Mai 68 : révolution ou chienlit ?
Mai 68 se voulait une remise en cause de tout ce qui constitue une société : les hiérarchies et toute forme d’autorité, la religion dominante et les contraintes qu’elle induit, le noyau familial et le rôle jugé ingrat des femmes, les tabous sexuels et comportementaux… Cinquante ans plus tard qu’est-il advenu ?
Bien entendu, par leurs célébrissimes déclaration concernant l’amour libre, les acteurs de mai 68 pensent avoir contribué à une libéralisation radicale des moeurs sexuels. Toutefois, la loi Neuwirth date de 1967 et elle permettait l'usage de la pilule contraceptive contribuant à la mise en pratique plus aisée des idées clamées. La contraception est inégalement utilisée dans les divers milieux sociaux. De nos jours, la pilule est davantage utilisée parmi les 15-24 ans (60%) puis son utilisation diminue aux âges ultérieurs pour ne plus atteindre qu’un tiers des 30-34 ans. L’alliance du verbe et de la technique semble donc avoir permis un changement des pratiques sexuelles. Le nombre de rapports sexuels par semaine, environ deux, ne semble toutefois pas avoir frénétiquement augmenté depuis Mai 68. Si l’aspect quantitatif semble stable, l’aspect qualitatif a lui considérablement évolué : les pratiques féminines rejoignent maintenant celles des hommes : elles ont davantage de partenaires durant leur vie (mais encore moins que les hommes), elles perdent leur virginité à peu près au même âge à quelques mois près, elles prennent l’initiative de l’acte charnel bien plus souvent qu’auparavant… Mais les plus grands changements ont semble-t-il précédé Mai 68. Enfin, la « race », plus que le verbe ou les hormones de synthèse, semble influer considérablement l’appétit sexuel, bien plus que tout autre facteur : les Français, avec 8,9 relations sexuelles déclarées en moyenne par mois, devancent significativement les Allemands (8), les anglo-saxons, les Américains (5,9) et les Britanniques (5,8). Les Japonais×es avec 4 rapports mensuels semblent porter leur attention à d’autres activités.
Dans un système, il est impossible d’isoler un composant pour déterminer l’influence qu’il a sur un autre, tous sont liés et interagissent concomitamment. Une société est un système particulièrement complexe pour lequel cette remarque s’applique d’autant mieux. Mai 68 a-t-il contribué à une évolution vers une jouissance mieux partagée entre hommes et femmes ? La réponse dépendra de l’observateur, mais la licence acquise dans ce domaine est indubitable et le rééquilibrage des libertés entre hommes et femmes est certain.
Jouir sans entraves semble donc partiellement possible, mais ceci semble plus lié à la satiété matérielle de la société qu’aux slogans révolutionnaires. L’influence de l’aisance financière sur les pratiques sexuelles est très importante. « Les femmes des milieux manuels sont moins enclines à l’onanisme que celles des milieux dits intellectuels, 20% n'ont jamais pratiqué le sexe oral contre 2% des femmes issues des milieux intellectuels et 77% des femmes des milieux populaires considèrent qu'il est impossible de réussir sa vie sans avoir d’enfant contre 57% des intellectuelles. » Ainsi, l’implication du niveau de richesse sur les habitudes sexuelles ne fait aucun doute et les conséquences sur la structure familiale en découlent : en France, près de 2 millions de femmes élèvent seules leur×s enfant×s.
Les détenteurs de capitaux savent pertinemment qu’ils sont bien plus libres que les péquins sans le sou, c’est la raison pour laquelle ils ont érigé la défense de la liberté comme le premier (voir le seul) devoir de tout individu ou groupe d’individus. Il est en effet évident que la justice n’existe pas dans la Nature : c’est l’Homme par son intelligence et son courage qui, avec pour seule arme son âme, tente de l’imposer. À cet égard, Mai 68 est un formidable marché de dupe si on ne remet pas en cause la possession des richesses : les riches garderont l’argent, les pauvres s’adonneront aux plaisirs charnels d’une façon rudimentaire.
Les inégalités en France ont fortement décru pendant la première moitié du XXe siècle, augmenté de 1945 à 1968, diminué de 1968 à 1983, et enfin ré-augmenté de 1983 à nos jours. Pour cette dernière période, les niveaux de vie des très riches se sont d’abord envolés, puis, à partir de la fin des années 2000, les revenus des plus pauvres ont baissé.
La participation des travailleurs a la gestion des entreprises pour les uns, ou la mise à mal de l’autoritarisme des patrons pour les autres ne se mettra pas en place suite aux révoltes étudiantes de 1968 (qui auront des échos dans beaucoup de pays dont l'Allemagne, le Brésil, l'Italie, la Tchécoslovaquie et le Japon). Les accords de Grenelle qui clôt les tumultes se traduisit par une augmentation du SMIC de 35 %, une hausse générale de 10 % des salaires, et une 4ème semaine de congés payés. Le travail était mieux rétribué mais les structures restaient inchangées. Le Produit Intérieur Brut (PIB) de la France a constamment augmenté, avec un léger recul lors de la crise de 2007-2008 les richesses produites ont donc semble-t-il considérablement augmentées. À partir de la crise financière de 2007, la consommation fut dopée par une augmentation très significative de la dette publique accompagnée par un transfert des activités industrielles dans des pays à moindre coût et un démantèlement feutré et progressif des entités publiques (EDF, CEA, SNCF…). L’avenir est annoncé comme étant associé au seul secteur tertiaire digitalisé, informatisé.
Ainsi Mai 68 restera dans l’histoire seulement comme la cause de la mise sur la touche du général de Gaulle… et de l’abandon de sa politique faite d’efforts demandés aux français et de l’affirmation qu’une troisième voie était possible indépendamment des blocs soviétique et américain. Il refusa l’idée de placer la France sous un protectorat américain en affirmant la primauté de l'État-nation. Il annonça en 1965 sa volonté d'échanger les dollars que la France possédait contre de l'or afin de permettre l'affranchissement des activités économiques de la France de la tutelle du dollar. Trois ans plus tard des émeutes contribuèrent à le chasser du pouvoir.
Ce ne fut donc ni la chienlit, ni la révolution, simplement l’abandon d’une Europe européenne avec son savoir-faire, sa culture, ses intérêts.
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