Quand les contrats financiers dictent les conduites morales !

Durant la Seconde Guerre mondiale, dans l’indifférence générale, 76 000 citoyens français de confession juive furent internés et déportés vers les camps de la mort. Et c’est seulement maintenant qu’intervient le mea culpa de la SNCF ?
Alors, pourquoi ces remords subits présentés par son Président lors d’un discours prononcé le 25 janvier 2011 (1) dans la gare de Bobigny, à l’époque appelée gare de déportation ?
Était-ce pour les quelques rescapés encore vivants ?
Ou est-ce pour les potentiels contrats qu’elle pourra négocier aux États-Unis, après repentances et excuses, conditions sine qua non préalables à toutes négociations ?
Que faut-il comprendre ?
Qu’une fois de plus c’est l’argent qui impose la règle du plus fort, même si dans ce cas il est au service de la morale, et que pour faire de nouveaux profits, des regrets et des excuses sont possibles, mais pas pour simplement honorer la mémoire de gens dont le seul crime était d’être nés différents.
Notre grande entreprise nationale, bien sous tout rapport et bienfaisante, car n’oublions pas qu’elle transporte plusieurs millions de passagers par an (cela doit sans doute la dédouaner des actes passés) qui est restée muette durant ces 65 dernières années, veut nous faire croire que les mirobolants contrats qu’elle veut négocier sans aucune entrave aux États-Unis n’y sont pour rien et que c’est un hasard de calendrier ?
Personnellement je n’y crois pas !
Comme il est évident qu’un plus un, cela fera toujours deux, la cause à effet du « chantage » étatsunien est évidente ; pas de regrets, pas de contrats, et c’est assurément de là que résulte les excuses présentées par la SNCF, c’est la simplicité et l’efficacité d’une demande formulée par le dominant au dominé intéressé.
Mais bon, admettons que la SNCF ne se fourvoie pas !
Le but de cet article n’est pas d’incriminer plus que nécessaire la SNCF, mais de faire le parallèle avec les 76 000 personnes qui sont internées chaque année dans des hôpitaux psychiatriques contre leurs volontés, de façon totalement invisible et ignorée du grand public.
76 000 personnes condamnées à une mort cérébrale lente (médicaments, sismothérapies, etc.) ou à l’indignité de leur personne, pour peu qu’ils aient la chance d’être relâchés, se retrouvant ensuite face à une administration psychorigide, qui parachèvera la destruction de cet individu, en refusant longtemps après ces actes ignobles la reconnaissance de ses « erreurs », comme le fit la SNCF ci-dessus nommée, et cela par tous les moyens dont elle dispose, y compris par la voie judiciaire.
Dans 65 ans peut-être saurons-nous la vérité et aurons-nous droit à quelques excuses, mais j’en doute, car il n’y aura probablement jamais aucun contrat à la clef pour faire plier l’administration pour tous ces insignifiants cas isolés.
Il faut croire que c’est la règle pour les institutions de ce pays de refuser de reconnaitre les « erreurs » d’appréciation d’une situation donnée, qui conduisirent autrefois et qui conduisent toujours à la privation de liberté individuelle d’un certain nombre de citoyens de ce pays, qui n’ont de droits que dans les textes, car en réalité, une fois l’arrêté d’hospitalisation signé, ils ne sont rien d’autre que des sujets entre les mains de spécialistes qui ont tous pouvoirs sur eux, alors que théoriquement et juridiquement toutes ces personnes sont libres de décider pour elles-mêmes.
Une fois de plus l’administration se permettant de négliger les droits de l’homme, des droits fondamentaux qui pourtant priment sur toutes les Lois nationales ; Or ce sont de simples articles du Code de la santé publique qui font autorité en la matière, dont certains furent récemment déclarés inconstitutionnels (2).
Si toutefois l’on peut véritablement considérer toutes ou parties de ces privations de libertés individuelles comme des « erreurs » acceptables et non pas comme des crimes perpétrés contre des victimes.
En effet, à moins d’être véritablement justifiées (il y en a certainement qui le sont), mais pour que les injustifiées (il y en a aussi) soient considérées comme « des erreurs » il faudrait qu’elles soient réparées, autrement, ce ne sont que des crimes commis contre des particuliers, les articles 432-4 et suivant du Code pénal sont très clairs sur le sujet (3) et vu le nombre annuel grandissant des internés sans consentement, ce ne peut être qu’un crime commis contre l’humanité.
Je me demande qui décide dans Le pays des droits de l’homme.
Les textes de Loi ou les hommes de loi qui se permettent une très grande liberté d’interprétation desdits textes !
76 000 personnes arrêtées individuellement ou lors de rafles organisées, certes par l’occupant, mais très bien épaulées et secondées par les autorités françaises du moment, ainsi avoué par la plus haute autorité de ce pays, le Président de la République, Monsieur Jacques Chirac lors de son allocution de commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, qu’il prononça en 1995.
Des propos repris par le Président de la SNCF lors de son discourt du 25 janvier 2011 (1) :
« Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’État français »
Tous ces déportés vers les camps de la mort ont fini par susciter de l’indignation à postériori d’une époque trouble, où la délation allait bon train, mais ce n’est pas uniquement la folie criminelle de ces quelques-uns, qui ont commis toutes ces atrocités, et qui en est responsable, c’est aussi la lâcheté du plus grand nombre qui c’est tu durant toutes ces années, se cachant derrière une prétendue ignorance des faits.
Tous mes respects à Monsieur Jacques Chirac d’avoir eu le courage, lors de son mandat présidentiel, de reconnaitre une des fautes passées de la France, sans pression mercantile.
Or il est manifeste que les 76 000 internés individuellement par an d’aujourd’hui ne méritent même pas quelques lignes ou mots dans les journaux et média, ce qui fait en six ans, 456 000 personnes privées de libertés individuelles, si l’on tient compte que cette guerre-là a duré ce temps-là.
Mais qu’essaye-t-on de nous cacher ?
Des pratiques honteuses que la morale et l’éthique réprouvent, ou la méthodologie de l’arbitraire.
En 1940, c’était aussi la Loi qui avait autorisé tous ces internements et ces déportations, aujourd’hui encore l’État français se cache lâchement derrière la Loi pour justifier l’injustifiable et les Français préfèrent toujours ignorer l’inacceptable plutôt que de se mobiliser contre des internements illicites, se cachant toujours derrière la fonction des agents de l’État qui fait foi et donc la décision rendue fait loi.
En outre, la peur que pouvait susciter une période de guerre pour ne pas réagir et agir n’est pas une excuse en temps de paix, l’inaction des pouvoirs publics, des médias et des citoyens eux-mêmes est significative du peu d’intérêt qu’ils portent aux valeurs de la République et à ces citoyens invisibles.
Que faisait Marianne en 1940 ?
Que faisait l’incarnation de la République française et des valeurs républicaines « de Liberté, d’Égalité, et de Fraternité » lorsque l’on déportait et internait sous ses yeux tous ces citoyens français ?
Et, où est Marianne aujourd’hui, alors que l’on viole sans vergogne la liberté individuelle des citoyens de ce pays ?
Comme en 1940, elle se cache lâchement derrière un État criminel en devenir et qui se méconnait.
1)http://www.sncf.com/resources/fr_FR/press/documents/54.pdf
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