Lettre aux âmes Rock n’roll égarées : Katoucha Niane

« Katoucha, mêmes les princesses sont les victimes des coutumes primaires. Désormais, ta mémoire n’agit plus en solitaire sur cette terre. La terre d’Afrique t’a vêtue de sa plus belle robe d’ébène, parée de ses plus beaux joyaux mais une de ses traditions a gravé à jamais de la plus insoutenable cicatrice. Quel gâchis ! Les sentinelles des cœurs veillent à être les garantes de la bonne conduite et des rituels. Des mères, des tantes, des sœurs, des amies… victimes hier, complices aujourd’hui, perpétuent l’acte malfaisant de l’excision qu’elles accomplissent en toute légitimité au nom du folklore. Aucune inquiétude, aucune punition pour ces voleuses des « sens interdits ». Exilées elles-mêmes de leur corps et de leur esprit, elles œuvrent dans l’ombre des traditions sur des milliers de filles en France et des millions dans le monde. Entendez –vous les cris, les lamentations de ces jeunes corps altérés, mutilés, spoliés, suturés, humiliés. Ces crimes continuent d’être perpétrés. Ces filles, comme toi, racontent toutes la même histoire. Nous sommes loin du joli conte où les princesses sont sauvées par des princes charmants.

Un matin, sans rien dire, le sourire aux lèvres, main dans la main avec ton bourreau. Tu longes le couloir avec les espoirs d’une petite fille de 9 ans, une porte s’ouvre devant ton innocence. L’insouciance a fait place à l’horreur. Ton plus grand trésor dérobé, le sang s’est écoulé. L’aiguille a cousu tes lèvres à jamais pour taire tes joies. Tu as prié Dieu qu’il vienne te chercher pour rejoindre les autres…Tu sais elles, celles qui ont eu moins de chance de survivre à un tel cataclysme. Cependant, Dieu n’a rien entendu, il devait être occupé encore une fois. Les larmes ont ruisselé et ne t’ont plus quitté. Tes inquisiteurs ont volé une partie de ton âme de femme. Ton corps n’est que souffrance, bienvenu au royaume de la dormance où la jouissance est bannie.

La mort, cette fois-là, ne t’a pas regardée. Désormais, la vie tu devras la surmonter. Tu peux être fière ! Te voilà l’héritière de la plus grande aliénation de l’univers ! Cependant tu ne perçois pas l’intérêt de ce privilège. Soi-disant, ta virginité est préservée pourtant tu te sens violée. Tu essayes de comprendre. Mais la tradition a ses raisons ce que la raison ignore. Alors, qu’as-tu fait ?

Femme courage, tu t’es soulevée contre l’horreur. Tu t’es battue contre les ombres rugissantes du passé. Tes actions continuent de préserver l’héritage des filles et femmes en devenir. Dignes et braves sont ces femmes et ces hommes qui s’indignent et se soulèvent contre ce fléau. Au lieu de poursuivre l’œuvre des lueurs assassines, les parents garantissent à leurs filles le respect de la condition humaine au nom de la pensée et de la civilisation.

Aujourd’hui, disparue, chaque femme sauvée des manipulations d’infortune honore ta mémoire. Désormais, dans le Nirvana des esprits bienfaisants, tu prends soin des vies égarées, brisées par l’inhumanité de ces voleurs de « sens interdits ». J’ai érigé sur un podium, devant le temple de l’humanité, ta belle âme de princesse et je continue à photographier ta volonté et ton combat.

Bien à toi Princesse peule ».

M.B