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Accueil du site > Tribune Libre > Les sanctions contre l’Iran sont-elles un « ACME project » (...)

Les sanctions contre l’Iran sont-elles un « ACME project » ?

Si Une compagnie nommée « ACME » existe réellement et fabrique des caméras pour les drones, cet acronyme est surtout devenu célèbre dans les dessins animés de Vil Coyote qui, pour tenter d’attraper Bip Bip, commande fréquemment armes, fusées et autres dispositifs les plus divers et les plus improbables, mais aussi des plans et des idées, à ce fournisseur dont le sigle signifierait « American Company Making Everything” (Compagnie Américaine Fabriquant de Tout).

 

Seulement voilà, les produits et services fournis par cette compagnie ont une fâcheuse tendance à ne pas fonctionner au bon moment et mettent leur acheteur en dangereuse posture comme celle de se faire écraser par une pierre, de tomber en bas d'une falaise ou de se faire exploser un bâton de dynamite en plein visage.

Les sanctions contre l’Iran seront-elles un frein au développement de cette compagnie ? Ne seraient-elles pas plutôt le dernier scenario d’un « cartoon » mettant en scène le vieux gag de l’arroseur arrosé ou du boomerang incontrôlé ?

 

La réintroduction des sanctions contre l'Iran, déplorée par les alliés des Etats-Unis (à l’exception d’Israël et de la coalition saoudienne) est entrée en vigueur hier.

Téhéran a marqué cette journée fatidique par des manœuvres militaires terrestres et aériennes. Le président Rouhani a déclaré : "Nous sommes en situation de guerre. Nous sommes confrontés à un ennemi brutal. Nous devons faire front pour gagner." Cela ne signifie pas qu’un conflit armé va se déclencher demain matin, mais que les mesures prises par les États-Unis sont une déclaration de guerre économique violente contre son pays.

Or, pour une bonne partie de la population iranienne, Rouhani est celui qui a trahi la sécurité nationale en limitant le programme nucléaire en échange de promesses non tenues. La situation économique en Iran continue de se détériorer, et il est probable que l'agitation populaire, déjà présente, s'aggrave et renforce le pouvoir des forces les plus rétrogrades à l'approche des prochaines élections.

Il est possible que les Américains parviennent à provoquer un changement de régime en Iran comme ils l’ont ouvertement annoncé, mais il se pourrait bien que cela se traduise par le retour à une théocratie qui leur sera délibérément hostile.

Les sanctions vont fatalement nuire à l'économie iranienne. Plus de 700 banques, sociétés de transport maritime, exportateurs de pétrole, sociétés de transport et particuliers figurent sur la liste des sanctions. Bien que les « conseillers » de Washington clament que les mesures visent le gouvernement iranien et non le peuple, ce sont les citoyens ordinaires qui vont souffrir les premiers des restrictions.

Les dirigeants des pays (encore) membres de l’UE et de l’OTAN n'ont pas su convaincre l'administration Trump de prévoir des exemptions pour les aliments et les médicaments. Les matériels « humanitaires » sont censés être exonérés, mais les sociétés étrangères craignent tellement le retour des sanctions financières américaines imposées avant l'accord sur le nucléaire de 2015, qu’elles ont déjà cessé les approvisionnements et provoqué de graves pénuries.

L’administration Trump a pour objectif de réduire à zéro les ventes de pétrole de l’Iran, sa principale source de revenus. Or cette mesure a déjà entrainé une augmentation du prix du pétrole sur les marchés internationaux, ce qui nuira à l'industrie américaine elle-même et frappera les automobilistes et transporteurs américains et augmentera le coût des produits. Ces conséquences ne seront pas immédiates, car Washington a demandé à d'autres états producteurs de pétrole, principalement l'Arabie Saoudite, l'un des instigateurs du retour aux sanctions, d’accroître sa production et a accepté une dispense de pénalité d'environ six mois pour certains de ses alliés importateurs de pétrole iranien, notamment l'Inde, la Turquie, la Corée du Sud et le Japon, ainsi que la Chine qui figurent parmi les huit principaux consommateurs de pétrole iranien. Et d’ici six mois, la compagnie ACME aura sans doute préparé un nouveau type de carburant ou un nouveau plan ?

 

L’Union Européenne, la Chine et la Russie, envisagent la mise en place d’un mécanisme de paiement centralisé, censé permettre aux entreprises de contourner le système financier américain, en évitant les transactions directe, Téhéran pouvant utiliser ce crédit pour acheter des biens d’autres pays, une sorte de troc virtuel, une chambre de compensations. L’UE a même mis au point un « statut de blocage » en vertu duquel les entreprises de la communauté ne sont non seulement pas tenues de se conformer à la législation étrangère en matière de sanctions mais peuvent réclamer des dommages et intérêts, même si leurs dirigeants réfléchiront à deux fois avant de se couper du marché américain qui peut être plus important que tout le reste à leurs yeux.

Chaque action provoque une réaction.

M. Pompeo s'est vanté du fait que la simple menace de sanctions ait conduit plus d'une centaine de sociétés américaines à se retirer du commerce avec l'Iran. Seulemnt voilà, la nature a horreur du vide et la Chine risque d’être le principal bénéficiaire de la politique de Washington : des sociétés chinoises sont en train de négocier des contrats, y compris la reprise du contrat de 6 milliards d’Euros passé avec Total pour l’exploitation des gisements de gaz de South Pars.

Pékin (qui est une autre cible des guerres commerciales américaines) a déclaré qu'elle protégerait ses entreprises contre les représailles de Washington, et l'Union Economique Eurasienne (dirigée par Moscou) a signé un accord avec l'Iran afin de réduire les droits de douane sur des centaines de marchandises et d’instaurer une zone de libre-échange.

Reste à savoir comment les sanctions se dérouleront. Les autres États signataires de l'accord sur le nucléaire, ainsi qu'un certain nombre de gouvernements, ont exhorté le gouvernement Rouhani à ne pas quitter le JCPOA et de patienter, la tête dans les épaules, jusqu'à ce qu'il y ait une nouvelle administration à Washington qui ne serait pas aussi enthousiaste à l'idée d'une croisade iranienne.

Autrefois, les produits et conseils de l’ACME n’étaient accessibles que par la voie postale, mais aujourd’hui on peut passer une commande par internet et le service de livraison de la compagnie est des plus efficaces, sinon le meilleur de tous. Le client passe sa commande, patiente calmement à côté de sa boîte aux lettres et reçoit le produit en moins de 3 secondes, ce qui est appréciable quand on est dans un désert du Moyen Orient. Les produits et conseils sont toujours aussi douteux, mais les service est devenu irréprochable.


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7 réactions à cet article    


  • Massada Massada 7 novembre 2018 08:41

    Trump a fait mordre la poussière à l’Iran, maintenant il va la lui faire manger.


    • Clark Kent NEMO 7 novembre 2018 08:44

      @Massada

      en tous cas, ce matin, il vient de manger un bout de son chapeau à la chambre des représentants !

      il va en commander un tout neuf chez ACME, assorti à sa moumoute.


    • gaijin gaijin 7 novembre 2018 10:10

      « ACME project »

      excellent !!! et bien sur c’est un acme project comme d’autres avant : le financement du nazisme pour lutter contre le communisme dans les années 30 , la création de l’islamisme pour lutter contre le communisme dans les années 80, le défoliant pour raser la jungle pendant la guerre du viet nam etc ....

      ce sont des acme project .....


      • Clark Kent NEMO 7 novembre 2018 10:37

        @gaijin

        L’invincible Armada à Trafalgar, le passage de la Berezina, le siège de Stalingrad et le bombardement du Havre n’étaient pas mal non plus, dans le genre ! 


      • gaijin gaijin 7 novembre 2018 22:21

        @NEMO
        en quelque sorte les darwin awards de la géopolitique ......


      • leypanou 7 novembre 2018 11:19

        Or, pour une bonne partie de la population iranienne, Rouhani est celui qui a trahi la sécurité nationale en limitant le programme nucléaire en échange de promesses non tenues

         : Rouhani c’est le Gorbatchev iranien.

        Dans son entourage, il y a des gens formés aux États-Unis, donc déjà formatés aux sirènes néo-libérales.

        En vertu de quoi les États-Unis ainsi que d’autres pays ont-ils le droit de limiter le nombre de pays ayant la bombe atomique ? Si ces armes sont si dangereuses, qu’ils commencent par s’en séparer eux-mêmes.

        Sur ce sujet, la Russie et la Chine ne valent pas mieux et les 2 ont voté les sanctions scandaleuses contre la Corée du Nord.


        • Rincevent Rincevent 7 novembre 2018 18:31

          ‘’… renforce le pouvoir des forces les plus rétrogrades à l’approche des prochaines élections…’’. Mais oui et c’est à se demander si les US ne préféreraient pas ça : avoir affaire à des ‘’durs’’ pour pouvoir, en toute ‘’bonne foi’’, déclencher un vrai conflit…

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