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Accueil du site > Tribune Libre > Nantes et Lorgues : le décor d’un roman noir

Nantes et Lorgues : le décor d’un roman noir

« L’homme n’a de vérité que dans l’énigme du fou qu’il est et n’est pas » écrivait Michel Foucault.

Mais le roman s’exonère de la vérité, tout comme de la raison ou de la folie. Pour écrire autrement, supposons qu’il soit le lieu même de l’énigme, que l’écriture soit un passage dans lequel se révèle un possible, ce qui n’est pas, ce qui devrait… Et le fou prend alors le visage de la banalité la plus plate, celle d’un homme corseté dans son quotidien, dans ses normes, la religion, la famille, le travail, les apparences. Là où le drame se noue.

Oui, les apparences justement, ce vernis social qui un jour se craquèle, brise l’écran à l’ instant où l’homme surgit dans toutes ses fêlures, s’évade de la raison, disparaît : l’énigme. Un fait divers peut prendre la force du meilleur roman quand il condense tout cela.
 
On évoque beaucoup cet homme à Nantes qui, probablement, aurait abattu sa famille avant de disparaître. A coup sûr, la trame d’un récit avec tous les rebondissements, tous les mystères, toute la lumière funèbre d’un thriller et avec la résonnance d’un étouffant huis clos familial qui nous rattache aussi bien à l’univers des Atrides qu’à celui des films de Chabrol.
 
Sans doute, pourtant, n’y aurais-je guère prêté d’attention si, au-delà de tous de tous ces ingrédients, je ne me sentais concerné par le drame.
 
En tant que spectateur, bien sûr, quand les médias projettent quotidiennement un film dont personne ne connaît le dénouement. Mais aussi, de façon plus proche, quand le hasard veut que je connaisse le décor : cet univers nantais confit dans une bourgeoisie catholique, ces maisons grises et rancies dans le quartier où le drame se joua. Et, dans un raccourci encore plus saisissant, voici que les caméras se braquent aussi sur mon village, Lorgues, là où une femme disparaît à l’instant où l’assassin présumé se trouvait dans la région. Lorgues, où il avait lui-même vécu.
Une femme a donc disparu. Volatilisée.
 
Ce qui fit la une des médias locaux avant que le meurtre nantais ne fût connu. Or, si ce n’est sur les rails de la réalité, dans la logique d’un roman au moins, les éléments se relient : Femme blonde d’une cinquantaine d’années, la lorguaise, à en croire la presse locale, semble n’être pas aussi lisse qu’on le croyait. Un passé compliqué, des dettes. Un sourire fermé dans ce visage blond que j’ai croisé tant de fois au supermarché où elle travaillait.
 
Aux décors, s’ajoute donc l’un des possibles protagonistes : Des témoignages évoqueraient le possible meurtrier en compagnie d’une femme blonde dans la région… Histoires de double vie, de triple vie. Et encore ? Histoires de la folie ordinaire. Extraordinaire ?

Une civilisation écrit ses mythes en lettres d’or ou de sang.

Roman rose ou roman noir. A Londres se tourne bientôt un nouvel épisode du kitch royal avec les épousailles princières sur fond de tragédie, une lignée qui plonge au plus loin de l’histoire britannique, avec les fantômes de Diana, des histoires qui résonnent comme des contes à dormir debout … Ici à Lorgues, un autre roman s’écrit.

Ici ou là, ce ne sera jamais que l’air du temps.

www.nouvelhermes.blogspot.com

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9 réactions à cet article    


  • Lefumiste Lefumiste 27 avril 2011 15:34

    Même sur AV on se met à faire les poubelles de l’info...

    « Roman rose ou roman noir ».

    Non juste du sensationnel accoutré du voile de l’information !


    • NOUVEL HERMES NOUVEL HERMES 27 avril 2011 15:59

      Très juste : les poubelles de l’info !
      Sauf qu’il y a justement beaucoup à chercher et à trouver dans ces poubelles-là ! C’est ce que j’essaie de dire ici : la complexité des êtres et des événements qui fait que l’information ce sont des faits mais que ceux-ci, quels qu’ils soient, restent accrochés à une mythologie et que toute information contient sa part de fiction. C’est d’ailleurs pour ça qu’on s’informe aussi. Nier cette part de l’imaginaire dans l’information c’est à mon sens passer à côté de l’événement. et, surtout, ne pas s’interroger sur la question : Qu’est-ce qui m’intéresse dans l’actualité et pourquoi ? Or la grand majorité des gens veulent du TF1 et du Pernaud... La vraie question est là et votre seule réponse serait : « Cette majorité se vautre dans les poubelles » ?
      C’est peut-être vrai mais c’est un peu court !


      • Lefumiste Lefumiste 27 avril 2011 17:00

        Ok Hermes

        je n’avais pas vraiment saisi le fond de votre article que vous éclairez d’un jour nouveau avec votre réponse !

        Je vais être honnête, je ne me suis jamais réellement posé cette question de la « part de l’imaginaire » dans l’info.... mais j’ai quand même viscéralement un problème avec ce type de faits divers .... d’où mon commentaire un peu sec !

        Cordialement

        ps : j’avais rédigé un article sur AV sur le thème média/info ... si vous avez un peu de temps : http://www.agoravox.fr/actualites/medias/article/notre-vision-du-monde-enfumee-par-87835


      • pigripi pigripi 27 avril 2011 16:13

        @auteur

        Dommage que vous ne soyez pas allé plus loin dans ce qui pourrait relier le présumé coupable à Nantes, Lorgues et Versailles où il naquit. Sans ommettre ses racines dans le Gévaudan.

        A quoi servirait l’info si elle ne stimulait pas la conscience et l’imagination de chacun ?

        Pourquoi établir une hiérarchie entre ce qui serait de l’info poubelle et ce qui serait de l’info noble ? Une info « noble » peut être du déchet. Souvenez-vous de cette info sérieuse qui disait que le nuage radioactif de Tchernobyl s’était arrêté à nos frontières.

        Les faits divers passionnent le public parce qu’ils touchent directement à la vie quotidienne des gens. Après, tout dépend de ce qu’ils en font....


        • Lefumiste Lefumiste 27 avril 2011 17:08

          « une info »noble« peut être du déchet »

          c’est tout à fait ça... mais je ne pense pas que ce type de fait divers pousse les gens à faire la part des choses !

          Ceci tend plus à les abrutir sous couvert d’informations.... et le temps et la répétition aidant, on en vient à trouver ca normal de nous bassiner sur tout les médias mainstream avec ce genre de débilité !

          Un test interessant :
          aller sur les sites web des grands organes de presse français
          relever le nombre de commentaires fait sur ce sujet
          relever ceux fait sur par exemple la dette américaine/ la Syrie / etc. On va dire des sujets moins racoleurs.

          je vous laisse tirer les conclusions qui s’impose

          « Les faits divers passionnent le public parce qu’ils touchent directement à la vie quotidienne des gens. » Ouai ..... c’est un peu limite ... D’après moi, cela s’apparente surtout à de la curiosité morbide, qui a défaut d’être contrôlé par tout un chacun, est alimentée par les médias.
          Un peu comme les gens qui ralentissent sur l’autoroute lors d’un accident... des fois qu’on verrait un peu de sang !

          Cordialement


        • Gasty Gasty 27 avril 2011 19:04

          il n’y a pas de curiosité morbide, seulement une conscience que la vie tient à peu de chose. C’est aussi de l’info en direct.


        • Gasty Gasty 27 avril 2011 19:07

          Ou alors, il est tout aussi morbide d’assister à des obsceques.


        • Annie 27 avril 2011 20:35

          Je ne crois pas qu’il s’agisse d’une fascination morbide, surtout lorsqu’on connaît les gens concernés, mais même lorsqu’on ne les connaît pas. Finalement cela renvoit à l’image d’une famille sans problème, du moins en apparence, semblable à la sienne, avec tous ses petits secrets et ses non-dits qui finissent parfois par se retrouver en première page d’un journal. La question du vernis social est importante, parce qu’il empêche bien souvent de passer à l’acte pour des raisons inavouables (qu’en penseront les voisins), et de traverser une mauvaise passe. S’intéresser à ce genre de faits divers, c’est aussi une autre façon de s’intéresser à soi.


          • NOUVEL HERMES NOUVEL HERMES 28 avril 2011 09:21

            « S’intéresser à ce genre de faits divers, c’est aussi une autre façon de s’intéresser à soi. » Oui, comme d’ailleurs lorqu’ on lit un roman. La plupart d’entre eux sont des faits divers ! A commencer par Le rouge et le noir et Madame Bovary ! Et tant d’autres qui sont des fictions -comme L’Etranger - peuvent être lus comme faits divers... Dans tous les cas, c’est une recherche de l’Homme dans tous ses possibles, fussent-ils les pires. Et bien sûr, dans ce voyage dans la Condition humaine, une analyse de soi.

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