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Quand les socialistes minaient de l’intérieur la majorité issue du suffrage universel

En avril 1946, Pierre Cot avait donc hérité d’un rapport précédemment placé sous la responsabilité d’un membre du MRP (François de Menthon), c’est-à-dire d’un parti rangé sous la bannière de Charles de Gaulle, et il faisait face à une Assemblée dans laquelle, si les communistes et les socialistes avaient la majorité des sièges (306 sur 579), les socialistes eux-mêmes étaient décidés à ne jamais la faire valoir ‒ intéressés qu’ils étaient à rester dans la ligne politique définie par Léon Blum auprès de Charles de Gaulle dès l’été de 1942 : on l’aiderait, lui, à tenir tête aux communistes, et, à défaut, on ferait soi-même le sale boulot, quoi qu’il en coûte.

En conséquence, Pierre Cot ne peut pas tenter de promouvoir un véritable régime d’Assemblée unique, alors que c’était ce qu’il préconisait, en 1943, lorsqu’il étudiait, aux États-Unis, le rôle futur du Conseil de la Résistance au moment même où Jean Moulin le mettait en place. (Sur ce point comme sur quelques autres parfois abordés ici, on pourra se reporter à Fallait-il laisser mourir Jean Moulin ? de Michel J. Cuny - Françoise Petitdemange, 1994)

Ainsi Pierre Cot affirme-t-il que le projet élaboré par la Commission n’est pas un "gouvernement conventionnel", et qu’en quelque sorte, Robespierre ne sera pas ressuscité. Le projet ne vise pas non plus à mettre en œuvre ce gouvernement strictement intégré à l’Assemblée unique dont Pierre Cot nous rappelle les modalités de fonctionnement :
« Dans ce régime non seulement tout le pouvoir est aux mains de l’Assemblée mais il est exercé par l’Assemblée, ou organisé par l’Assemblée de la façon qu’elle l’entend. On obtient, par là, une concentration totale, absolue, du pouvoir de l’État. Ce régime est particulièrement adapté aux nécessités de l’action immédiate et sans ménagement. Plus qu’aucun autre, il permet de mobiliser toutes les ressources de la nation. » (page 849)

Pourquoi Pierre Cot estime-t-il que ce régime ne correspond pas à la France de 1946 ? C’est que, depuis la Libération, la paix sociale n’a pas été troublée le moins du monde, dans son fond, quels qu’aient pu être les affrontements sanglants mettant en cause les collaborateurs français de l’envahisseur nazi. Or, dans sa pureté, le régime d’Assemblée, écrit Pierre Cot
«  convient aux périodes de fièvre et de désordre, où le "salut de la République doit être la loi suprême", où il s’agit de vaincre ou de mourir ». (page 849)

Ce qui était très exactement le cas de la Convention lorsqu’elle a dû agir sous l’influence de la parole de Robespierre.

Et Pierre Cot de poursuivre :
« En réalité, le gouvernement conventionnel est un gouvernement de dictature, qui organise non pas la dictature d’un homme, mais celle de la majorité. » (page 849)

Ce qu’ont illustré, à la fois, Robespierre et Lénine, en de tout autres circonstances.

Or, Pierre Cot était bien conscient de ce fait que, loin de tendre à exercer quelque dictature que ce soit, la majorité socialo-communiste ‒ en raison de l’abstention des socialistes ‒ ne parvenait pas même à se constituer en une simple majorité, ni à promouvoir son propre projet de Constitution, à soumettre ensuite à la ratification du suffrage universel.

En conséquence de quoi ‒ qu’elle qu’ait pu être la position qu’il avait prise en 1943 dans son livre Le procès de la République ‒, Pierre Cot déclarait :
« Parce que le gouvernement conventionnel est adapté aux exigences de l’action révolutionnaire, parce qu’il est en quelque sorte destiné aux périodes révolutionnaires, et parce que la France ne se trouve pas dans une situation révolutionnaire, il ne pouvait pas même être question de le proposer à l’Assemblée constituante. » (page 849)

Et le rapporteur de ne pas masquer ses sources :
« Pour reprendre les mots de Robespierre, la France, en 1946, a besoin d’un gouvernement constitutionnel. » (page 849)

Que la période ne soit pas révolutionnaire signifie tout simplement que la propriété, bien ou mal acquise sous la botte nazie, ne serait pas remise en cause, pas plus que celle issue de l’exploitation de l’être humain par l’être humain. Ainsi, conclut Pierre Cot :
« Ce serait défigurer le projet de la commission que de le présenter comme un "gouvernement par l’Assemblée", sous prétexte qu’il est fondé sur l’unité du pouvoir. » (page 849)

Rappelons que Pierre Cot a proposé de ne plus distinguer un pouvoir législatif et un pouvoir exécutif, éventuellement opposés l’un à l’autre, mais de s’en tenir à différencier deux fonctions : l’une législative, l’autre exécutive, réunies sous l’autorité unique du suffrage universel. Voilà pour "l’unité du pouvoir".

Ainsi, ajoutant une troisième fonction ‒ qui rappelle elle-même l’habituel pouvoir judiciaire ‒, celle que remplit le conseil supérieur de la magistrature, Pierre Cot conclut sur ce point des sources du pouvoir souverain :
« L’Assemblée, il est vrai, intervient dans le choix des hommes chargés de ces différentes fonctions ; mais il est normal qu’elle le fasse, puisque c’est elle qui exprime la volonté du peuple et qui agit au nom du peuple. »


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