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Portrait : Sébastià Piera, résistant antifranquiste

De la Catalogne à Ajaccio, l’histoire romanesque d’un homme engagé.

« Le vent n’est plus aussi fort que la nuit passée, mais la mer remue encore et le Sampiero Corso est près de chavirer. J’aperçois l’île et un palmier. Je dis à Trini que nous avons de la chance : les palmiers poussent sur des terres chaudes et, au fond, nous sommes des gens du soleil.  » Sébastià Piera arrive sur l’île de Beauté en 1951. Cet homme qui vibre d’espérances, dont le nom souffle la liberté, est un personnage doux à l’accent catalan chantant, aux paroles d’un lyrisme dénonciateur, exerçant un fort magnétisme sur tous ceux qui l’entourent. Une nuance de nostalgie dans un regard profond renforce le sentiment d’être face à un personnage charismatique, aux convictions humanistes chevillées au corps, aimant l’île qui l’a accueilli si chaleureusement. « En Corse ce qui m’a immédiatement séduit, c’est le sens de l’amitié. Ici l’amitié de circonstance n’existe pas  », concède-t-il, avec cet éclat de rire qui ponctue la plupart de ses phrases. Le sens de l’amitié, mais également de l’honneur, de l’universalité, le combat pour la liberté sont le fil d’Ariane de l’existence romanesque du Soldat de Pandore, comme le qualifie l’historien Ricard Vinyes, auteur de sa biographie, véritable devoir de mémoire. Sous les mots de Sébastià Piera, c’est l’Espagne qui se confronte à son passé, à son histoire.

Le refus de l’intolérance

De 1936 à 1939, la guerre civile en Espagne a fait près de 900 000 morts, 450 000 républicains se réfugient en France. D’avril 1939 à juin 1944 plus de 190 000 républicains meurent ou sont exécutés dans les camps et les prisons de Franco. Ce qui fait de nous des hommes libres c’est notre capacité à espérer, à résister. Sébastià Piera a fait bien plus, il a combattu pour la dignité humaine et aujourd’hui, il est temps de parler, de se raconter. « Qui tente de s’approcher de son propre passé enseveli, doit faire comme un homme qui fouille  », a écrit Walter Benjamin, Sébastià Piera a déterré pour notre génération une des plus cruelles pages de l’histoire de l’humanité et, bien que la mémoire invite parfois à des détours, il nous montre le chemin : combattre pour ses idéaux, ne pas céder à la peur et aux sirènes noires de l’intolérance. Chaque phrase prononcée résonne longtemps dans notre esprit. Fasciné par son parcours, nous sommes également effrayés et accablés par la fureur fasciste, la brutalité franquiste. Le visage de Sébastià porte encore les stigmates de la haine. En parcourant le Soldat de Pandore, en écoutant Sébastià Piera, on se retrouve au cœur d’une vie trépidante, tumultueuse, de la Catalogne à Paris, en passant par Leningrad pour terminer dans la Cité impériale. Nous sommes loin du voyage de Rimbaud, qui fuyait les rues, les places, le froid des villes de son enfance. Non Sébastià Piera ne fuyait pas son village natal, il affrontait la fureur des hommes. Si la mère demeure dans l’ombre, le père, instituteur, lui enseigne le respect de l’autre, la tolérance mais également les valeurs républicaines. L’effervescence collective des étudiants le pousse à se rebeller contre le pouvoir franquiste et la maturité l’entraîne à combattre le fascisme durant la Seconde Guerre mondiale. Puis c’est le départ pour la Corse, sous la pression de Franco, l’hospitalité des insulaires, la douceur de vivre ajaccienne, mais également les contrôles de police répétés. «  Durant 14 ans, jusqu’en 1965, nous allions chaque dimanche, signer au commissariat une feuille de présence, et pourtant nous étions appréciés de tous.  » Derrière cet aveu du cœur se dessine une certaine forme d’incompréhension. Néanmoins, la famille parvient à trouver sa place dans la ville de Napoléon, « Sébastià construisant des maisons et participant au réaménagement urbain du centre-ville et de la place du Diamant  », souligne Trini, son épouse. À présent, Sébastià Piera est heureux. Heureux du parcours de ses trois enfants « qui connaissent le prix de l’effort et ont le sens de l’éthique et de la morale  ». « Lorsque je pense à tout cela, je ne discerne pas une période se détachant parmi les autres. Toutes arrivent dans ma mémoire comme autant de moments d’espoir et d’émotion. Je ne sais pas comment cela se produit mais, ce dont je suis sûr, c’est que les souvenirs des hommes se chargent de paysages.  » Autrefois, Jean Daniel déclara avec force « Malraux notre ambition », aujourd’hui écrivons avec passion « Sébastià Piera notre témoin ».


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