Musicalarue : comment la culture peut-elle vivifier l’écosystème économique d’un territoire sylvicole ?
Musicalarue un festival de musique et d'art de la rue au coeur de la forêt landaise aux multiples retombées économiques.
Les Landes ont vu leur série de festivals se dérouler avec succès tout au long de l’été. Communes rurales du Parc naturel régional des Landes de Gascogne, gros bourgs, stations balnéaires, ont fait le plein pour le plus grand bonheur des festivaliers ; mais aussi des décideurs, de artistes, des commerçants et de façon plus générale de tous ceux qui de près ou de loin peuvent être concernés par ce brusque afflux de jeunes, de moins jeunes, d’enfants et de seniors. A Musicalarue, culture et sylviculture ne s'opposant pas, dans quelle mesure la ruralité constitue-t-elle une opportunité d'accueil pour les manifestations culturelles ?
Un festival au cœur de la forêt landaise, une perspective pour sortir de la crise rurale
Luxey est une commune rurale de 700 âmes. 75% des communes de France comptent moins de 1000 habitants. La population y est vieillissante, l’activité faible. Les marchés, celui des mines de charbon entre autres n’existent plus, ou sont orientés vers des approvisionnements plus attractifs. Les débouchés de la monoculture du pin maritime se sont trouvés réduits, sa rentabilité affaiblie, d’où désertification. 40 ans d’absence de politique industrielle ont accentué ce phénomène, tout en créant une situation explosive dans les zones périurbaines. Il faut attendre une époque plus récente pour voir s’installer une diversification de l’agriculture, notamment vers le maïs et les légumes. Pour la 25ème édition de Musicalarue, plus de 40 000 festivaliers se sont déplacés. Du 14 au 16 août, il fallait les voir déambuler à Musicalarue, 3 jours et 3 nuits, détendus, rieurs, curieux de tous types de musique du classique au reggae, du jazz à la fantaisie, du rock à la chanson françaises, des fanfares locales à l’électro. Stars confirmées ou à confirmer, solistes ou ensembles, ces artistes offrent de la culture une image vivante, à l’expression variée, singulière, comique ou sérieuse, ouverts à de multiples rythmes et influences. Juliette et sa truculente cocasserie nous a convaincu que Satan était une femme. Nous avons bougé sur les rythmes de Johnny Clegg et de Bernard Lavilliers, la poésie de Thomas Fersen a résonné, plus loin que le théâtre de verdure. L’imaginaire d’Arthur H nous a séduit. Maxime le Forestier nous a promené avec bonheur dans un univers sensible et poétique, sans oublier la compagnie Lubat et tous ces solos, duos et groupes qui nous ont fait vibrer et danser.
Les après-midis, les arts de la rue ont réjoui le public. Le souffle puissant de toutes ces musiques a promu la chanson francophone et communiqué énergie et joie, mais pas seulement. Ce festival dont le rayonnement culturel dépasse largement le cadre régional illustre la pertinence du concept de soft Power appliqué au monde de la Lande.
Un vecteur économique : peut-on en augurer que c'est une piste pour aider un village rural à survivre à la crise ?
Avec un budget d'investissement de 1,35 million d'euros, ce festival n’est pas qu’une distraction. C’est l’expression d’une culture dynamique liée à des sujets ô combien d’actualité ! Cela se mesure aux comportements des promeneurs. Tranquilles dans un village devenu piéton, ils adoptent une attitude éco-citoyenne et ils s’intéressent toutes générations confondues, à l’architecture locale, à sa valeur patrimoniale, à la mise en œuvre des normes environnementales (torchis, utilisation du bois, isolation par laine de chanvre) dans les techniques de restauration des bâtiments anciens. La fragilité de la forêt landaise face aux incendies, aux cyclones dont le dernier Klauss a dévasté près de 220 000 hectares, en janvier 2009 les frappent. L’implantation de la biodiversité, telle que précisée dans la Stratégie biodiversité 2020 prend toute sa valeur dans cette monoculture. Dans le PNR des Landes de Gascogne, l’organisation d’un festival de musique et d’art de la rue mobilise les ressources locales et les atouts de l’innovation pour le développement durable.
Musicalarue aide une commune essentiellement tournée vers la sylviculture à conserver une activité durable. La boulangerie familiale tourne à plein régime, le cercle républicain en 3 jours fait son chiffre d’affaire annuel, le commerce de proximité ne désemplit pas, les gîtes ruraux locaux et d'alentours sont loués, des produits dérivés confectionnés par les femmes de l'association Art de Hautes Landes sont vendus, quelques emplois à plein temps sont créés. Au cours de l'année Musicalarue se prolonge par des actions participatives pour l'insertion des jeunes apprentis, des activités artistes auprès des enfants de la commune, des concerts, une présence au salon du livre de Bordeaux pour la publication du livre Musicalarue, histoire d'un festival.
Filières agricole et culturelle n'étant pas en opposition, l'approche écologique de la compétitivité de la sylviculture landaise qui tourne autour de sa production, de sa transformation, de ses applications thermodynamiques, de son stockage de CO2 agit sur le développement, la gestion et la mise en valeur d'un boisement pour en obtenir un bénéfice économique de certains services profitables à la société.
Les ¾ des communes de France sont rurales. S'inspirer de Musicalarue pour généraliser un concept opérationnel et promouvoir un modèle d'économie rurale, favoriser une prise de conscience bioéthique, proposer la ruralité comme choix de société avec pour partenaires les pouvoirs publics et les services privés mérite réflexion. L’effet levier de Musicalarue est à coup sûr reproductible en d’autres territoires et sur d’autres thèmes culturels.
4 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON