Protection des enfants sur Internet : que font nos politiques ?
Si ouvrir une page sur un moteur de recherche semble le geste le plus innocent – et le plus quotidien – du monde, il expose nos enfants à tous types de contenus, pouvant favoriser la radicalisation ou l’exposition à des images violentes ou pornographique.
Le débat sur la désinformation, et une éventuelle ingérence du Kremlin dans la présidentielle américaine, a relancé les discussions sur la fiabilité d’internet. La toile en général – et les réseaux sociaux en particulier – sont devenus un moyen efficace de diffuser des idées partisanes, voire de la propagande dangereuse. Une réalité particulièrement inquiétante en ce qui concerne la diffusion de l’islam radical dans nos foyers.
Internet joue en effet un rôle déterminant dans le processus de radicalisation, et dans le passage à l'acte des terroristes d’origine française. « 90 % de ceux qui partent en Irak et en Syrie partent en raison de la propagande qui est diffusée sur Internet », soulignait Bernard Cazeneuve, en novembre 2014, dans une intervention devant l’Assemblée nationale – des chiffres issus d’un rapport du Centre de Prévention contre les Dérives Sectaires liées à l’Islam (CPDSI).
« Quand je regardais les vidéos concernant l’oppression des musulmans, elles avaient un tel effet sur moi !… C’était trop émouvant. Ensuite, il suffisait juste de quelques mots, et j’étais parti », expliquait Larossi Abballa, au tribunal correctionnel de Paris lors d’une interpellation pour son association dans une cellule djihadiste qui envoyait des membres au Pakistan. Quelques années plus tard, après un passage en prison, il devient l’assassin d’un policier et sa compagne à Magnanville (Yvelines).
Internet, un « catalyseur » de radicalisations
Même observation pour les deux hommes responsables de l'attentat contre un prêtre âgé de 86 ans dans l’église de Saint-Etienne du Roubray. Pour l’imam de la mosquée du petit village près de Rouen, Mohammed Karabila, c’est aussi Internet qu’il faut pointer du doigt pour le cas d’Adel Kermiche, un des tueurs. Le religieux estime que ce dernier « devait fréquenter la mosquée Google ».
Pour le consultant politique-justice de BFMTV Dominique Rizet, Internet est « le catalyseur de tous ces gens-là, qui se retrouvent sur des plateformes de discussion, les réseaux sociaux, qui échangent des sentiments, puis des idées ». Le web (réseaux sociaux, plateformes vidéo, applications de messagerie, etc.) est en effet l’élément commun à la grande majorité des attaques terroristes commises en Europe ces dernières années.
Ainsi, à Beuvrages, en 2015, un adolescent a été mis en examen pour dérive islamiste, sans jamais être allé à la mosquée. Si le risque ne nous affecte pas tous – et il ne faut pas se replier dans une phobie stérile – la toile apparait comme le médium privilégié du « terrorisme de proximité ». Et elle fait de ce fait l’objet d’une attention particulière dans la panoplie de mesures adoptées depuis trois ans en matière de sécurité.
Un contrôle « deux poids, deux mesures »
Cette réaction de l’état est louable, et devrait inspirer la mise en place de contrôles accrus dans d’autres domaines où Internet peut s’avérer un risque – notamment pour les enfants. Un sondage OpinionWay pour l’association Ennocence datant de la mi-décembre, a en effet souligné que regarder des vidéos (films, séries, matchs) sur des sites de streaming ou de téléchargement illégaux figurait aujourd’hui parmi les principaux loisirs des enfants. L’étude souligne que le streaming est « plus fréquent que dessiner ou peindre, plus fréquent que jouer à des jeux de société ou que la pratique d'un instrument de musique ». Aussi 55 % des parents estiment que leurs enfants regardent des vidéos sur ces sites, et 33 % estiment qu’ils le font au moins une fois par semaine. Un succès qui s’explique largement par la grande liberté offerte par ces plateformes – on y accède gratuitement à des contenus « à la carte ».
Seulement, l’activité Internet de ces enfants est difficile à contrôler. D’après la même étude, 52 % des parents avouent ainsi qu’ils ne surveillent pas leurs enfants sur Internet. Et il est délicat d’exiger de parents – surtout lorsque les deux ont un emploi – de pouvoir superviser l’activité en ligne de leurs enfants 24h sur 24. Si ces derniers se rendent en ligne pour regarder des vidéos tout public, ils le font via des sites très peu encadrés par la loi. Cela peut provoquer un accès involontaire à des vidéos inappropriées – les contenus visionnés, mais surtout les publicités. Les banderoles et fenêtres « pop-up » présentes les sites de streaming et live streaming illégaux, renvoient très souvent sur des pages abritant des images à caractère violent ou pornographique. Ainsi, 42 % des parents estiment que leurs enfants ont été exposés à des images à caractère violent et 23 % à des images à caractère pornographique.
La protection des enfants sur Internet : une question politique peu abordée
Une réalité particulièrement choquante, lorsqu’on sait qu’un visiteur de site pornographique sur dix serait un enfant de moins de 10 ans. Brigitte Lahaie, ambassadrice de l'association Ennocence déplore que « les parents se sentent démunis face à cet accès libre et sans contrôle réglementaire. Comme il est impensable d'afficher en nos rues et librement pornographie et images violentes, il est grand temps de considérer le web comme l'Agora qu'elle est. Un espace public à encadrer pour protéger nos concitoyens, jeunes ou moins jeunes ». Car il s’agit bien de protection. L’exposition trop précoce à des contenus inappropriés a des conséquences sérieuses sur le développement de l’enfant et de la société.
L’étude OpinionWay nous révèle que 79% des parents pensent que la question de la protection des enfants sur Internet n'est pas suffisamment abordée par les hommes et femmes politiques. En outre, 66 % d'entre eux considèrent que les mesures politiques ne sont pas suffisamment efficaces pour protéger les enfants des risques d’Internet. Et pourtant, ce volet du débat est encore largement ignoré.
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