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Accueil du site > Tribune Libre > Les perdants du marché du travail

Les perdants du marché du travail

En deçà des bonnes nouvelles relatives au marché du travail en France (#csp), des mutations importantes sont à l’oeuvre, dont certaines largement décrites par les médias, comme la précarité des « travailleurs des plate-formes », c’est-à-dire des travailleurs dont la gestion est opérée par des algorithmes informatiques de mise en relation avec les clients. Mais d’autres sont moins visibles, comme diverses formes de concentration et de sélection de la main d’oeuvre, qui ont été évoquées dans « Pénuries de talents ou concentration et automatisation du travail ? ». Elles affectent particulièrement certaines catégories qui ne bénéficient pas de mesures correctrices comme des quotas assortis de pénalités ou d’initiatives tournées vers des catégories symboliques, dont raffolent les entreprises. Ces perdants, oubliés des politiques (#das), sinon implicitement calomniés dans les discours, explicitement discriminés dans les processus de recrutement (jusque dans les annonces), victimes massives du chômage, sacrifiés sur l’autel de nouvelles valeurs, malheureusement dénués de talent pour émouvoir les foules, sont les chômeurs de longue durée (#pee) et les actifs de plus de 55 ans ou même 50 ans. Une partie des premiers n’ont même aucun droit à la formation sur l’application informatique dédiée à la formation professionnelle lancée par le Ministère du travail le 21/11/19.

Au-delà du matraquage de certains médias et des élites (politiciens, dirigeants économiques…) sur les « difficultés de recrutement » indifférenciées, des incantations à la formation de masse et des actions menées à cet égard (dont on a par exemple vu que ce n’était pas le sujet principal pour le « numérique », notamment dans l’article « Marché du travail du « numérique » : la grande esbroufe ? »), il s’agit aussi de comprendre comment une société trace ses frontières intérieures et fabrique ainsi ce qu’elle baptise « chômage structurel » (voir « Les spécificités du chômage en France »). En deça d’« inégalités de destin » trop souvent réduites à l’ « égalité des chances », c’est-à-dire à la formation initiale - comme si le destin ne se manifestait que dans la jeunesse - dans le discours démagogique des élites, s’accrochant d’ailleurs elles-mêmes le plus longtemps possible au pouvoir ou à des activités professionnelles.

 

(#csp) Il y a toutefois 1,8 million d’inscrits à Pôle-emploi de plus qu’en 2009, au plus fort de la « grande récession », dont près de 730 000 demandeurs d’emploi sans activité (catégorie A) [DP-12/09].

(#das) Les dépenses pour les politiques sur le marché du travail envers les plus de 55 ans étaient les plus faibles en France sur 9 pays de l’UE comparés en 2014 [COR-ES].

(#pee) Une partie d’entre eux ont toutefois accès à des contrats de travail spécifiques et quelques-uns à des dispositifs comme le programme expérimental « Territoires zéro chômeur de longue durée ».

 

SOMMAIRE

I. L’ETAT du TIERS-MONDE INTERIEUR

1.1. Des SENIORS un PEU MOINS POUSSES vers la SORTIE

1.2. Le MATCH des RECALES : SI ON N’A PAS REUSSI à 50 ANS…

1.3. Des CHOMEURS de LONGUE DUREE et EXCLUS SOCIAUX BIEN ENLISES

II. Les RESSORTS de la DISCRIMINATION

2.1. Des TROPISMES BIEN FRANCAIS

2.2. Les EMPLOYEURS PORTENT une RESPONSABILITE MAJEURE dans l’EXCLUSION du MARCHE du TRAVAIL

2.3. La HIERARCHIE des DISCRIMINATIONS EST CONFORME aux LOIS

III. Des VELLEITES de CHANGER la (FIN de) VIE (au TRAVAIL)

3.1. Le DOUBLE JEU du GOUVERNEMENT en MATIERE de FORMATION INCLUSIVE

3.2. QUELQUES PISTES pour les « SENIORS » sur le MARCHE du TRAVAIL

BIBLIOGRAPHIE

 

I. L’ETAT du TIERS-MONDE INTERIEUR

 

1.1. Des SENIORS un PEU MOINS POUSSES vers la SORTIE

 

Comme le montre le graphique suivant, le taux d’emploi des plus de 50 ans a beaucoup grimpé entre 2007 et 2017 [voir aussi DI-EC] - mais il n’était que de 5 % pour les 65-74 ans, 70 % de ces derniers percevant une pension de retraite [IN-SE].

Mais parallèlement, le taux de participation au marché du travail (ou taux d’activité) a augmenté entre 2000 et 2017 [DA-CS] :

* de 52,3 % à 76,9 % pour les 55-59 ans

* de 10,8 % à 31,5 % pour les 60-64 ans

L’INSEE y voit l’effet des réformes des retraites successives en reculant l’âge et des restrictions d’accès aux dispositifs de cessation anticipée d’activité [IN-ES].

 

Dans l’UE-28, la France était en dix-huitième position pour le taux d’emploi des 55-64 ans en 2017 [ES-TE].

Sur 21 pays de l’UE et de l’Association européenne de libre-échange (Norvège et Suisse en l’occurrence), la France était avant-dernière pour le taux d’emploi des hommes de 60-64 ans [COR-ES].

 

Pour l’année 2018, on a reconstitué les valeurs numériques de plusieurs indicateurs à partir de la population totale (dans chaque classe d’âge) et des pourcentages relatifs à chaque indicateur. C’est la démarche inverse du calcul de ces % par la DARES [DA-AS], mais cela facilite la présentation en colonnes empilées. On a aussi déduit le % du halo du chômage du taux d’inactivité (#tin), avant de les convertir en nombres. Attention, il s’agit du chômage au sens du Bureau international du travail (BIT) (voir « Les spécificités du chômage en France »).

En fait, le taux de chômage des catégories d’âge supérieur à 55 ans n’est pas pertinent en raison de la trop faible participation de certaines d’entre elles au marché du travail.

 

Seuls 5 % des actifs occupés de 55-64 ans déclaraient percevoir une pension de retraite ou une préretraite.

Mais si le temps partiel est très usité dans ces classes d’âge, le statut vis à vis de la retraite est sécant : 63,2 % des actifs occupés de 55-64 ans se déclarant retraités ou préretraités, contre 22,3 % des non-retraités, étaient à temps partiel en 2017.

40,3 % de ceux qui n’étaient pas encore retraités déclaraient ne pas pouvoir travailler davantage dans le cadre de leur contrat, un taux égal aux 25-49 ans (40,8%) [IN-ES]. Mais 13,6 % des 50-64 ans étaient à temps partiel pour des raisons de santé, par rapport à 5,4 % des 25-49 ans à temps partiel [SC-SE].

Sur le graphique suivant, la somme des 5 premières barres atteint 100 % pour chaque classe d’âge puisqu’il s’agit des différentes durées de temps partiel cumulées. La dernière barre (bleu clair) représente la part de ceux à temps partiel parmi ceux en emploi de la classe d’âge.

 

Ces données ne suffisent toutefois pas à caractériser une discrimination vis à vis de cette population, dont une partie peut aspirer à la retraite et pour ceux dont les entreprises peuvent avoir des difficultés à maintenir des salaires élevés. Les politiques à cet égard ne doivent d’ailleurs pas favoriser le maintien dans l’emploi de ceux qui sont déjà à l’abri du besoin, en particulier ceux dont les pensions de retraite seront confortables, mais l’embauche de ceux qui devront travailler jusqu’à des âges avancés pour percevoir des pensions modestes, sinon l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA). Si un enjeu majeur réside dans un rééquilibrage des comptes publics, il ne peut être obtenu au prix de rémunérations trop éloignées de la productivité du travail. Or, 3/4 des 55 ans et plus qui souhaitent continuer à travailler « accepteraient de revoir leur rémunération » à la baisse [SC-SE].

 

(#tem) Le taux d’emploi est défini comme le rapport de la population en emploi sur la population en âge de travailler, en général de 15 à 64 ans, mais se déclinant aussi en fonction d’autres tranches d’âge.

(#pmt) Le taux de participation au marché du travail (ou taux d’activité) est défini comme le rapport de la population active (en emploi ou au chômage) sur la population en âge de travailler, en général de 15 à 64 ans, mais se déclinant aussi en fonction d’autres tranches d’âge.

(#tin) Inactifs (retraités, pré-retraités, incapacité de travail, formation…) / population de la classe d’âge.

 

1.2. Le MATCH des RECALES : SI ON N’A PAS REUSSI à 50 ANS...

 

Le nombre de chômeurs de plus de 50 ans est quasiment le double de celui des moins de 25 ans depuis des années en France métropolitaine, comme on le voit sur le graphique suivant, et progresse régulièrement, par exemple au troisième trimestre 2018 [DP-3/18, IN-EC pour le quatrième trimestre 2017 et la France entière] :

* en catégorie A (aucune activité) : + 0,2 % par rapport à - 1 % sur un an

► Les plus de 50 ans formaient d’ailleurs la seule tranche d’âge qui a connu une augmentation du nombre de chômeurs en catégorie A en 2017, + 22 000 [DI-EC]

* en catégories B (moins de 78h d’activité réduite dans le mois) et C (plus de 78h) : + 8,9 % par rapport à - 0,3 % sur un an

► une inflexion étant toutefois survenue au 3ème trimestre 2019

 

La progression du nombre de chômeurs de plus de 50 ans entre 2008 et 2018 en France métropolitaine a aussi été bien plus forte que pour les deux autres grandes catégories d’âge [DP-4/18] :

* presque multiplié par 3 en catégorie A, par rapport à une hausse d’environ 40 % pour les 25-49 ans et d’environ 10 % pour les moins de 25 ans

* multiplié par 4 en catégorie C et 2,4 en catégorie B, par rapport à environ respectivement 2,4 et 1,5 pour les 25-49 ans, environ 2 et + 25 % pour les moins de 25 ans

 

Autres caractéristiques affectant les plus de 50 an :

* la part des chômeurs de longue durée parmi les chômeurs dans ces tranches d’âge dépassait 60 % en 2016 [CE-ES], 63 % en 2017, soit 363 000 au sens du Bureau international du travail (BIT) [IN-EC]

* ils ne comptaient que pour 5,5 % des recrutements en 2005 [CE-ES]

* leur taux de retour à l’emploi n’atteignait que 2 % en 2016 et 2017, soit un peu moins que les 2,3 % et 2,2 % allocataires du RSA(-socle) et de l’ASS (ensemble) pour ces deux années, par rapport à 4,2 % et 4,5 % de l’ensemble des chômeurs en catégories A, B et C [MS-IS]

* 20 % de ceux inscrits à Pôle-emploi étaient bénéficiaires de minima sociaux en septembre 2017, 283 618, soit 20 % de l’ensemble répondant à ces deux critères, tous âges confondus [CE-ES], ce qui relativise la représentation de chômeurs attendant confortablement la retraite.

 

Les réformes des retraites menées depuis plusieurs décennies, ayant notamment décalé l’âge de départ et la durée de cotisation, ont donc eu des effets très mitigés par rapport aux critères emploi/chômage, ce qui implique de prendre des mesures vis à vis du marché du travail dans le cadre de prochaines réformes. Or, les mesures du gouvernement Macron-Philippe ont jusqu’à présent favorisé le licenciement des « plus de 50 ans » [AE-SE].

 

En 2015,

* 1,4 million de personnes âgées de 53 à 69 ans résidant en France métropolitaine, soit 11 % des personnes de cette tranche d’âge, ne percevaient ni revenu d’activité, ni pension de retraite (NER) [DR-SP]

* 32,1 % de ces NER vivaient sous le seuil de pauvreté (à 60 % du niveau de vie médian), contre 6 % des seniors retraités et 7,4 % des seniors en emploi, mais 30 % étaient en situation de handicap

* En l’absence des transferts sociaux et fiscaux, 45,6 % des seniors NER auraient été pauvres

* 65 % des ménages de seniors NER percevaient des allocations-logement

 

1.3. Des CHOMEURS de LONGUE DUREE et EXCLUS SOCIAUX BIEN ENLISES

 

Parmi les demandeurs d’emploi de France métropolitaine en décembre 2018 [PE-SM] :

Les allocataires du RSA(-socle) subissent aussi de très fortes discriminations sur le marché du travail puisqu’ils sont dans leur grande majorité des chômeurs de longue durée. On ne dispose pas toutefois de données recoupant les allocataires du RSA(-socle) et de la prime d’activité avec les demandeurs d’emploi de longue durée (un an ou plus) des catégories A, B, C.

Ceux-ci étaient en augmentation entre le premier trimestre 2017 (près de 2,6 millions, soit 44,2 % des demandeurs d’emploi) et le troisième trimestre 2019 (plus de 2,8 millions, soit 48 %), et multipliés par environ 2,7 depuis 2008.

Les durées moyennes, recensées pour la France métropolitaine, se sont aussi accrues, de 581 à 610 jours pour les demandeurs d’emploi de plus d’un an [DP-1/18, DP-3/18].

Pôle-emploi signalait d’ailleurs qu’ « En France métropolitaine, au troisième trimestre 2018, le nombre moyen de demandeurs d'emploi inscrits en catégories A, B, C depuis un an ou plus augmente de...6,4 % sur un an, tandis que celui des inscrits depuis moins d'un an diminue de ...–4,0 % sur un an. »

La France se plaçait au 8ème rang des 28 pays de l’Union européenne (selon un ordre décroissant) pour l’importance de son taux de chômage de longue durée, 4 % en 2017, et le seul où il avait augmenté depuis 2013, avec la Finlande et le Luxembourg, où il était deux fois moindre [UE-CL].

 

II. Les RESSORTS de la DISCRIMINATION

 

2.1. Des TROPISMES BIEN FRANCAIS

 

La propension à la discrimination est aggravée en France par

* la conjugaison du dynamisme de la population active et du niveau corrélativement élevé du chômage dans des cycles économiques à faible croissance (voir « Les spécificités du chômage en France »)

* des tropismes culturels : méfiance et besoin de sécurité, défaut de coopération, hiérarchisation des individus et reproduction des hiérarchies scolaires, idéal de perfection, mépris intellectuel, rigidité des jugements et des postures, inclination à la tartufferie, conformisme idéologique…[voir aussi HO-FR]

On évoque souvent le manque de confiance en soi qui résulte de la dimension hiérarchique de l’enseignement en France, mais c’est surtout l’inclination au dénigrement des autres qui est prépondérante. Une société du mépris plutôt que de la défiance, le mépris étant propice à la sélection, mais aussi facteur de chômage puisqu’il est difficilement envisageable de travailler avec des gens que l’on prend pour des imbéciles et dont on a envie de contester la moindre remarque de manière plus instinctive que raisonnée. On se méprendrait profondément en ne prêtant ce mépris qu’aux élites, même si elles peuvent « donner le la ». Il est au contraire largement répandu dans toutes les couches de la société française. C’est un trait culturel dominant que les étrangers ont longtemps qualifié d’ « arrogance », mais qui ne leur était nullement réservé.

 

2.2. Les EMPLOYEURS PORTENT une RESPONSABILITE MAJEURE dans l’EXCLUSION du MARCHE du TRAVAIL

 

C’est d’ailleurs aussi cette exclusion croissante que cherchent à compenser les dispositifs d’assistance sociale. Parmi tous ceux qui pensent que les « assistés » pourraient travailler, se trouvent aussi des employeurs ou collaborateurs potentiels, qui ne voudraient surtout pas que ce soit pour ou avec eux en raison d’un préjugé négatif, même parmi ceux qui oeuvrent pour leur bien. Les relations directes contredisent les bonnes intentions. Il est d’ailleurs probable que les contributions à l’aide sont facilitées par la représentation de bénéficiaires démunis de ressources psychologiques et intellectuelles ou appartenant à des catégories victimisées et il n’est pas imaginable que des « assistés » puissent participer à des activités très qualifiées, ce qui constitue justement un préjugé discriminant. Le statut joue en effet un rôle déterminant dans l’exclusion, beaucoup plus que l’incompétence et l’absence de potentiel, tandis qu’il protège au contraire les incompétents, en particulier dans les grandes organisations.

 

Pour fonctionner et se perpétuer, l’exclusion a besoin de raisonnements fallacieux par leur systématisme et de justifications répétés en boucle, tout en s’appuyant sur des réalités partielles non biaisées. La Cour des comptes en donne un nouvel exemple : « ...difficulté à retrouver un emploi après une période de chômage...également en raison de la perte d’employabilité et de compétences due à l’éloignement du marché du travail : plus la durée au chômage augmente, et plus les chances de retrouver un emploi diminuent. » [CCo-FD].

Ce n’est pas nécessairement en raison de la perte d’employabilité et de compétences due à l’éloignement du marché du travail que les chances de retrouver un emploi diminuent, en particulier si l’on a suivi des formations, mais parce que le rejet des employeurs est proportionnel à la durée du chômage. De même, l’isolement peut révéler d’autres handicaps (relationnels...), mais constitue un handicap majeur et prive de « capital social », d’autant que l’ « assistanat » est plus une « peste » qu’un « cancer », que personne n’a envie de fréquenter (#irs).

Les évaluations de l’efficacité des formations reposant sur le présupposé dominant, en l’occurrence exprimé par la Cour des comptes, sont alors biaisées. Ce qu’observait judicieusement un rapport de France stratégie : « L’absence de résultats positifs quant à l’insertion professionnelle de certains publics peut donc traduire le fait que, dans les processus de recrutement des entreprises, les caractéristiques individuelles jouent un rôle plus important que l’acquisition de savoirs et d’aptitudes. » [FS-RE]. Les critiques de la Cour des comptes concernant l’organisation du système de formation, la précipitation des plans, les formations trop courtes, les défauts d’interconnexion des systèmes d’information etc..., et les propositions qui en découlent sont cependant fondées.

 

D’ailleurs, les réticences des acheteurs publics eux-mêmes vis à vis des clauses sociales pour l’emploi de publics qui en sont éloignés sont officiellement reconnues. Seuls 6,1 % des marchés publics supérieurs ou égaux à 90 000 euros HT intégraient une clause sociale en 2013 [MF-CP], et ces clauses ne s’appliquent dans la réalité qu’à des travaux manuels, 88 % des bénéficiaires n’étant titulaires que d’un brevet d’enseignement professionnel (BEP) ou d’un certificat d’enseignement professionnel (CAP) ou sans diplôme.

L’enquête « Besoins en Main-d'Œuvre » publiée par Pôle-emploi révèle aussi que parmi les motifs d’inadéquation des profils des candidats en 2018, 1/6 établissement leur reprochait d’avoir eu trop de périodes de chômage [PE-BM].

 

(#irs) 52 % des ménages allocataires du RSA(-socle) étaient composés d’une personne seule et 33 % d’une famille mono-parentale à fin décembre 2016, et seulement 3 % de couples sans enfant et 12 % de couples avec enfants. Pour la prime d’activité, ces ratios étaient respectivement de 21 %, 23 %, 9 % et 41 % [RA-CL].

 

2.3. La HIERARCHIE des DISCRIMINATIONS EST CONFORME aux LOIS

 

Ainsi, aborder la problématique de l’exclusion à travers des représentations stéréotypées des discriminations, comme le font certains sociologues ou dispositifs légaux (tests à l’embauche...), est erroné car cela consiste à confondre des préférences négatives (un profil de candidat est plus souvent ou même, inversement, jamais préféré à un autre ou un profil n’est retenu que si un autre manque) avec des modalités d’exclusion systématiques (un profil de candidat est systématiquement exclu). Si cette dimension n’est pas du tout prise en compte, on passe à côté des principales discriminations, en particulier car on confond un sentiment de culpabilité nationale vis à vis de l’Histoire et de la géopolitique avec la hiérarchie réelle des discriminations, qui ne font d’ailleurs pas l’objet du même traitement légal.

Un testing de l’Observatoire des discriminations avait par exemple montré en 2005 que sur six candidats, les réponses positives à l’envoi des CV étaient les moins nombreuses pour l’homme de 50 ans, la femme d’origine maghrébine en recevant 1,5 fois plus et le candidat antillais, 3 fois plus. Le taux de succès aux entretiens était encore plus calamiteux pour l’homme de 50 ans [UP1-DE].

 

Mais les biais de perception perdurent, et pas seulement à travers l’immonde discours raciste sur « les vieux mâles blancs », qui devrait être légalement sanctionné comme les autres plutôt qu’encensé avec une délectation pseudo-humoristique. Ainsi, dans un rapport précité de la Cour des comptes : « Le taux de chômage...a particulièrement touché les publics les plus fragiles, notamment les jeunes. » [CCo-FD].

La « diversité » est aussi souvent conçue comme une machine de guerre contre les « seniors », qui ne remplissent pas les autres cases discriminantes.

 

III. Des VELLEITES de CHANGER la (FIN de) VIE (au TRAVAIL)

 

3.1. Le DOUBLE JEU du GOUVERNEMENT en MATIERE de FORMATION INCLUSIVE

 

Il résulte des biais mis en exergue un ciblage partial des politiques. Doté de 15 Md€ entre 2018 et 2022 [CCo-FD], 1,5 Md€ ayant déjà été engagés en 2018 [AN-TE], « Le Plan d’investissement dans les compétences (PIC) vise à former un million de demandeurs d’emploi peu qualifiés et un million de jeunes peu qualifiés et éloignés du marché du travail. » [CCo-FD]. Comme si les qualifications acquises il y a plusieurs années (par les demandeurs d’emploi censés être « qualifiés ») intéressaient encore les employeurs, même si on peut admettre que les « 50 ou plus » ont des perspectives beaucoup plus comprimées. Quelle méconnaissance du fonctionnement du marché du travail !

De surcroît, les seniors ne font plus partie des publics prioritaires des « parcours emploi compétence » (PEC), qui ont remplacé les contrats aidés [SE-ES].

 

Le rapport de la Cour des comptes regrettait aussi que les procédures ne permettent pas de relation directe entre le demandeur d’emploi et l’organisme de formation [CCo-FD]. Il s’agit en effet de contourner les entraves des circuits administratifs de prise en charge pour l’accès à la formation. C’est ce que doit théoriquement permettre l’application moncompteformation.gouv.fr, mise en service par le Ministère du travail le 21/11/19, dotant les actifs d’un compte de formation en euros, dans le sillage du « projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel » [AN-AP].

Or, une partie des chômeurs de longue durée n’ont aucun droit à la formation sur cette application dédiée à la formation professionnelle, alors que la campagne médiatique antérieure à son lancement mentionnait l’attribution de 500 € pour les demandeurs d’emploi. En dépit des rodomontades habituelles : « La loi protège les plus vulnérables... MonCompteFormation conjugue... accès à de nouvelles libertés et inclusion sociale... En mettant à disposition de tous les salariés et demandeurs d’emploi une application mobile... sans avoir à demander l’autorisation de son employeur ou de Pôle emploi... » [MT-CF]. Une partie des demandeurs d’emploi sont donc de facto exclus d’un « service public ». Un comble alors que toute la propagande en faveur du RUA repose sur l’incitation à retrouver du travail (voir « Aides sociales et « revenu universel » : plaidoyer pour le réalisme »). Pourtant, « Le Tartuffe » est bien né en France.

 

Le rapport de la Cour des comptes précité sur la formation des demandeurs d’emploi, qui réclamait toutefois plus d’indicateurs, citait aussi une évaluation de Pôle-emploi, montrant des taux d’accès à l’emploi supérieurs de 12 à 16 % par rapport à des demandeurs d’emploi non-bénéficiaires de formation, mesurés après mars 2013 sur des périodes de 6 à 12 mois [CCo-FD] (#bdf).

Parvenir à un appariement effectif suppose cependant de prévoir les embauches sur un délai dépassant la période de formation et aussi à l’échelle d’un bassin d’emploi donné. Malgré ses lacunes, l’enquête « Besoins en Main-d'Œuvre » publiée par Pôle-emploi [PE-BM], peut donner des indications à cet égard, mais aussi - plutôt en cas de formation courte - les déclarations préalables à l'embauche remplies par les entreprises à chaque recrutement et utilisées par Pôle-emploi pour son service « la bonne boîte », permettant de rechercher des entreprises susceptibles de recruter.

 

Mais par rapport aux préjugés des employeurs, la formation ne peut donc suffire et on doit aussi se garder de projections qui sacrifierait les laissés-pour-compte du présent pour ne chercher à réparer que l’avenir sur un mode incantatoire.

 

(#bdf) La baisse des dépenses de formation, constatée dans certaines régions à l’occasion de changements de majorités [CCo-FD] n’éclaircit pas le micmac souvent dénoncé de la formation professionnelle et suscite des interrogations à la fois sur le rôle que veulent jouer les régions et la convergence des politiques publiques. A moins qu’elles aient anticipé le rôle accru des entreprises prévu par la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

 

3.2. QUELQUES PISTES pour les « SENIORS » sur le MARCHE du TRAVAIL

 

L’association « Solidarités nouvelles face au chômage » préconise une série de mesures, parmi lesquelles [SC-SE] :

* la création d’un contrat de travail assorti d’une aide financière aux employeurs

* la sensibilisation des recruteurs et des managers aux pratiques de recrutement non discriminantes [vis à vis de l’âge]

* la création d’indicateurs intégrés au bilan social des organisations (taux d’embauche de salariés par tranche d’âge...)

* la poursuite d’acquisition de droits à la retraite en cas de cumul emploi/retraite

 

Pour sa part, le Sénat a émis les recommandations suivantes dans un rapport de septembre 2019 [SE-ES] :

* inciter les partenaires sociaux à ouvrir une nouvelle négociation sur l’emploi des seniors en vue d’arriver à un accord national interprofessionnel ambitieux

* inscrire explicitement la question de l’emploi des seniors parmi les thèmes de négociation obligatoire au niveau des branches

* lancer un appel à projets innovants dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences afin de financer des expérimentations dans le domaine de l’accompagnement des demandeurs d’emploi seniors

* intégrer la problématique de l’accompagnement spécifique des seniors dans la prochaine convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi

etc.

 

BIBLIOGRAPHIE

  

[DP-12/09] « Demandeurs d’emploi inscrits et offres collectées par Pôle emploi en décembre 2009 », Premières synthèses n° 005, DARES-Pôle-emploi, 01/2010

[COR-ES] « Emploi des seniors et vieillissement actif en Europe », Actes du 15ème colloque du Conseil d’orientation des retraites (COR), 30/11/17

[DI-EC] « Emploi, chômage, population active en 2017 : nouvelle accélération de l’emploi salarié privé et amplification de la baisse du chômage », « Dares Analyses », n° 031, DARES-INSEE, 07/2018

[IN-SE] « Les seniors – Qui travaille après 65 ans ? », INSEE-France-stratégie, 2018

[IN-ES] « L’emploi des seniors en hausse entre 2007 et 2017 : plus de temps partiel et d’emplois à durée limitée », INSEE-focus, n° 119, 12/07/18

[DA-CS] « Emploi et chômage des seniors en 2018 – Hausse du taux d’emploi et du taux de chômage », DARES-Résultats, n° 013, 03/2019

[ES-TE] « Le taux d’emploi des 20-64 ans dans l’UE atteint un nouveau pic de72,2 % en 2017 », Eurostat, 20/04/18

[DA-AS] « Activité des seniors et politiques d’emploi », Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques » du Ministère du travail (DARES), 09/2019

[SC-SE] « Les seniors et l’emploi : une situation paradoxale », Solidarités Nouvelles face au Chômage, 19/09/19

[DP-3/18] « Demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi au troisième trimestre 2018 », Dares-indicateurs, n° 47, DARES-Pôle-emploi, 10/2018

[IN-EC] « Emploi, chômage, revenus du travail », INSEE, Edition 2018

[DP-4/18] « Demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi au quatrième trimestre 2018 », « Dares-indicateurs », n° 003, DARES-Pôle-emploi, 01/2019

[CE-ES] « L’emploi des seniors », Conseil économique, social et environnemental (CESE), 25/04/18

[MS-IS] « Projet de loi de finances pour 2019 – Inclusion sociale », Ministère des solidarités et de la santé

[AE-SE] « Les seniors, éternels mal-aimés des entreprises », Alternatives économiques, 7/05/19

[DR-SP] « Un tiers des seniors sans emploi ni retraite vivent en dessous du seuil de pauvreté », « Etudes et résultats » n° 1079, Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES), 09/2018

[PE-SM] « Statistiques du marché du travail », Pôle-emploi

[DP-1/18] « Demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi au 1er trimestre 2018 », Dares-indicateurs, n° 18, DARES-Pôle-emploi, 04/2018

[DP-3/18] « Demandeurs d'emploi inscrits à Pôle emploi au troisième trimestre 2018 », Dares-indicateurs, n° 47, DARES-Pôle-emploi, 10/2018

[UE-CL] « Évaluation de la recommandation du Conseil relative à l’intégration des chômeurs de longue durée sur le marché du travail », Commission européenne, 11/04/19

[HO-FR] « Hofstede insights – What about France ? »

[CCo-FD] « La formation des demandeurs d’emplois », Cour des comptes, 05/2018

[RA-CL] « Concertation sur le revenu universel d’activité - Mise de jeu – Cycle 1 : constats - Logement », Comité national du Revenu universel d’activité, 4/07/19

[FS-RE] « Renforcer la capacité des entreprises à recruter », Rapport du groupe de travail n° 4 du Réseau Emplois Compétences, France stratégie, 08/2017

[MF-CP] « Commande publique et accès à l’emploi des publics qui en sont éloignés », Ministère des finances et des comptes publics, Ministère de l’économie, de l’industrie et du numérique, octobre 2015

[PE-BM] « Besoins en Main-d'Œuvre », Pôle emploi, 2019

[UP1-DE] « Discriminations à l’embauche -De l’envoi du CV à l’entretien », Jean-François Amadieu, Observatoire des discriminations, Université Paris-I, 04/2005

[AN-TE] « Avis n° 1305 sur le projet de loi de finances pour 2019 - Tome III : travail et emploi », Stéphane Viry, Commission des affaires sociales, Assemblée nationale, 12/10/18

[SE-ES] « Rapport d’information sur l’emploi des seniors », Monique Lubin, René-Paul Savary, Commission des affaires sociales, Sénat, 26/09/19

[AN-AP] « Projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel », n° 904, Assemblée nationale, 27/04/18

[MT-CF] « Dossier de presse - MonCompteFormation », Ministère du travail, 21/11/19

 

 


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5 réactions à cet article    


  • colibri 1er décembre 2019 10:00

    La solution serait plus de salariat , plus personne pour embaucher , mais que chacun se prenne en main pour créer son propre emploi ..


    • Le421... Refuznik !! Le421 1er décembre 2019 11:41

      @colibri
      Le rêve du « tous patrons »... On connaît.
      C’est comme la théorie du ruissellement.
      Ça ne restera jamais qu’une théorie.
      Autrefois, il y a bien longtemps, on avait un classement à l’école. Il y avait un premier et il y avait un dernier. Bien qu’étant premier, je ne me sentais pas une vocation à diriger des gens. Même si à l’armée, je m’en sortais très bien.
      On peut parfaitement s’éclater en servant une entreprise, si on a une vision de collaborateur plutôt que d’esclave.
      Et entre nous, le chacun sa gueule, ça a très rapidement des limites...


    • colibri 1er décembre 2019 12:04

      Le problème c’est la réalité qui est têtue :

      si le système inventé par idéologie bolchevique fonctionnait ca se saurait ,

      le système communiste n’aurai pas éclaté et on n’en serait pas là actuellement chez nous ,

      ou plus personne ne peut embaucher .c’est la dissolution du système faute de riches pour payer .


      • zygzornifle zygzornifle 2 décembre 2019 08:58
        Les perdants du marché du travail

        Ce sont ceux qui travaillent , faites tous de la politique ....


        • Colombot 2 décembre 2019 17:30

          @zygzornifle :

          « ...faites tous de la politique .... »


          C’est bien ce qui s’est passé avec le mouvement des « gilets jaunes ». La difficulté dans une société hyper-individualiste et hyper-compétitive, c’est de se mettre d’accord sur la notion même de justice sociale. Si tout le monde se dit pauvre ou victime, c’est-à-dire ment, il devient impossible de maintenir des valeurs partagées. Les plus aisés survivront à cette fragmentation et à l’effondrement dans un premier temps, mais il faudra progressivement ou brutalement renoncer au libéralisme politique. L’évolution des rébellions dans certains pays émergents et en développement sera pleine d’enseignement car ils pourraient délimiter l’horizon du possible. On finira par s’aligner.


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