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Polémique du genre : la gauche prise les doigts dans le pot de confiture

La gauche pensante ne pourra pas se tirer de la polémique sur le genre en se contentant de crier au loup du complotisme. D’une : essayer de clore le débat en prétendant que le genre ne fait pas l’objet d’une théorie mais seulement d’études scientifiques, c’est quand même un peu gros pour des intellectuels qui voient habituellement du politique partout. Et de deux : on peut quand même s’étonner que le ministère de l’Education nationale ait pu s’engager d’une façon si imprudente dans un domaine aussi miné…

« Tout est politique  » disait un slogan de mai 68… Et cela s'applique également au genre, c'est-à-dire à l’étude de la dimension psychologique, sociale, culturelle des différences entre homme et femme. Le fait de postuler que cette différence n’est pas seulement innée, mais aussi (voire surtout) construite par l’environnement n’est pas tout à fait neutre. Si l’utilisation scientifique du terme "genre" apparaît durant les années 50 dans les domaines de la psychologie et de la sociologie, le postulat de départ est antérieur et peut se dater de 1949, avec Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir et sa fameuse formule : « on ne naît pas femme, on le devient  ». L’affirmation est philosophique et politique, existentialiste et féministe. En déclarant que la distinction entre garçons et filles est un instrument de domination qui sert l’ordre social, Beauvoir place délibérément à gauche l'idée d'une fabrication sociale des différences hommes-femmes, pour peu que l’on accepte la définition de Raymond Aron selon lequel les idées de gauche s'inscrivent dans le tryptique liberté (contre l’arbitraire) - égalité (contre les privilèges) - rationalité (contre l’ordre traditionnel).

On peut toujours pinailler et déclarer « qu’il n’y a pas "une" théorie du genre, fantasme entretenu par ceux et celles que la perspective d’une égalité effective dérange ou effraie, mais "des" études de genre. » (tribune signée par une centaine d’universitaires le 10 juin 2013). Pour nombre de féministes, comme Monique Wittig, co-fondatrice du MLF décédee en 2003, qui a dégraissé la formule de Simone de Beauvoir en affirmant carrément « on n’est pas femme », il faut au moins parler de théorie de dépassement du genre... Ce n’est pas parce qu’un objet n’est pas nommé qu’il n’existe pas !

En refusant la notion de théorie au bénéfice de celle d’études, nos querelleurs sémantiques voudraient nous faire croire que la question de l’égalité des sexes n’est plus de l’ordre du politique, qu’elle aurait définitivement été réglée par k.o. consensuel. Une sorte de fin de l’histoire : « circulez, y a rien à voir ! ». La polémique récente constitue un rappel cuisant à la réalité de l’état actuel des forces et des idées politiques. Un retour quelque peu ironique, car le refus de politiser les questions de société est traditionnellement perçu comme une attitude typique « de droite », alors que la volonté de porter le politique sur tous les aspects, même les plus intimes, correspond plutôt à une posture « de gauche ». Conservateurs et contestataires se retrouvent désormais à fronts renversés. Messieurs les intellectuels, il va falloir s’y faire !

D’une certaine façon, cette (fausse ?) ingénuité se retrouve aussi a travers l’attitude du Ministère de l’Education nationale.

Dans cette instution en proie à une politique de maîtrise des dépenses qui assèche les moyens humains et matériels et pourrit chaque jour les missions, il est tentant de forcer un peu sur la communication pour tenter de "donner du sens", faire croire qu’il faut encore y croire. Or, la crise qu’a déclenchée la rumeur sur l’ABCD de l’égalité a tout du bad buzz, c'est-à-dire du phénomène de bouche à oreille négatif, subi par un annonceur qui maîtrise mal sa pub et la voit finalement se retourner contre lui. Les têtes d’œuf du ministère devraient pourtant se souvenir qu'en matière de marketing, on repère généralement deux causes principales de fiasco : le mauvais positionnement et la crise de confiance.

L’école doit-elle assurer la mission de porter et de transmettre les valeurs d'égalité et de respect entre les filles et les garçons ? Bien évidemment ! Le sujet devait-il faire l’objet d’une communication aussi intensive et visible ? On peut quand même se le demander. Cela met surtout en lumière le fait que les institutions publiques se comportent de plus en plus comme des marques qui travaillent leur image. Une suggestion pour éviter que ça se reproduise : laisser tomber la communication institutionnelle et rechercher plutôt de vraies solutions.

Il n’y a aucune raison pour que les néo-conservateurs, traditionalistes, réactionnaires ou post-fascistes (comme pour la théorie du genre, appelons un chat un chat…), qui reprennent actuellement du poil de la bête, fassent le moindre cadeau à des adversaires confortablement assoupis dans les universités et les ministères. Pas la peine de faire les saintes-nitouches en proclammant sa bonne foi la main sur un ton indigné, car, à ce rythme, la gauche va vite se retrouver à la ramasse d’une droite qui court désormais plus vite qu’elle. Un petit décrassage s’impose !


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13 réactions à cet article    


  • mobry 14 février 2014 17:45

    Si j’ai bien compris cet auteur anonyme met un titre pour faire croire qu’il va dénoncer la manipulation mentale sur les gosses. 

    Alors qu’il insulte ceux qui ne veulent pas que les enfants soient des cobayes au mains d’individus douteux.
    Oui les lobby LBGT et pédophiles se sont fait prendre au moment ou ils allaient mettre la main dans le pot de confiture. 


    • mobry 14 février 2014 18:58

      C’est effectivement un exemple concret de perversité.


    • Lo lop Lo lop 14 février 2014 20:21

      En fait, vous ouvrez un article, et comme il n’y a pas écrit ce que vous voudriez lire, vous trouvez ça pervers !

      Vous seriez pas un peu... bizarre ?

    • Luc le Raz Luc le Raz 15 février 2014 16:18

      « les lobby LBGT et pédophiles » Gay = pédophile ? Jumping Jesus ! Allez vite confesser votre homophobie auprès de votre curé, il pourra vous éclairer sur ce sujet.


    • philouie 14 février 2014 19:37

      Pas la peine de faire les saintes-nitouches en proclammant sa bonne foi la main sur un ton indigné

      Pourtant, elle est sacrément genrée la belkacem.
      c’est pas un camionneur, pour sûr.


      • Lo lop Lo lop 14 février 2014 20:13

        « ... la main sur le coeur » Pardon !


      • tf1Groupie 14 février 2014 22:14

        Moi ce qui m’inquiéte c’est les ultra-post-fascistes, encore que c’est moins grave que les néo-reac-catho-alternatifs.

        ça fait beaucoup de nouveaux mauvais genres.


        • périscope 15 février 2014 15:28

          « ultra-post-fascistes, et néo-reac-catho-alternatifs »
          Je dois réunir toutes ces tares car j’ai déja entendu la musique : normal, le 2 février j’ai manifesté pour la famille et vos semblables m’ont catalogué de la sorte, voire pire.
          Pourtant, en 2012, faisant confiance imprudement à Bayrou et ne voulant plus de Sarkozy, j’ai voté Hollande, croyant faire progresser la justice, la clarté, la réforme de la représentation, le courage en politique, etc.
           J’ai été plus que berné.
           J’ai surtout horreur des menteurs, de ceux qui disent ne plus endoctriner les enfants avec « le genre » et qui l’imposent, en douce dans le dos des parents, tiens, dernièrement, en CM1 à Versailles !
          Alors, « Peillon, démission » et vite


        • Jean-Paul Foscarvel Jean-Paul Foscarvel 15 février 2014 15:52

          Il faut je crois distinguer deux choses.

          La physiologie d’une part, qui est incontestable, et permet à certaines personnes d’avoir des enfants, d’autres non. Il peut y avoir des confusions à ce niveau, mais elles sont rarissimes.

          Le culturel de l’autre. C’est bien la culture, et non la nature, qui destine certaines professions aux femmes et d’autres aux hommes. ces déterminants sont fluctuants, évoluent, selon les périodes de liberté ou de contrainte, de puritanisme ou de libéralité, de machisme ou d’égalitarisme.

          Rien n’interdit a priori à une femme d’être pilote d’avion, camioneuse, ou écrivaine. C’est bien la société, qui le permet ou non. C’est donc effectivement une construction sociétale qui assigne des rôles de type masculin ou féminin.

          Allons plus loin. Les habits eux-mêmes évoluent avec le temps. Sous l’ancien régime, de notre point de vue, les hommes étaient à la cour autant efféminés que les femmes, passant leur temps au grimoire, à s’empoudrer le visage, à porter des robes. C’est la militarisation de la société qui a fait apparaître l’homme viril dans ses habits austères.

          Selon les cultures, les traditions, ce qui apparaît féminin peut dans d’autres contrées apparaître masculin, et vice-versa.

          Quant à la nature, les animaux ont toutes sortes de stratégies, et seule la physiologie, et non le comportement, permet de distinguer le mâle de la femelle.

          Le problème est que l’espèce humaine veut se détacher de la nature et créer une réalité imaginaire. Là, tout devient possible, et une femme peut se comporter en homme, et vice-versa. Cela ne fait que bouleverser les conventions, mais pas la réalité physiologique. C’est peut-être ce qui craignent les détracteurs de la théorie du genre, le mot lui-même laissant entendre qu’il s’agit d’un choix.

          Mais l’animus de la femme, l’anima de l’homme, fait partie intégrante de notre être. Symboliquement, intérieurement, nous avons tous une partie féminine et masculine, ce qui nous rend sensible à l’autre, et qui peut être refoulé, ou non.

          Finalement, il n’y a pas de « peur » à avoir. Tant que des apprentis sorciers ne voudront pas transformer notre être par des manipulations qu’ils ne maitrisent pas (via la génétique). Mais il ne s’agit pas de cela, simplement de la remise en cause de conventions qui resteront éphémère par principe.

          Ceci dit, j’ai la lourde impression que les socialistes, comme pour le mariage pour tous, utilisent les transformations sociétales comme des marqueurs de gauchitude, alors que sur les aspects sociaux, ils ont une politique de droite classique et libérale.

          Ils ne comprennent pas, ou feignent de ne pas comprendre, qu’une évolution sociétale nécessite également un niveau social avancé, et qu’une avancée sociétale simultanée à un recul social focalise les victimes sur ces transformations, avec un effet contre-productif.

          Par exemple, il n’est pas possible de prôner l’égalité homme-femme dans le même temps que l’on ferme des crèches, ou on nécessite la présence de parents pendant les horaires de travail.

          Ce qui apparaît alors est l’incohérence, l’inconstance, l’indifférence.


          • Mendosa Mendosa 15 février 2014 16:24

            @Jean-Paul Foscarvel
            Analyse très pertinente de part en part

            @l’auteur
            « L’école doit-elle assurer la mission de porter et de transmettre les valeurs d’égalité et de respect entre les filles et les garçons ? Bien évidemment ! Le sujet devait-il faire l’objet d’une communication aussi intensive et visible ? »
            Dans cette communication, ce n’est pas le gouvernement qui a lancé le sujet à outrance... il a été récupéré et imposé par ses détracteurs, le gouvernement est dans la réaction... A t il sous-estimé le pouvoir de nuisance et de manipulation des intégristes en tout genres ? Pourtant les débats houleux du mariage pour tous annonçaient la couleur... une erreur d’anticipation a été faîte, assurément.


          • Lo lop Lo lop 16 février 2014 09:49

            Ceci dit, j’ai la lourde impression que les socialistes, comme pour le mariage pour tous, utilisent les transformations sociétales comme des marqueurs de gauchitude, alors que sur les aspects sociaux, ils ont une politique de droite classique et libérale.

            Ils ne comprennent pas, ou feignent de ne pas comprendre, qu’une évolution sociétale nécessite également un niveau social avancé, et qu’une avancée sociétale simultanée à un recul social focalise les victimes sur ces transformations, avec un effet contre-productif.

            Par exemple, il n’est pas possible de prôner l’égalité homme-femme dans le même temps que l’on ferme des crèches, ou on nécessite la présence de parents pendant les horaires de travail.

            Ce qui apparaît alors est l’incohérence, l’inconstance, l’indifférence. 

            Merci, tout est dit.


          • eric 15 février 2014 20:34

            A l’auteur, je vous dirai la meme chose qu’a Chalot. Oui c’est politique et idéologique, et cela fait bien parti du vieux projet bolchevique de « détruire l’homme ancien pour construire la société nouvelle ». Et en particulier en s’attaquant aux gosses des autres Et oui, il aurait mieux valu pour les gauches continuer en douce, comme elles le font quand elles sont dans l’opposition, plutôt que de monter au crenau. mais elles ne peuvent pas s’en empêcher. Elles ont un tel besoin de légitimité, d’approbation qu’il faut absolument qu’elle fasse de la provoc pour montrer que « si, elles ont raison » et qu’il faut que cela se sache, se dise, se voit. Vos conseils raisonnables risque donc de tomber dans le vide.

            ne des principales raison, c’est qu’en administrant des remèdes aux enfants, elles cherchent d’abord a curer leurs propres problèmes existentiels.
            Je vous remet ce que je dis a Chalot
            On pense a ces femmes hystériques qui persécutent leur psy sur le thème, « docteur, je suis malade, soignez mon mari ».
            Il faudrait réactualiser les chiffres, mais je doute que les choses aient vraiment change.
            http://www.agoravox.fr/tribune-libr...

            La fonction publique de gauche en général, le secteur éducation formation recherche en particulier, constituent le principal ilot de résistance a l’égalité homme femme dans notre pays.
            C’est particulièrement frappant dans les maternelles et le primaire. Les instit sont des -trices, mais les directeurs non. Et il est charmant de les entendre expliquer doctement que c’est par ce que les femmes ne voudraient pas ou ne pourraient pas...(responsabilité d’enfant, etc... !)

            Cela d’autant plus que l’on connait la forte endogamie de ces professions. La théorie macroéconomique du mariage, montre qu’en tendance les couples optimisent le partage des taches ménagère en fonction des salaires marginaux. Dans un couple de prof, la lutte pour l’égalité doit tourner au cauchemar, compte tenu de salaires proches.
            L’exaspération entre des discours super égalitaristes et des pratiques qui ne le sont pas, au boulot comme au parti et comme dans les assoc. doit expliquer l’hysterisation de ces publics autour de ces thèmes, la ou le reste de la population a dans l’ensemble et de longue date, trouve des équilibres qui satisfont assez bien tous le monde.

            Il est stupide et contreproductif que ces milieux très macho, veuillent imposer une éducation théorique a l’égalité a nos enfants quand leurs propres comportements donnent l’exemple inverse. Tous ce que les enfants vont comprendre, c’est, que l’école, c’est, « fais ce que je dis, fait pas ce que je fais »

            Ce n’est pas en se vengeant sur des gamins qui n’en peuvent mais qu’ils changeront la société, mais bien en faisant l’effort de se changer eux même.
            Personne ne serait contre et ils laisseraient les familles en paix.

            Le fond, c’est que ce n’est pas principalement un problème politique et idéologique, c’est la tentative d’une catégorie de la population de curer ses propres pathologies sociales aux depends des autres.

            Même en cachette, avec des parents a 80% des classes d’age au bac, cela ne peut plus fonctionner.


            • Lo lop Lo lop 16 février 2014 10:17

              L’exaspération entre des discours super égalitaristes et des pratiques qui ne le sont pas, au boulot comme au parti et comme dans les assoc. doit expliquer l’hysterisation de ces publics autour de ces thèmes, la ou le reste de la population a dans l’ensemble et de longue date, trouve des équilibres qui satisfont assez bien tous le monde.


              Alors, là, c’est une piste que je trouve tout à fait pertinente.

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