Mohammed Merah ou le voyage vers l’enfer
Nous autres citoyens bourgeois qui aspirons à une existence paisible, un travail, un logement, une famille, des loisirs, ne pouvons pas comprendre que d’autres vies se jouent sur un autre registre, celui du voyageur. Les existences sont alors plus chaotiques, erratiques, problématiques, énigmatiques. Avec des bifurcations, uniques et déterminantes ou alors multiples et accumulantes. L’Histoire connaît d’innombrables cas d’individus ayant vogué sur des destins qu’ils se sont donnés et parfois, il suffit d’un seul aiguillage. On pense à saint Paul sur le chemin de Damas ou à Luther sur le chemin de la Réforme. Dieu n’est jamais très loin lorsqu’un choc existentiel place un homme sur une trajectoire. Cela arrive aussi en philosophie. C’est moins rapide en général. Alors parfois quelques rêves viennent encourager le voyageur de la pensée en le confirmant dans sa voie. Ce fut le cas de Descartes. Tous les hommes d’Histoire, qu’ils soient des héros, des bienfaiteurs ou des salauds, ont suivi une voie. Quand Dieu s’en mêle, il suffit d’une seule bifurcation. En d’autres cas, l’existence peut prendre une autre tournure. Passage dans l’enfer du mal, puis rédemption et retour un chemin plus sage. On connaît un philosophe en vue qui fut taulard pendant des années après avoir été braqueur. La vie n’est pas tracée. Elle emprunte parfois une série d’aiguillages.
A notre époque de confort matériel, certains individus ne se contentent pas d’une existence banale et cherchent une aventure, une affirmation, une reconnaissance. La structure économique ne permet pas de donner un emploi stable à tous, ni un emploi valorisant à ceux qui espèrent une reconnaissance « culturelle ». La plupart n’en deviennent pas pour autant des délinquants ou des déviants. Mais certains virent du mauvais côté. On ne fera pas le procès de la société ou de l’individu. Ces choses arrivent, d’autant plus facilement que la société est techniquement ouverte mais socialement assez rude et fermée et comme l’homme a autant une nature autarcique et solitaire que sociale et empathique, les uns s’en sortent par des détours résilients et d’autres refusent de se soumettre et tentent des voies parallèles. Quitte à croiser des mauvaises fréquentations. Le diable est logé dans les détails et le monde est fait de ces détails qu’on trouve dans les actualités, le Net, les livres, les connaissances, les territoires. Et puis les trajectoires sont diversifiées. On peut choisir ou l’on va. C’est ce que fit Mohammed Merah qui, hélas pour les victimes placées sur son dessein final macabre, est allé voir ce qui se passe au pays des djihadistes et autres talibans sachant manier le verbe haineux et les armes.
La vie est ainsi faite que les hommes sont différents, ne se choisissent pas le même destin, ne font pas les mêmes rencontres et que des existences abrégées ou macabres finissent par se réaliser. Une vie de rock star achevée dans l’overdose ou un accident de voiture. Dupond de Ligonnès n’avait rien de pop n’ roll mais n’a pas hésité à assassiner sa famille. Péter un câble dit la formule. Oui, mais une formule n’explique rien, elle constate. L’explication ne se dessine qu’en comprenant la nature humaine et les chemins que prennent les existences. Merah n’a pas suivi le chemin de Damas mais celui de l’enfer, du mal, de la toute puissance. Il serait trop facile d’incriminer la société. Le monde est juste un milieu dans lequel les hommes s’adaptent mais comme l’homme est la seule espèce qui possède la liberté de ne pas s’adapter, alors certains choisissent la voie de Dieu comme saint Paul ou des tas d’anonymes finissant dans les monastères, d’autres composent comme Mozart, trouvent comme Newton, inventent comme Edison, vont à l’Elysée, deviennent des stars du rock comme Jagger ou alors se suicident, comme d’autres tas d’anonymes ou bien des gens connus, peintres, musiciens, chanteurs. Il n’y a pas une seule cause de suicide, ni un type de suicide. La mort est aussi diversifiée que l’est le genre humain.
Chez Merah, le ressort essentiel a été la haine. On ne sait pas pourquoi. Juste quelques éléments sur une vie ratée, faite de larcins, de louvoiements, avec quelques dérapages. Un séjour dans la prison qui hélas, ne remet pas les incarcérés sur la bonne voie. Bien au contraire, les détenus libérés sont souvent pénétrés de haine et de désir de vengeance. Alors après, deux séjours vers l’aventure en Afghanistan. Un retour précipité. La voie de l’enfer n’est pas droite. Et l’acte final. Bien évidemment, l’incompréhension des proches et des médias. Mais il faut être ignorant pour ne pas concevoir qu’un individu puisse être lisse dans sa vie sociale et vérolé à l’intérieur. On a connu d’autres cas, par exemple ce lycéen assassin dans un établissement de la Haute Loire. Lisses, les pervers narcissiques le sont et bien d’autres déviants qui occupent des postes à responsabilité malgré une âme sombre et des pensées haineuses. Ils ne passent pas à l’acte parce leur situation leur suffit, qu’ils peuvent se défouler en toute légalité et qu’ils ont une relative reconnaissance. Finalement, c’est cette haine qui a conduit Merah à commettre ses actes odieux. La haine est parfois un moteur, un salut car c’est cette haine de l’ennemi qui a permis à la résistance de se déployer pendant l’Occupation. D’aucuns ont pu dire à cette occasion que sans la haine, un peuple n’existe plus. On peut aussi dire que la haine était vitale pour Merah et sans cette haine, il ne pouvait pas exister. Sa haine était sa rédemption, comme la haine des résistants engendra la libération. La différence est néanmoins fondamentale. La haine des résistants était assortie d’une espérance, un acte sacrificiel pour une cause légitime et noble. Alors que pour Merah, la haine était une impasse macabre et fatale, sans cause autre que le narcissisme de toute puissance d’un individu influencable à qui certains ont implanté une mission. Une conclusion en somme. Sinistrement commentée par l’auteur de cette tragédie affirmant avoir mis la France à genoux. Hélas, ce sinistre petit caïd se croyant un héros a réussi à semer la désolation et qui sait, troubler l’élection présidentielle. La haine procure des satisfactions éphémères alors que l’amour offre des joies éternelles. Les médias sont les involontaires complices de la haine car ils sont aussi réglés par l’éphémère. A méditer.
Prenez soin de vos choix. Vous êtes ce que les bifurcations dévoilent de votre personnalité qui est aussi votre dessein. Et chaque choix pèse sur votre dessein
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