Participer de la laideur du monde
Bien évidemment encore faut-il se mettre d’accord sur ce qu’est la beauté mais je pense que c’est assez facile : harmonie, qui ne demande pas forcément un accord parfait.
La laideur est la violence à l’état latent, pas forcément active pas forcément éruptive mais dont il ne peut rien sortir de bon. On peut y être sensible sans faire d’effort particulier, aussi dans ce cas, ne pas y participer est un jeu d’enfant. Mais à l’heure actuelle il y a trop, trop, de regards absents, d’attention inexistante, d’indifférence comme un allant de soi.
Et cette indifférence est grande productrice de laideur. L’indifférence est la mère de la désinvolture, de l’incompétence, de la négligence et, excusez du peu, mais celle-ci se répandant comme la poudre dans les services publics, les administrations, mais chez les artisans, les commerçants, le service après-vente, etc, c’est toute la société qui en est affectée. Chacun dans son petit coin se dit, je m’en fous, il m’emmerde ce client-là, et pour ce que je suis payé, je ne vais pas me faire chier… mais la plupart du temps, le comportement ne s’accompagne d’aucun commentaire, cela est devenu normal.
Là où cette anomalie se transforme en violence, c’est quand on n’a plus affaire à aucun humain ; l’administration est fortiche pour cacher ses hommes même si un nom, toujours, suit votre dossier. Mais il suit, peut-être, le dossier, mais pas vous ! Vous pouvez toujours vous échauffer au téléphone, par courriel ou par lettre, le monde suit son court comme si vous n’existiez pas. Vous n’avez rien à dire, la marche inaltérable d’une logique incompréhensible ne peut être interrompue.
J’ai un ami qui, naguère, ayant marre de recevoir depuis plusieurs années des rappels à payer des impôts locaux pour une maison qu’il n’habitait plus, s’est rendu dans les bureaux idoines, a sauté par dessus le comptoir et laissant la nana subjuguée à moins qu’elle ne fut interloquée, a pris le temps de retirer son nom d’une liste devenue obsolète. Un humain avait reçu l’info du déménagement, mais personne n’en avait averti la machine qui ordonnait régulièrement des envois.
Affaire réglée !
C’est curieux, non ? Cela m’interroge depuis longtemps, cette propension à vivre anesthésié de tout sans aucune nécessité de présence au monde.
Nous voilà embarqués dans une société qui n’a jamais été aussi riche, jamais aussi confortable ; jusqu’à nos jours à nous vivants, jamais le peuple n’avait fait autre chose que bosser pour survivre et faire vivre les riches et voilà qu’au moment où l’on peut sortir les pieds de la boue les mains de la merde et faire s’envoler l’esprit, la médiocrité comme jamais envahit le monde. La méchanceté, la violence...c’est que, plutôt que désirer être heureux ensemble, ils ont voulu être comme des petits rois, ils ont tout cassé, sans trier, ils ont tout jeté. Comme des gosses qui s’amusent, qui dépensent qui gaspillent et qui ne font attention à rien. Dans l’ivresse de l’abondance, il y en a encore qui ne se rendent compte de rien.
Tous ceux qui trouvent, par exemple, que « la lutte des LGTB » ( que je viens de lire quelque part) est une phrase normale, qui veut dire quelque chose, de profond, et de légitime.
Tout ce qui s’est fait de beau au cours des siècles avec la lenteur de la ténacité, par le labeur chaque jour répété est noyé sous la laideur. On a cru sortir de cette routine de travail humble pour mieux y retomber, en lui ayant ôté au passage la satisfaction d’un travail bien fait.
Le mécano qui a réparé le pont de mon 4X4, l’a gardé cinq semaines, a fait une facture de trois fois le prix du devis approximatif, tout ça par manque d’organisation ; quand je devais aller le récupérer, impossible de le joindre et cinq jour plus tard, l’ayant enfin au téléphone, m’affirmant que mon véhicule était prêt, il me pria d’excuser son retard car il avait dû partir en urgence à l’hôpital pour un accident cardiaque ! Il a pas cinquante ans. Je lui ai fait promettre de préférer vivre que se tuer au boulot ; il était encore au bord de la crise de nerfs quand je partais, devant ses piles de factures, de taxes, d’impôts : sur cinquante euros de l’heure, combien lui revient ?
Et tous ceux qui se sentent flattés d’être pris parmi tant d’autres comme , je ne sais pas, DRH dans une putain d’entreprise ( c’est l‘étiquette qui me paraît la plus absconse, la plus folle, la plus laide) et qui gâchent là leur vie, et celle des autres, pour quelques deniers ? qu’ils ouvrent les yeux.
Et ceux qui obtempèrent et ceux qui obéissent et ceux qui s’en foutent mettent leur incompétence au service de la laideur du monde. Se faire le relai des horreurs, se complaire dans les commérages, multiplié par les moyens actuels, aimer la calomnie, se risquer à la diffamation, c’est participer de la laideur du monde.
Ce monde qui est devenu complètement fou ; tout le monde le sait, tout le monde le voit, tout le monde le vit, tout le monde s’en fout. Ou presque.
Cet insensé nous éloigne du vivant, vous savez ce truc de chair et de sang qui souffre ou jouit, qui crée ou obéit. Si nous voulons garder la vie précieuse, pour ne pas dire sacrée, il y a deux ou trois petites choses à ne plus faire.
Je ne suis pas convaincue que cette Vie sacrée puisse se transmettre et se préserver dans n’importe quelles circonstances ou situations ; je dois être comme ces obscurantistes qui craignaient la fée électrique ou le transport vapeur mais auxquels, à mes yeux, l’avenir a donné raison : la déraison a gagné et aucun progrès technologique n’a apporté quoi que ce soit sans contrepartie chère payée. L’Homme intelligent saurait intégrer chaque pas technologique à son équilibre biologique, aussi chaque fatigue trop grande ou inutile évitée serait un ajout ; au lieu de quoi ce but fut vite oublié au profit d’une curiosité qu’on a toujours mise dans la part du diable et d’une avidité et une volonté de puissance qu’on ne saurait attribuer à personne d’autre, même étant athée.
Je suis une obscurantiste, je ne le revendique pas parce que la revendication ne fait pas partie de mes gènes, trop artificielle moderne pour me seoir, mais je l’assume car j’ai appris tout au long de ma vie à assumer mes engagements, mes responsabilités et mes impossibles.
Être obscurantiste, vous le savez sans doute, c’est n’être pas éclairé par la lumière ; on le dit d’un air dédaigneux à propos des arriérés qui sont restés attachés à des valeurs beaucoup plus terre à terre comme si cette lumière-là ( celle dont on a décidé en haut-lieu qu’elle était l’étalon de l’intelligence morale, comme la lutte LGTB par exemple mais aussi et surtout la science comme progrès, l’allopathie comme tradition, la consommation comme jouissance égalitariste ou bien l’égalité comme parangon de justice) nous exonérait de notre appartenance au monde animal.
Je pratique l’obscurantisme comme une vision nocturne et comme tous les obscurantistes, aussi et surtout comme la vision derrière les apparences, cette apparence qui ne nous aveugle pas.
C’est pourquoi, et de plus en plus, je vois dans les lumières actuelles des flash puissants et incessants qui éblouissent : la clairvoyance ne supporte pas les néons.
Le réverbère vous empêche de voir les étoiles, les obscurantistes déplorent cela tandis que les modernes sont tellement contents de voir où ils mettent les pieds qu’ils ne s’aperçoivent même pas qu’ils ne voient plus le ciel : le monde est circonscrit à leur environnement immédiat et cela leur suffit.
Le monde contemporain est rempli de ces lumières aveuglantes comme un leurre et chacun dans sa bulle n’y voit pas de mal à les utiliser ; moi si.
Je hurle au boycott ; on me rit au nez. Rends-toi à l’évidence : que peux-tu contre des millions d’illuminés ?
De mémoire de civilisés, des laideurs humaines il y a toujours eu ; c’est déjà en soi un questionnement que toutes les religions du monde n’ont pas su expliquer ; si la psychologie s’en est mêlée, elle ne s’est pas attardée, préfère batifoler dans le bain des petits en pointant son diagnostic sur l’un-dividu, oubliant ( par hasard ?) le Commun. Le nécessaire Commun qui n’est pas enseigné.
Mais les ignorances d’aujourd’hui, chaque jour pointées du doigt par des symptômes inopinés, ne sont pas montées en épingles pour susciter des vocations de chercheurs, elles sont tues sous le boisseau et se règlent, si elles concernent notre santé, par quelques molécules éculées dont on s’est donné la peine de changer l’avatar. Le petit peuple qui a cru que l’homme moderne savait et maîtrisait tout en est pour ses frais tandis que face à cette mystification on ose la réponse d’une quête d’immortalité ! D’une fuite sur mars..., les imposteurs ne manquent ni de toupet ni d’imagination. L’important n’est pas que ça aille mais que là partout où ça ne va pas on n’ait aucun moyen de rétorsion. Les puissants font les beaux devant les peuples en cage, ma foi tant que le peuple se vivra comme un fauve enchaîné ou domestiqué…
Ceux suffisamment riches et nombreux pour avoir détruit la culture, la nôtre et celle de partout où ils promènent leur curiosité de soi, seront-ils un jour assez tôt décimés ?
Tandis que ceux qui voient clair et dénoncent, ceux qui agissent en positif, seront-ils décuplés ? La conscience et le courage décuplés, la bassesse et l’égoïsme décimés. Cela nous suffirait.
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