Petit vocabulaire personnel : 1. Dieu
Dieu n'est pas un objet de croyance, il n'est pas un être d'adoration, d'admiration, il n'est pas un recours extérieur, il n'est pas un juge qui nous contraint, il n'est pas le maître d'un au-delà qui nous verra heureux, bienheureux.
Il est une adéquation.
Adéquation entre ce que nous sommes dans une situation donnée, sans regrets des erreurs qui nous y ont poussés, sans orgueil des chances qui nous y ont menés, sans ambitions démesurées qui nous rivent à l'impuissance, sans paresse ni négligence ou désinvolture qui nous empêchent d 'agir là où nous pourrions le faire, sans craintes qui nous enferment, sans désirs de fuite qui nous perdent, sans jalousie ni envie,sans accusation d'un paramètre ou un autre qui nous rendent victimes, sans la démesure qui nous rend bourreaux.
L'adéquation exacte, à chaque instant de notre vie, entre passé et futur, entre nos capacités et nos limites, entre nos forces et nos fatigues, entre notre conscience et notre ignorance.
Dieu est ce but.
Chaque individu, dans sa différence culturelle, sexuelle et caractérielle, doit pouvoir trouver et vivre cette adéquation ; il n'y a pas de mode d'emploi ni de simplification, de dogmes ni de croyances, aucun rituel pour ce faire. Il ne s'agit que d'attention et d'écoute, d'abnégation, c'est-à-dire une capacité d'anticipation ( qui peut n'être qu'un instinct de de vie, voire de survie) et une conscience collective :
je suis « un » dans tout, rien sans le tout.
Aucune société ne peut se déduire d'une telle donnée car la VIE EST.
Il est intéressant de constater que l'homme ( quels hommes ?) a inventé Dieu, un Dieu devant lequel il est bon de faire pâle figure, devant qui se prosterner ; c'est curieux tout de même cette manière de chercher son salut dans la culpabilité, la soumission, l'abandon de soi à un autre, idéal certes, mais dont on invente tout !
Il y a probablement une grande hypocrisie : on devine mal en effet que le pouvoir religieux incarné socialement dans le pouvoir des Églises ait produit des éléments dominants, prosternés ! Aucune égalité n'a été instaurée par ce biais ; au contraire, l'homme du commun, le Peuple, devait abdiquer toute volonté de maîtriser son destin, servant de Dieu et de son Seigneur, séculier ou religieux, tandis que ce seigneur décidait, lui, de son propre destin et de celui du peuple dont il était le maître, qu'il utilisait à loisir.
Dieu aurait donc été inventé par des dominants, juste pour servir leurs intérêts ?
Ce n'est pas si sûr : l 'abandon de soi, l'abnégation ( cette manière d'être sans cet ego revendicateur de reconnaissance, cette manière de se connaître assez pour pouvoir s'oublier), le vide intérieur qui se rend disponible à la vie, sont un art, une vertu qui se retrouve dans toutes les religions et qui semble être en effet le seul progrès que l'homme puisse accomplir pour vivre en harmonie ( cette harmonie naturelle qui n'est ni paix éternelle ni paradis et qui peut ne pas être exempte de violences, de rivalités ou de combats...) avec son environnement.
Certains religieux qui refusaient la soumission à l'Église, vivaient dans cet abandon qui est la base de toute spiritualité.
C'est le détournement, donc, de pensées élevées au profit d'un pouvoir séculier qui fut toujours, et qui demeure, le point d'achoppement.
Dieu serait donc une bonne idée qui, comme toutes les idées généreuses éprises de justice, serait détournée : la perversion pour les uns, l'ignorance et la faiblesse pour les autres.
Si nous admettons que tout être humain ressent un désarroi face à sa condition, désarroi qui lui est donné par la conscience de soi, l'organisation des sociétés se réaliserait par les réponses diverses que les uns et les autres apportent pour se soulager.
Dans ce cas, désirer puis accéder au pouvoir en manipulant les autres- ou en usant de force- serait une réponse d'un même niveau moral, ou à tout le moins tout aussi « innocent » que s'abaisser ( pour esquiver les coups), obéir, suivre ou, en parallèle, s'adonner à la compassion, la générosité ou le dévouement.
Prendre soin de l'autre, dans le règne animal, n'existe que dans l'instinct maternel. Reconnaître les siens, se soutenir, s'entre aider n'existe que dans un clan d'égaux, face à un danger. Le petit blessé, le petit faible, « la jument folle » ne sont que des plaies qui accroissent le danger.
Chez l'homme, champion des transferts et des projections, s'occuper du plus faible semble relever de cet instinct auquel s'ajoute la compassion qui elle-même n'est que la projection sur l'autre de l'attendrissement que l'on porte à soi-même : nous ne pouvons pas compatir avec ce qui ne nous touche pas intimement et si l'on est pas touché, on peut devenir dur voire méchant surtout si la faiblesse rencontrée chez l'autre remet en cause ou ravive des peurs, des blessures peu conscientisées et surtout non résolues.
Aussi, faire passer la compassion pour un acte de dévotion religieuse est pur abus.
La religion est spiritualité. Le reste n'est que névrose.
Dieu nous indique simplement que nous ne sommes rien, peut-être peu de chose éphémère dans le Tout qu'il ne tient qu'à nous de rendre doux.
Quels hommes ont pu inventer un dieu dont l'injonction première serait d'entrer en compassion par devoir, c'est-à-dire une compassion volontaire, scindée, de sorte qu'aucune authenticité n'en soit l'instigatrice ?
Ne pouvons-nous imaginer plutôt que l'injonction première fût d'être ouverts, de n'être arrêtés par aucun préjugé et de passer son chemin si cette authenticité ne de réalise pas ?
Pourrions-nous compatir avec tous ?
Et l'Histoire ne nous montre-t-elle pas que l'aide authentique portée aux autres est exemplaire ?
La rencontre se produit dans des zones inconscientes, mais quand elle survient, on la reconnaît.
C'est une histoire d'amour.
Mais l'homme a inventé ce Dieu « Seigneur », qui le rend servile : se prosterner, ramper, battre sa coulpe, implorer : voilà ce dont l'homme se montre capable.
C'est bizarre, non ?
Pour l'homme, Dieu est pouvoir et non pas amour.
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