Les manoeuvres qui préparent les guerres... L’exemple de Voltaire (article numéro 3)
Or, dans le Mémoire touchant Salomon Lévi, nous touchons du doigt, nous, un élément essentiel : Salomon Lévi, attaché au ministre de la Guerre, Chamillart, aura été “munitionnaire de l’armée impériale (chez l’ennemi donc) en Italie” et espion du maréchal de Villeroi : un munitionnaire sait tout et doit tout savoir sur les mouvements de troupes, etc. Salomon Lévi aura également été en situation de “faire des liaisons” avec d’autres “munitionnaires” de l’empereur. Disons-le immédiatement, Voltaire fera aussi bien, Voltaire fera même beaucoup mieux. La guerre, c’est vraiment sa passion, une passion couronnée des plus extrêmes succès : l’argent (l’or) à flots, mais aussi les trépidations de toute sa machine, comme dirait l’autre.
En attendant, les deux qui jouissent, eux aussi, mais de façon plantureusement bourgeoise, ce sont les frères Pâris. Ils pointent le bout du nez dans les deux lettres à Thieriot : à gauche, le spécialiste des vivres aux armées, Pâris-Duverney ; à droite, son frère, le banquier Pâris de Montmartel. La réussite fracassante qu’ils préparent pour la France (et on pourrait dire : indirectement pour Voltaire) n’est encore qu’un bébé d’un an tout juste aux derniers jours de 1722.
Vingt-trois ans plus tard, devenu madame de Pompadour, ils le déposeront tout doucement, ce beau bébé, dans la couche de Louis XV, de sorte que, après onze ans encore, les Pâris et Voltaire l’auront enfin leur guerre, cette guerre (de Sept-Ans) qui va ruiner définitivement le royaume de France… Et riche, et riche, le poète de la fleur au fusil !... face à une économie française qui s’effondrait sous les impôts de toutes sortes (la dette de guerre), tandis que lui, à Ferney, ne payait pas d’impôts (grand merci ! au duc de Choiseul, son ami).
Pour en finir avec 1722, remarquons seulement que Voltaire est en situation de demander aux Pâris le service d’employer son ami Thieriot. Cela paraît dû à une Ode sur la chambre de justice, rédigée par lui et à leur demande quelques années plus tôt, pour assurer publiquement leur défense face à des accusations de malversation qui menaçaient de leur coûter une partie de l’énorme fortune accumulée à l’occasion des guerres désastreuses de la fin du règne de Louis XIV.
Venons-en maintenant aux premières grandes manœuvres…
Ancien précepteur de Philippe d’Orléans, qui était devenu régent après la mort de Louis XIV et en attendant la majorité du futur Louis XV, le désormais cardinal Dubois avait reçu la responsabilité de mener la politique étrangère du royaume à l’abri des regards indiscrets du conseil de Régence et du conseil des Affaires étrangères. Placé sous l’autorité directe et personnelle du souverain par intérim, il avait procédé à un rapprochement avec l’ennemi permanent de la fin du règne du roi-soleil : l’Angleterre.
Or, au moment où Voltaire s’adresse à lui, le cardinal Dubois est sur le point de devenir très officiellement premier ministre (22 août 1722), mais c’est pour mourir un an plus tard (10 août 1723).
L’un des côtés remarquables de la lettre du poète au cardinal tient au fait que le premier manifeste, pour sa part, un renversement d’alliance tout aussi remarquable, mais bien plus tardif : ce qui ne peut que le rendre suspect. En effet, quelques années plus tôt, le très jeune Voltaire avait séjourné au château de Sceaux où une petite cour se trouvait rassemblée autour de la duchesse du Maine, épouse d’un fils bâtard légitimé de Louis XIV. Cette dame devait porter son hostilité initiale au régent et aux alliances qu’il prétendait mettre en œuvre à travers Dubois, jusqu’au point
d’organiser bientôt, en liaison avec le prince Cellamare, ambassadeur d’Espagne, un complot qui, déjoué, se traduisit, le 9 janvier 1719, par la déclaration de guerre de la France à l’Espagne, ce qui était la copie d’une décision semblable prise peu de temps auparavant par… l’Angleterre.
(Suite à l'article numéro 4)
Michel J. Cuny
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