Privatisons la police
Privatisons la police (*)
Certains malveillants, déçus que les policiers se mettent à descendre dans la rue comme tout le monde, racontent que les policiers sont efficaces pour tirer sur les citoyens qui manifestent dans la rue pour réclamer moins de pressions de tous genres ou plus de salaire (demander du travail leur est sorti de l’idée). Et pour les déférer aux juges (qui pour une fois, sont rapides). Mais que ces mêmes serviteurs de l’Etat (ou des gouvernants dans le cas ci-dessus) sont moins ou pas du tout efficaces quand ils s’aventurent dans les « quartiers » difficiles. Dont ils déguerpissent (au moins si l’on en juge par les reportages télé), quand des jeunes en capuches sonnent le repli stratégique (et même parfois avant).
Cette nauséabonde ironie appelle en réalité à réfléchir sur un régime juridique moderne des manifestations. Et sur les économies en personnel de police que ce nouveau régime permettrait de générer. Surtout que des « bleus » se mettent à imiter les gilets jaunes.
En s’inspirant de la manière dont le pouvoir de police a été … « transmis » en matière de stationnement, on peut envisager de gérer les manifestations comme suit.
Si l’on ne peut pas (1) « concéder » un pouvoir de police par contrat, on peut concéder la gestion du domaine public par exemple à un « fermier » ( comme pour les marchés forains qui se tiennent sur les trottoirs).
Or, les manifestations portent occupation du domaine public. Donc, selon le régime applicable au domaine public, 1/ elles peuvent être subordonnées à autorisation préalable (et non plus seulement au régime déclaration / interdiction ) ; 2/ elles peuvent par ailleurs être soumises au paiement d’une redevance.
A.
Des fermiers (privés) encaisseraient alors les redevances (la participation à une manifestation deviendrait payante) ; et remettraient des quittances aux participants qui en solliciteraient la délivrance. Ces financiers en reverseraient une partie à l’Etat.
L’Etat pourrait ainsi réduire les impôts. Par exemple l’impôt sur les sociétés. Ce qui permettrait aux bénéficiaires de l’allégement qui ne choisiraient pas de spéculer sur la suppression d’emplois, … d’en créer… et même peut-être en France.
S’ajouteraient les économies réalisées par la suppression (2) de postes dans la police, la gendarmerie, et (v. ci-dessous), dans la justice.
B.
Les organisateurs de toute manifestation pourraient ou devraient faire appel à des sociétés privées agrées de « sécurité » qui encadreraient les manifestations.
Sociétés de sécurité, dont les salariés pourraient obtenir une autorisation de port d’arme comme toute personne privée, Dont les salariés seraient assermentés pour vérifier que chaque manifestant est en possession du bon de participation. Et pour constater l’usage abusif du domaine public, tant par les participants à la manifestation que par les trublions.
Les uns payant alors une somme forfaitaire majorée leur permettant de continuer à manifester pour une heure ou deux.. Les autres étant livrés à la justice ou, comme cela sera évoqué plus loin, à des organismes qui pourraient la remplacer avantageusement.
Ce qui n’empêcherait pas d’autres personnes privées agissant pour leur propre compte ou pour le compte de tiers (le cas échéant avec le statut d’auto entrepreneur), toujours entraînés à ne pas se faire prendre, de commettre des exactions.
Lesquelles pourraient continuer à être exploitées pour discréditer la manifestation et en faire oublier la raison. Et donneraient l’occasion aux cameramen et aux photographes de continuer à vendre les images à la presse et aux télévisions amies du pouvoir.
C.
Les dégradations subies par les commerçants trouvant leur source dans la manifestation, chaque participant à cette dernière pourrait être tenu pour solidairement responsable des dommages.
Ce qui donnerait l’idée aux compagnies d’assurances de proposer un nouveau « produit » : l’assurance manifestation. Produit dont la souscription pourrait être rendue obligatoire, tant pour les organisateurs des manifestations que pour les personnes qui y participeraient ou celles qui auraient eu la malchance de se trouver sur le passage de ces dernières et à portée de matraque.
Tout cela coûterait évidemment un peu cher aux manifestants qui devraient payer (en fonction du parcours emprunté ?) leur occupation itinérante des voies publiques et auraient à verser des primes supplémentaires à leur assurance.
Mais, s’agissant de ce genre de « droits » populaires (dont les médias rappellent à quel point leur usage indispose) on paie déjà le droit de faire grève, puisque le salaire n’est pas versé à cette occasion. Alors …
Et puis, la vie coûte cher !!! . Se soigner coûte de plus en plus cher ; mais on n’est pas obligé de se soigner et … on peut emprunter. Faire des études supérieures coûte de plus en plus cher ; mais l’enseignement supérieur n’est pas obligatoire à ce qu’on sache, et les banques proposent en tout état de cause des prêts pour que les étudiants paient plus tard ce qu’ils ne peuvent pas payer tout de suite. Système de prêts qui constitue à n’en pas douter une excellente illustration de la « démocratisation » des études.
Et puis, il faut rappeler à la suite de nombreux penseurs médiatiques, qu’il n’est guère légitime de s’opposer dans la rue aux décisions prises dans les bâtiments nationaux, par les « responsables » politiques démocratiquement élus.
D.
Le contentieux des manifestations étant devenu contractuel, il pourrait être retiré aux juges et être confié à des commissions arbitrales.
Composées par exemple d’un représentant du fermier, d’un représentant d’une société de sécurité, ou selon le cas, d’un représentant des commerçants lésés et bien entendu d’un organisateur de la manifestation ; et à défaut, un manifestant tiré au sort (ou par un LBD).
Ces commissions arbitrales, que les rédacteurs de traités ont déjà substitué aux juridictions nationales quand des questions d’argent intéressent les sociétés étrangères spécialement nord-américaines, seraient donc plus équitables que les tribunaux traditionnels. Puisque ces commissions comporteraient un représentant des manifestants.
Avec ces quelques retouches à ce qui existe en réalité déjà, on affirmerait la supériorité d’une conception de l’homme libre et marchant dans et vers la modernité, sur celle de l’homme asservi et passéiste (3) .
Marcel-M. MONIN
m. de conf. hon. des universités
(*) certains lecteurs prendront peut-être ces lignes au premier degré. Encore que, s’agissant des lecteurs au deuxième degré, ces derniers ne soient pas forcément mieux inspirés … (voir les notes 2 et 3)
1) on peut toujours modifier le principe en ayant recours à une technique adaptée, comme la voie référendaire, dès lors qu’aucun juge ne veut contrôler le contenu d’un référendum.
2) on remarquera que la police ou la gendarmerie ont déjà été remplacées dans beaucoup de secteurs : prévention des délits de vol avec le développement de sociétés privées de gardiennage ; contrôle des bagages dans les aéroports ; création par la loi de polices en réalité privées dans les transports en commun comme la RATP et la SNCF ; … etc On se rappelle aussi qu’un maire avait donné à un détective privé, la mission de découvrir, - le garde champêtre n’y arrivant pas- , qui, dans la commune, avait un comportement incivique. Belle initiative qui ouvre les mêmes perspectives en matière de police judiciaire.
(3) Deux idéologies dominantes règnent actuellement sur le monde : l’une qui est née dans les déserts d’Arabie il y a plusieurs siècles . L’autre qui est née plus récemment à Chicago. Chacune ayant son prophète, ( Mahomet ou Milton Friedman) ; son dogme ( Dieu ou le marché comme dirigeant le monde) ; ses écoles ( madrasas et autres écoles confessionnelles d’un côté ; école de Chicago et divers think tanks de l’autre) ; ses lieux de cultes ( mosquées ou bourses) … Certes, certains des adeptes du deuxième dogme en profitent pour gagner leur vie en portant atteinte à celle des autres (par exemple en vendant des produits nocifs pour la santé). Mais … quand même ! Alors que la première école impose aux hommes ( … surtout aux femmes) ce qu’ils doivent faire, la seconde école, qui perçoit l’homme comme devant se débrouiller, et souhaite que l’Etat en fasse le moins possible pour l’en empêcher, assure la liberté. Et va dans le sens de l’ordre naturel des choses : Qui veut, depuis l’aube des temps, que certains vivent bien, et que les autres, leur vie durant, ne puissent vivre que mal. (v. Lacordaire - un « radicalisé » avant l’heure ? - : « entre le fort et le faible, entre le riche et le pauvre, entre le maître et le serviteur, c’est la liberté qui opprime et la loi qui libère »)
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