicklung...) Au début de 1947, les Soviétiques achevé le transfert de tous les travaux sur la technologie des fusées venant d'Allemagne dans des lieux secrets en URSS. À la fin de Février 1947, Sergueï Korolev est devenu l'un des derniers spécialistes soviétiques de retourner en Allemagne. Moins d'un mois plus tard, l'Institut Nordhausen a officiellement cessé d'exister. Les cavernes vides des usines souterraines de fusées de Nordhausen ont été dynamitées par les soldats soviétiques"..

"Au cours de 1945 et la majeure partie de 1946, les spécialistes soviétiques, avec l'aide d'ingénieurs allemands, ont rétabli une ligne de production d'A-4 en Allemagne, qui s'est avéré compter une dizaine de missiles. Selon une source russe, 20 fusées ont été assemblées à l'usine n°3 de Bodungen Klein et cinq autres dans l'usine souterraine de Nordhausen. En outre, diverses pièces de rechange ont suffi à assembler une douzaine de A-4 qui ont été envoyés à l'Union soviétique. Parallèlement, les ingénieurs russes ont commencé à examiner leurs propres idées sur l'amélioration de l'A-4. Au début d'août 1946, Korolev a demandé à son adjoint Vasily Mishin de retourner d'Allemagne en union soviétique et a dirigé les préparatifs pour la production A-4 à l'usine n°88 de Podlipki, près de Moscou. Le 9 Août 1946, était de Mishin retour à l'URSS."

De Podliki, on va passer à Kasputin Yar, pour des raisons de sécurité et pour préserver le secret des opérations : c'est exactement le même schéma que celui suivi par les américains au même moment  : "en mai 1946, à partir de White Sands, au Nouveau Mexique, les Américains effectuent le premier lancement d'une fusée A 4, qui avait été acquise en Allemagne. En mai de la même année, il a été décidé de créer une gamme similaire d'essais militaire en Union soviétique. Le major-général Vassili Ivanovitch Voznyuk a été nommé comme chef de file dans la recherche de l'emplacement des nouveaux essais. En peu de temps, sept endroits potentiels différents  ont été scrupuleusement inspectés ; pour leur construction, leur communication, leur hydrologie et leur météorologie. Sur les sept, deux ont été choisis comme étant les plus appropriés. Le premier était près de Stalingrad (aujourd'hui Volgograd), à côté du village de Kapustin Yar (qui finirait par donner son nom à l'emplacement ), dans la région de l'Astrakhan. La deuxième option était dans le village cosaque de Naurskia, dans la région de Grozny." C'est à Kasputin Yar, finalement, que sont amenées les premières fusées allemandes : "ls ont construit tout cela dans le seul but de tester les fusées A-4, qui était considérées comme la priorité absolue. La construction des abris pour le personnel n'était même pas commencé en 1948. Les constructeurs et les futurs testeurs ont vécu dans la steppe nue, dans des tentes et des abris temporaires, ou étaient logés par les habitants des villages alentours.  Les supérieurs vivaient à l'intérieur des voitures de luxe des trains de marchandises stationnés, qui ont fourni à la fois l'espace de vie suffisant et un wagon-restaurant. Au 1er octobre 1947, des nouvelles de l'achèvement du pas de tir "O" sont`arrivées à Moscou, et le 14 a eu lieu le premier tir de V-2 (A-4), les fusées étant arrivés, après avoir été assemblés en partie en Allemagne et en partie à Podlipki". Les V2 améliorées appellées R-2 deviennent le territoire d'essai de récupération par parachutes de cônes de nez de fusées, certaines emportant déjà... des animaux. La même chose qu'à White Sands ; où les mêmes missiles sont essayés, comme le montre ce cliché en couleurs datant de la même période :

La comparaison avec White Sands se tient, car ce sont les mêmes expériences qui y seront ménées  :"Le 18 Octobre, à 10:47, heure de Moscou, le premier lancement d'une fusée balistique par l'URSS a eu lieu. La fusée a atteint une hauteur de 86 kilomètres, et a explosé en atteignant les couches denses de l'atmosphère.  Il a volé 274 km à partir de sa position de départ, avec un écart 30 km de sa cible. Du 18 àctobre au 13 Novembre 1947, une série de fusées V-2 ont été lancées. Parmi les onze lancements (dix selon une autre source), neuf vols ont réussi, mais aussi avec des écarts assez importants, et deux échecs ont été subis. Les dix années suivantes,  Kapustin Yar est devenu le seul endroit de lancement de fusées balistiques soviétiques. Les tests ont été effectués sur les fusées R-1 (en septembre-octobre 1948, et septembre-octobre 1949), les R-2 (Septembre-Octobre 1949), la R-5 (en mars 1953), et les R-12, R-14, et avec le triste-souvenir de la fusée de la guerre froide : le SS-20 ou RSD-10, le célèbre "Scud", ainsi qu'une grande quantité d'autres fusées, dans une gamme de petites et moyennes, et des missiles ailés". Le même programme qu'à White Sands ! 

La première tâche était en effet immense : pour remettre le V-2 en production en Russie, il fallait tout réinventer, la russie en étant à l'état de l'Allemagne dans les années 1930 dans le domaine. Deux modèles seront retenus pour succéder au V-2 (ici en photo sur le site de Kapustin Yar au bord de la Volga près de Volgograd (ancien Stalingrad) : la R-2 conçue par Korolev en 1947-1948 et la G-1 fabriquée par Helmut Groettrup. En décembre 1948, c'est la R-2 de Korolev qui est donnée gagnante par les scientifiques, mais diverses coteries politiques (dont Staline rafffolait) font que c'est la G-1 qui sera testée en priorité de septembre 1949 à juillet 1951. Le 7 Décembre 1949 c'est au tour du missile balistique d'être sélectionné : la R-3, un missile performant de 27 mètres de long et 2,74 de diamètre, dotée de moteurs RD-110 signé Glouchko de Korolev se retrouve à nouveau écarté au profit de la Groettrup G-4/R-1. la Groettrup était déjà prête depuis juin 1949 : extérieurement, elle ressemblait fort à ce qui deviendra l'un des boosters de la fusée des Vostoks.  Le nom G4 disparaîtra peu après pour devenir G-10. Après une R-3 (une G4 ratée) et une R-5 intermédiaire, mais déjà en cluster de corps de fiusée, (qui connaîtra 2 échecs seulement sur 13 tirs), Korolev décide d'équiper son nouveau missile de quatre exemplaires de G-4/G-10 de son rival, des fusées mesurant chacune 19,80 m de haut pour un diamètre de 2,68 m, et en faire un assemblage en faisceau, sorte de fusée à un étage et demi (en ignorant les étages supérieurs supplémentaires).

L'intuition de Korolev va se révéler géniale, la fusée délivrant une énorme poussée dès le décollage avec ses 20 moteurs à la base (plus 12 verniers de direction, une innovation par rapport au V-2 : les 32 tuyères délivrent en effet ensemble 500 tonnes de poussée !). Le projet intitulé R-7 est présenté en 1953 et sa délicate réalisation prendra 4 longues années de mise au point. Ce sera la R-7 (ou Semyorka, littéralement "petit 7"), qui, très vite, séduira les autorités politiques par ses immenses capacités potentielles.  Les américains l'appelleront SS-6 Sapwood. L'engin est en effet imposant : il mesure 30,5 m de hauteur, pèse 267 tonnes au décollage et marche à l'oxygène liquide (LOX) et au kérosène... comme le V-2. En face, le Vanguard de la Marine US passe pour simple un fêtu de paille. Le premier essai sera pourtant un échec le 15 mai 1957 : parti de Baikonour l'engin n'effectuera que 400 km avant de s'écraser en pleine steppe. Un vol de 103 secondes ! Les tirs du 9 juin et du 12 juillet le seront aussi, mais en parcourant 6 000 km, le 21 août 1957, au quatrième essai, Korolev montra la pleine validité du concept du missile balistique intercontinental, le tout premier du genre. Un concept qui tiendra dans le temps... une longue lignée, puisqu'aujourd'hui, encore elle dure toujours

L'engin a donc d'emblée un double rôle, et même un triple si on l'envisage comme missile ICBM." L'obstination de Korolev et son attention personnelle pour les détails ont surmonté tous les obstacles. Le R-7 a été lancé avec succès le 21 Août 1957, puis mis en orbite le premier satellite artificiel, le 4 Octobre 1957. Le premier satellite opérationnel pour le lanceur devait être le satellite photoreconnaissance Zenit militaire. Korolev, salué unanimement après le succès de Spoutnik, a à la placeu préconisé les vols spatiaux habités qui devraient selon lui avoir la priorité. Après de violentes querelles, une solution de compromis a été atteint. Korolev a été autorisé à procéder à l'élaboration d'un vaisseau spatial pour atteindre des vols habités à la date la plus rapprochée possible. Cependant, la conception serait telle que le même engin spatial pourrait être utilisé pour remplir l'exigence militaire de satellite de reconnaissance photographique. En Novembre 1958, le Conseil des designers a approuvé le programme spatial habité de Vostok, en combinaison avec le programme Zenit satellite espion. Le Vostok mettrait le premier être humain dans l'espace le 12 Avril 1961". Korolev ne pouvant se charger de tout, la division des missile balistiques et interontinentaux lui échappe ; elle est confiée à Yangel. Sa division sera marquée par une terrible catastrophe, la première du genre par l'ampleur de ses dégâts et l'horreur qu'elle provoquera, les soviétiques ayant filmé leurs techniciens le corps enlammé tentant e s'échapperdu brasier.  

Les russes possédent donc dès 1957 le vecteur, capable d'emblée de satelliser de lourdes charges. Soit 4,730 tonnes en orbite basse, ou 1840 kg à 920 km d'altitude, ce qui colossal pour l'époque. Le but visé au départ est bien d'emporter dans l'ordre une charge militaire atomique, puis des caméras : l'homme n'est venu qu'après comme proposition. Comme le dira plus tard Boris Chertok, l'un des adjoints de Korolevlors d'un entretien à la BBC, si elle n'y avait pas eu la Guerre Froide, la course à l'espace n'aurait jamais eu lieu, et l'âge de l'espace aurait commencé beaucoup plus tard. Pour l'espionnage via satellite, ça commence donc très tôt chez les russes : officiellement, par décret du gouvernement soviétique, l'usine de Korolev reçoit en effet le 30 janvier 1956 l'ordre de commencer le développement d'un satellite artificiel appelé "Objet D" (qui deviendra plus tard Spoutnik III, en forme de cône, lancé le 15 mai1958), destiné à être lancé par le missile balistique intercontinental R-7 qui vient juste de faire ses preuves. Et en même temps aussi, d'élaborer un satellite de reconnaissance photo, appellé "Object OD-1" (pour "Orientirovanny D", ou "Orienté D") : dès le départ, la capsule souhaitée par le pouvoir soviétique a pour vocation l'espionnage (des USA). Le premier deviendra Spoutnik III, les modèles suivants seront de deux sortes : Object OD-1, qui restera un satellite démuni de systèmes d'orientation (satellite passif façon "Mercury"), et Object OD-2, qui sera muni d'un système de contrôle d'attitude et de stabilisation. Plus prometteur, ce dernier sera suivi de près par le bureau NII-1 de l'academicien M.V. Keldysh, avec notamment Konstantin Feoktistov qui deviendra plus tard lui-même cosmonaute.

Question design, l'OD-2 est en fait un des premiers jets de ce que sera un peu plus tard la cabine Vostok. Son double de reconnaissance photo recevant alors le nom de Zenit. On peut donc considérer le Zénit comme étant le tout premier satellite espion au monde. Les russes, fort prosaïquement, ont conclu avec lui que la sphère était la meilleure forme pour une capsule habitée : elle présente le meilleur rapport surface extérieure/habitabilité, et n'a pas besoin d'être orientée pour entrer dans l'atmosphère : naturellement, elle présente son fond le plus lourd vers la Terre. Le design ne sera que peu remanié avant Soyouz, le Voskhod à trois places étant un Vostok modifié et non un réelle nouveauté. 

Les deux engins conçus sont donc des grosses boules de 2,3 m de diamètre revêtues d'un matériau ablatif (voir ci-contre) pour supporter la rentrée dans l'atmosphère, reprenant le concept du modèle 1K-P, conçu par Mikhaïl Klavdievitch Tikhonravov, ce dernier étant dépourvu de revêtement protecteur.  Sous le vaisseau récupérable, une base conique emportant les rétrofusées et les sphères à oxygène ou à hydrazine pour diriger la capsule, et un système de refroidissement par volets orientable assez étonnant. Deux petits panneaux solaires en éventail en haut d'un mât complètent l'engin (ils disparaîtront sur le Vostok final). L'1K-P sera testé en vol le 15 mai 1960, et sera détruit lors de sa rentrée atmosphérique. A la suite d'une erreur de programmation, le véhicule se retrouvera trop haut en apogée et ne redescendra que le 5 septembre 1962 en explosant en centaines de morceaux. On en retrouvera un bout aux USA, à Manitowoc, dans le Wisconsin, en pleine rue, un impact marquant depuis sa cgute par un cercle de fer ! La chute était voulue : la capsule "devait se consumer en rentrant dans l'atmosphère pour et ne pas tomber pas entre les mains de la concurrence" avouera plus tard K.Feoktistov. Ont participé à son élaboration N. M. Tereshenkova, K. S. Shustin, V. V. Molodtsov, K. P. Feoktistov, L. A. Gorshkov, V. Ye. Lyubinsky.

Globalement, l'1K-P avait tout, déjà, d'une cabine Vostok : des rumeurs (infondées et démenties historiquement) laisseront même entrevoir qu'il y a aurait eu un cosmonaute à bord. Les lancements russes, toujours faits dans le plus grand secret, se prêteront longtemps à ce genre de dérives médiatiques : le jour où les russes montreront le mannequin en forme d'être humain marqué au travers du torse d'un grand panneau "maquette-mannequin", des médias sans scrupules le présenteront, étiquette effacée, comme un cadavre de cosmonaute ! Une histoire entretenue facilement par les déboires des premiers essais laborieux du Vostok :  sur quatre exemplaires lancés, le 15 juillet, le 19 août, le 1er décembre et le 22 décembre 1960, un seul sera une réussite ; le deuxième, celui emportant à bord de la capsule les deux chiennes Belka et Strelka, obstinément appellé "Spoutnik" par les soviétiques, qui montreront certes la capsule avec les deux chiots, mais pas l'intégralité de l'habitacle où elles étaient. En fait, elles avaient été mises dans un compartiment déposé sur le siège éjectable prévu pour la future cabine humaine. D'autres cabots russes ont dû périr, dans les explosiion précédentes, pour sûr (dont Pchelka et Mushka), victimes de la présomption humaine à vouloir conquérir l'espace. 

Le vaisseau remanié après les premières tentatives, équipé de son siège éjectable atmosphérique (au départ il devait être éjecté de plus haut et aurait nécessité une lourde protection ablative, abandonnée), est alors appelé officiellement Vostok 3KA. Les russes en effectueront deux essais réussis : celui du Vostok 3KA-1,  vaisseau lancé le 9 mars 1961, Vostok 3KA-2 l'étant le 23 mars 1961. C'est le troisième exemplaire Vostok 3KA-3 (officiellement dénommé Vostok 1), qui rentrera dans l'histoire avec le vol de Gagarine ; Le siège éjecté fonctionnera parfaitement, Gagarine atterrissant suspendu à son parachute dorsal, ce qui l'empêchera de battre un record d'altitude international, ayant quitté auparavant la capsule qui l'avait mené là où l'homme n'était jamais allé. Plus tard, les russes se passeront de la phase d'éjection (en équipant leur vaisseau de rétro-fusées déclenchées près du sol)... pour mémoire, la 3KA-2 originale a été vendue à Sotheby, à New York le 12 avril 2011 pour 2,9 millions de dollars à un business man russe, Evgeny Yurchenko.

Deux versions sont donc prévues dès la mise en route du projet de capsule Vostok : celle pour emporter un cosmonaute, et celle contrenant des caméras d'espionnage. Extérieurement c'est la même. Un décret du 22 mai 1959 en met en marche la fabrication des deux modèles. Parmi les véhicules en chantier en 1960, on a donc Vostok-1, la version de développement (des deux modèles), la Vostok-2 (ou Object 2K), le vaisseau photographique automatique seul (reconnaissable à ses trois hublots), et Vostok-3 (ou Object 3K) sa version pilotée, Vostok-4 (Object 4K) devant être dans le futur une version a caméra haute-définition du Vostok-2. En novembre1958 le bureau des designers prend la décision de donner la priorité à version Object 3K de l'OD-2 :  c'est désormais le piloté qui passe d'abord : question prestige, il devrait avoir plus de retombées politiques. 

Le magazine Historia, dans son numéro spécial de mai 2000, rappelle les faits : "les Soviétiques disposaient aussi, bien entendu, de satellites-espions. Lorsqu'ils lancèrent leur premier exemplaire sous le nom de code Zenit, en avril 1962, les Américains avaient toutefois, grâce à leurs Corona, une bonne longueur d'avance. Ces Zenit, curieusement, n'étaient pas des satellites spécifiques, mais des vaisseaux spatiaux Vostok modifiés, dans lesquels les caméras et les réserves de film remplaçaient le cosmonaute. Comme les Etats-Unis le firent avec Corona, l'Union soviétique masqua le but réel de son programme Zenit, lui aussi censé faire de la recherche scientifique, avec des satellites qui reçurent le nom générique de Kosmos". La version Zenit de reconnaissance photo aura pourtant une plus longue carrièr sera lancée plus de 700 fois en 33 ans d'existence (en comptant les versions Resurs), preuve que le concept de base était... parfait. A bord, une caméra Ftor-2 prendra des clichés de 10-11 m de résolution en noir et blanc, ou de 31-33 m en couleurs, grâce à deux caméras, une 200 mm et une 1000 mm de focale dessinées par V. Riabushkin. Chaque cliché couvrant 147 x 225 km ; chacune des mission ramenant des photos de 27 à 76 million km2 (ici le développement de la version 2K avec le modèle Resurs F1 de 1993). Les Resurs descendront dans leurs dernières versions 2-3 m de résolution (et même à un mètre avec leur camera Resurs-DK :  avec ses 5 caméras à bord : deux KFA-1000 prenant des clichés de 30 × 30 cm à travers des ojectifs de 1000 mm (pour 4-6 mètres en résolution) et trois "Kate-200" en 18 × 18 cm couleur via des objectifs de 200 mm objectives (donnant 15 à 30 mètres de resolution). Une version encore améliorée sera lancée à partir du 31 octobre 1968 de sous le nom de Zenit-4M (Rotor, 11F691), doté d'une caméra Ftor-6. L'engin travaillant dans les basses couches, était doté de "panneaux aérodynamiques" et surtout d'une caméra à miroir interne de plus grande dimension. Les premiers gros consommateurs d'images d'espionnage satellitaire sont les russes, et il le font à une échelle démentielle. Les 3/4 de ce qu'ils lanceront pendant plus de 50 ans seront militaires.

Les préparatifs laborieux de la première capsule de type Vostok expliquent en partie le lancement surprenant de Spoutnik, petit engin de 83 kilos seulement en comparaison de la grosse boule en préparation. En fait, Korolev, confronté à un problème de poussée sur sa R-7 a demandé début 1957 aux responsables politiques de surseoir au lancement du prototype de Vostok en le remplaçant par un satellite beaucoup plus petit "de moins de 200 kgs", qu'il est alors sûr de pouvoir lancer. Le second satellite, Spoutnik 2, dans le genre, faisant 2 mètres de diamètre  sur 4 de haut et lourd de 508 kg, sera un bricolage de dernière minute exigé par Kroutchev, sorte de Spoutnik 1 posé sur une cage à animal... Laïka, premier martyr de l'espace (elle meurt étouffée avant d'être carbonisée lors de la rentrée dans l'atmosphère le 14 avril 1958, au moment où Von Braun lance son Explorer 1). Spoutnik III (ici à gauche) n'étant... qu'un empilage de batteries, carrossé en forme de cône pointu. Les préparatifs du "Pamplemousse" américain précipitant les préparatifs de lancement. Très vite, les russes retrouvent sur la R-7 une poussée maximale et les Spoutnik 4 et 5 sont des sphères lourdes (1 477 kilos !) déjà des Vostok déguisés.  Ce mélange d'appelllation servira de couverture, à l'Ouest on s'y perdra complètement. Les russes ayant compris l'intérêt à brouiller autant les pistes choisiront à partir de là d'appeler tous leurs lancements "Cosmos", ce qui ajoutera alors à la confusion : seules les trajectoires permettront aux américains de savoir ce qu'il en était, les satellites militaires croisant plutôt sur des orbites polaires.  Dès 1966, mars, l'OKB 1 s'est vu officialiser ses missions en devenant le TSKBEM Central Design Bureau of Experimental Machines Building, ayant comme missions prioritaires les vols spatiaux, les mission scientifiques.... et les missions de reconnaissance photographiques.

Après les Zenit, arriveront en 1979 les Resurs-F de reconnaissance militaire, (ayant son pendant- ou leur couverture civile sous le nom de Resurs-01) ; dont une des caméras du modèle F-3 exposée, dessinée par D.S. Volosov (le créateur des Helios) montre qu'elle possédait une focale de... 3 m ; avec une ouverture de 1:10 et pesait 72,5 kg. Satellites de basse altitude (de 170-à 275 km) embarquaient habituellement quatre d'une résolution de 4 à 7 m, des SA-20M ou KFA-1000 (d'un mètre de focale pour une image de 30x30 cm couvrant 66x66 aou 105 sur 105 km) et le SA-34 avec ses Kate-200, le modèle Resurs-F3 présentant la fameuse caméra panchromatique d'une résolution de 2m).  Et L'URSS, piquée au vif par la présence des satellites Discoverer/Corona au dessus de son territoire, ne va certes pas en rester là dans les années qui vont suivre....et ne cessera de développer la qualité de prise de vues de ses satellites ; Voici ci-dessous Vienne, photographié par la caméra KFA-3000 de Zenit-8 (Kosmos 1571 lancé en 1984). Une image de 30x30cm affichant une résolution de 2 m...les deux super puissances de l'espace sont au même point, question surveillance mutuelle, pense-t-on : pas exactement. Les nouveaux Corona distancent de loin leurs homologies soviétiques. A bord, ils emportent un télescope, produit par la société qui produira celui d'Hubble. 

les premiers missiles russes ici (en russe)
http://rau-rostov.narod.ru/01/rvsn-rsd/r-1.htm
site sur les premiers essais de fusée et les liens avec Dora
http://www.theangstguy.com/fanfics/rocketgirls0.html

 
Sur la course à l'espace le documentaire télévisé de la BBC et Christopher Spencer (diffusé aussi sur Arte)
1) http://www.youtube.com/watch?v=ST4emxOd9Qo&feature=related
2) http://www.youtube.com/watch?v=H6Kc-Zi4tU0&feature=relmfu
3) http://www.youtube.com/watch?v=8B94ftc9UVA&feature=relmfu
4) http://www.youtube.com/watch?v=CrqsdRaVwUo&feature=autoplay&list=PL9397B481A7928ED9&playnext=4
 
"Space Race- The Untold Story" du National Geographic :
http://www.youtube.com/watch?v=w-8I_M5723Q&feature=related
 
vue en détail de Spoutnik 5
vue en détail de Spoutnik 4

http://www.planet4589.org/space/misc/moscow/vostok1kp.html

référence de l'article : "les archives inédites de la conquête spatiale" Historia, mai 2000

http://www.mentallandscape.com/v_cameras.htm

superbe dossier graphique sur la taille relative des fusées russes ici :

http://blisty.cz/art/45218.html

dossier vostok

http://viking.coe.uh.edu/ gkitmacher/_content/spacecraft/Capsules%20Historic%20folder/vostok.pdf


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5 réactions à cet article    


  • carolucem 5 septembre 2012 16:41

    s’il n’y avait pas eu la Guerre Froide, la course à l’espace n’aurait jamais eu lieu. 

    On n’imaginait pas a l’époque que cette « guerre » aurait des retombées positives comme les progres de la météo ou le GPS notament.
    Merci Morice pour ce nouveau feuilleton passionnant. 

    • morice morice 5 septembre 2012 23:58

      « s’il n’y avait pas eu la Guerre Froide, la course à l’espace n’aurait jamais eu lieu. »

      Et sans Hitler et ses V2 non plus !


      non, ça se tient et c’est ce que j’ai raconté ici : vous avez raté l’épisode ?





        • morice morice 6 septembre 2012 12:49

          les mouches attirant les mouches, voilà Cogno qui se ramène...


          post précédent, plein de délicatesse 

          Par cogno3 (xxx.xxx.xxx.179) 6 septembre 12:14

          allez jeter de l’huile sur le feu ailleurs Zubi : vous n’apportez rien et ne venez qu’attiser les haines ici : ras le bol !

          Bah, à part de la vénération tu cherches quoi toi ici ?
          Oui oui, vénération, car il faut s’écraser devant ta tronche, vu comment tu envoies chier tout le monde.
          Tu cherches, tu trouves, et oui, ras le bol de ta façon d’être, tu veux cogner ? viens pas te plaindre quant on te sort tes 4 vérités.


          283 interventions par mois : assez pour faire un article, qu’il n’écrira jamais, bien sûr : trop peur d’être ridiculisé : le troll parfait : commente tout ;.. et ne fait surtout rien bien sûr ;...


          adroit, il arrive à moinsser au moins deux fois ici


          http://www.agoravox.fr/auteur/cogno

          a eu une période cogno2, visiblement supprimée pour trollisme excessif

          http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/auteur/cogno2


          et s’appelle maintenant cogno2, pour voter ici deux fois avec deux inscriptions encore en cours : le TROLL PARFAIT je vous dit !


          • momo momo 26 décembre 2013 13:21

            Félicette : http://antiintox.canalblog.com/archives/2013/10/18/28056611.html

            http://antiintox.canalblog.com/archives/2013/12/16/28600550.html

            Et Félicette ? Qui s’en occupe ? Car au lieu de déblatérer sur l’excellent travail de Morice, même s’il déçoit les hyper-spécialistes, ces derniers feraient mieux de se bouger le cul pour notre chatte nationale ; Ce serait vachement plus intelligent.

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