Les machines seront l’avenir de l’homme
...et gagneront zéro. Les meilleures volontés, capables de prendre le rythme de croisière et le tenir deux fois trois heures et demi dans la même journée, sont légions, et pourtant, elles seraient découragées par la vision de ce que peut faire une machine même silencieuse à leur place. Les plus rapides et fins scrutateurs, capables de lire ou de taper le plus grand nombre de caractères à la seconde, seraient dégoûtés à l’idée de ce que peut faire n’importe quelle machine bien programmée à l’avance. L’homme n’est plus rien face à la qualité de la machine qui ne ment pas. L’humain n’est plus considéré devant le dieu vivant qu’est la moindre machine, à commencer par celle qui compte deux yeux, un nez, une bouche et quatre...roues.
Dans l’industrie, un lecteur de code barre met une fraction de seconde pour différencier deux actes différents et autant pour analyser et signaler qu’il n’y en a plus la pièce en stock. Une trieuse de courriers lisant les codes postaux voit défiler les lettres plus vite que l’œil ne peut même apercevoir et compter combien sont traitées à la seconde. Ces travaux exécutés à la main coûteraient l’équivalent de dizaines d’emplois pour les exécuter avec un taux semblable d’erreurs. La machine est donc devenue la pièce maitresse de ce jeu de dupe où l’humain n’est plus qu’un encombrant partenaire. Pire, dans certaines entreprises, il n’y a plus que des machines qui travaillent avec, de chaque coté, un opérateur en réglages d’appoint à un bout, et un cariste trans-palette en réception du travail accompli à l’autre.
Dans les transports, cette machine qui ressemble à dix autocars raccordés entre eux avec deux camions citernes profilés de trente cinq tonnes de kérosène tendus de chaque côtés de son corps, emmène à dix mille mètres cinq cent passagers, grâce à des moteurs qui ne respirent plus pendant dix heures d’affilée. La même, électrique cette fois, sur ces rails, qui malgré les temps d’attente et d’embarquement aux gares, ses arrêts stations, et retour à destination en centre ville par transport en commun, arrive avant la voiture particulière dans certains cas, après mille kilomètres et une certaine fatigue pour les articulations tendues. Ce même train et surtout sa machine, bien que le prix de son ticket, variable certes, soit resté semblable au passé, coûte jusqu’à cent fois moins cher à l’entretien. C’est souvent ce dernier qui est responsable des pannes qui interviennent de temps en temps, et de plus en plus souvent.
Dans les banques, à part le personnel qui gère la queue des clients pour ouverture, modification ou interruption de comptes, ce ne sont plus que les ordinateurs qui travaillent. Et au sommet de cette hiérarchie, il existe maintenant une machine raccordée aux réseaux mondiaux de la bourse qui lit et programme en instantané les cours des valeurs et intervient en temps réel sur les transferts à opérer dans l’immédiat. Malheureusement, la machine n’est plus programmée pour obéir, n’a plus rien d’humain et ne se frappe pas trois fois le front avant de projeter tous ses bénéfices de la veille sur la valeur du jour quelle qu’elle soit. Elle se contente de projeter d’un seul coup tout ce qu’elle a sur la courbe dont elle sait qu’ immanquablement elle devra ainsi remonter.
Le spéculateur en direct, qui dispose d’un Iphone 3G et annonceur d’alerte, susceptible de lui permettre de réagir immédiatement sur son propre compte, correspond à ce que ne fait jamais celui qui a confié son portefeuille à un professionnel tel était Madoff, mais à condition qu’il n’ait que cela à faire. Ainsi à part les initiés qui suivent à la lettre les cours et réagissent avec la plus grande vivacité sans jamais ne plus regarder que les chiffres, tous les autres, qui basculent leurs avoirs ou leurs payes dans les guichets des banques ou par virements mensuels, ignorent complètement l’issue de leurs valeurs. Ils ne savent pas, par exemple, que quand le blé devient moins cher que le pétrole, des quantités de clients déjà équipés et initiés, vont en commander pour le bruler dans leurs chaudières mixtes, capable d’accepter aussi bien des copeaux, des résidus secs quelconques broyés, des aliments pour bétail, des sciures de bois divers ou du grain pur. Par contre, ceux qui spéculent sur la montée prochaine du pétrole, eux le savent forcément, s’y préparent et agissent même dans ce sens.
Mais, si l’on y regarde de plus près, nos grands parents et aïeux, eux, étaient tous des spéculateurs sur la terre. En sélectionnant leurs semences, échangeant les meilleures avec leurs voisins proches ou lointains, les plantant dans la terre qu’ils avaient eux même secouée et de laquelle ils avaient refoulé tous les parasites d’étrangers, sans l’ombre du moindre racisme, ils ne faisaient que spéculer sur les récoltes à venir, tout en scrutant habilement les cours des valeurs météorologiques. S’ils étaient si fiers et si instruits, c’est qu’il ne devaient leur survie qu’au fruit de leur travail quotidien, de leurs nombreuses connaissances dans tous les domaines, et ils ne voyageaient que les années fastes qu’après bénéfice sur la récolte. Spéculer n’est pas en soi une mauvaise chose à deux conditions : que ce ne soit, ni sur la machine qui prendra immanquablement un jour le pouvoir sur l’humain, ni sur les fruits de celles-ci, qui deviennent résolument inhumaines.
En résumé, il faut spéculer sur ce qui va devenir interdit. C’est la rareté qui en fera l’assurance d’une hausse garantie et obligatoire. Les lois qui se bousculent au portillon de plus en plus étroit de nos libertés, savamment mesurées et pesées par les marionnettes qui tirent les ficelles derrière nos gouvernants serviles mais prolifiques, disparaissent à grand pas.
Il faut spéculer sur la liberté, car elle va se faire de plus en plus rare et donc...chère.
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